Durant le mois d’août, le rédaction vous propose de redécouvrir des articles écrits tout au long de l’année passée.
Cet article de Sébastien Répéto a été initialement publié sur ce blog le 03 janvier 2020
Bien le bonjour 2020 ! Le hasard du calendrier me fait l’honneur d’écrire les premières lignes de l’année et de cette nouvelle décennie. Comme il est d’usage, je vous souhaite à toutes et tous une belle année. J’espère que vous avez passé de belles fêtes. Pour ma part, j’ai beaucoup apprécié le repas de Noël en terrasse et en tee-shirt. D’ailleurs, je me dis qu’il faudra peut-être repenser l’imaginaire de ces vacances de fin d’année, car le froid et la neige à cette période semblent être d’un autre temps.
Loin de moi l’idée de plomber l’ambiance, j’aimerais aborder ici un sujet qui, je pense, nous concerne tous et particulièrement nous lecteurs d’etourisme.info. Ce blog fourmille d’excellents conseils depuis plus de 14 ans (j’ai bon Jean-Luc ?) pour une bonne utilisation du numérique dans nos métiers du tourisme.
L’année et la décennie numérique à venir s’inscriront, à n’en pas douter, vers plus de sobriété. Cette évolution de nos pratiques n’est pas un vœu pieu, elle est indispensable. Les constats sont là : la multiplication des équipements et l’évolution de nos pratiques numériques tendent vers une augmentation de l’empreinte environnementale et des conséquences qui y sont liées, parmi lesquelles l’intensification du changement climatique, la dégradation des écosystèmes et l’épuisement des ressources.
En 1969, la NASA envoyait l’équipage d’Apollo 11 sur la lune avec un ordinateur de bord d’une capacité de stockage de 70ko, soit le poids actuel d’un simple email. En 2020, la consommation d’un film en streaming nécessite 4go… L’idée n’est pas de stopper nos pratiques numériques mais de les rendre plus efficientes. Vaste chantier auquel nous pouvons tous contribuer.
Le numérique émet plus de gaz à effet de serre (GES) que l’aviation civile
D’après le think thank “the shift project” les émissions de GES du numérique représentent 4% du total des émissions mondiales soit 1,5 fois plus que l’aviation civile. La consommation de vidéo en streaming représente à elle seule 1% des émissions mondiale de GES. Les émissions de GES ne sont pas les seules conséquences de nos pratiques en ligne. La fabrication de nos smartphones ou ordinateurs, ainsi que leur traitement lorsqu’ils sont en fin de vie, participent allègrement à l’épuisement des stocks de ressources abiotiques ainsi qu’à la pollution des sols.
Les impacts environnementaux concernent l’ensemble du cycle de vie d’un produit ou service numérique. Cependant, les principaux impacts environnementaux sont concentrés dans les phases amont (fabrication) et aval (fin de vie).
Très concrètement, on considère que la production d’un ordinateur nécessite 22 kg de produits chimiques, 240 kg de combustibles et 1,5 tonnes d’eau claire. Alors qu’une voiture ou un réfrigérateur nécessitent qu’une à deux fois leur poids en combustible fossile et en produits chimiques, un ordinateur demande au moins dix fois le sien. (étude we green IT 2018).
À l’échelle mondiale, nos usages connectés représentent déjà 2 fois l’empreinte environnementale de la France : 1 037 TWh d’énergie primaire (140 millions de français), 608 millions de tonnes de gaz à effet de serre (86 millions de français) et près de 9 milliards de m3 d’eau (160 millions de français).
Lorsque l’on regarde les chiffres, le sujet de la pollution numérique peut paraître vertigineux. Cependant nous pouvons, à notre échelle, faire avancer les choses. Avant d’entrer plus en détail dans les actions, arrêtons-nous sur quelques notions clés. Ces définitions sont toutes issues de l’ouvrage “Sobriété numérique” de Frédéric Bordage.
- Low-tech : le terme low-tech fait référence à celui de high-tech. “Il s’agit de privilégier des techniques et des technologies simples, robustes et bien maitrisées par le plus grand nombre, peu coûteuses tant sur le plan économique que sur le plan social et environnemental.
- DEEE : déchets d’équipements électriques et électroniques. L’humanité produit 75 milliards de kilos de DEEE par an. Cela inclut aussi les déchets d’équipements électroménagers. Les terminaux des utilisateurs ne représentent pas un gros tonnage comparés aux lave-vaisselle ou réfrigérateurs mais ils concentrent proportionnellement davantage de pollutions.
- Sac à dos écologique : cette notion mesure “la quantité de matières premières nécessaires pour fabriquer un produit fini. La méthodologie MIPS rapporte le poids total des matières premières au poids du produit fini.” Ainsi, on peut comparer le MIPS d’un smartphone, 1200, à celui d’un téléphone mobile (low-tech), 60.
- Eco-conception de service numérique : “consiste à intégrer à la conception d’un produit ou d’un service ses conséquences sur l’environnement dès le début de son élaboration et à toutes les étapes de son cycle de vie”.
Quelques gestes simples pour agir, au bureau comme dans la vie perso
Lorsque l’on parle de pollution numérique, les solutions souvent avancées sont de vider sa boîte de réception ou d’utiliser un moteur de recherche “responsable”. Malheureusement, ces deux actions s’avèrent très peu impactantes pour la première voire même carrément contre-productive pour la seconde. Au sujet des emails, ce n’est pas le stockage de ces derniers qui pollue le plus mais bien leur envoi. Ainsi, il sera plus efficace de réduire le nombre d’emails envoyés, le poids des pièces jointes ajoutées et le nombre de destinataires plutôt que de vider sa boîte de réception. Pour ce qui est des sites de recherche dit “écolo”, ces derniers utilisent google ou bing et affichent leurs résultats avec une autre interface. La conséquence est donc l’augmentation de l’impact environnemental des recherches par rapport à un moteur de recherche classique. Les requêtes sont ensuite compensées par la plantation d’arbres. Mais ne dit-on pas que le meilleur déchet est celui qui n’est pas produit ?
Le gros de la pollution numérique est lié à la production et au traitement des déchets que représentent nos terminaux. Ainsi, la première action consiste à allonger leur durée de vie. C’est tout bête mais terriblement efficace. Ne plus se laisser happer par le dernier produit de notre marque à la pomme préférée est probablement un bon début, sachant que 88 % des français changent de portable alors que l’ancien fonctionne encore. Ainsi, passer de 2 à 4 ans l’usage d’un terminal améliore de 50 % son bilan environnemental. Bonne nouvelle, 2021 marquera en France l’arrivée d’un indice de réparabilité des équipements qui devrait nous aider à choisir des équipements facilement réparables en réponse à l’obsolescence programmée.
Les solutions de cloud ont envahi notre quotidien. Or ces dernières sont particulièrement énergivores puisqu’elles nécessitent des allers-retours permanents entre les terminaux et les serveurs qui stockent les données. L’impact environnemental est encore plus important dans le cas d’une utilisation du cloud en 4G, qui nécessite 20 fois plus d’énergie qu’une connexion filaire. Revenir à un stockage de données en local lorsque c’est possible est une bonne piste pour réduire son impact environnemental.
Les box ADSL et boitier TV allumés 24h/24h consomment autant d’énergie sur un an que 10 ordinateurs allumés huit heures par jour sur la même période. À la maison comme au bureau, il n’est pas compliqué de les désactiver lorsqu’on ne les utilise pas.
Et dans nos métiers ?
En octobre, Jean-Luc évoquait dans son billet “La transition durable sera aussi majeure que la transition numérique” l’intérêt de développer « l’animation durable de territoire » comme ce fut le cas en 2011 avec “l’Animation Numérique de Territoire”. Une très belle idée qui permettrait d’identifier une personne référente sur le sujet au sein de la structure. Un garant de la démarche en interne qui sensibilise, accompagne et valorise les acteurs du territoire comme l’ont fait en leur temps les ANT.
La notion de numérique responsable doit, à présent, être systématiquement intégrée dans nos stratégies. Par exemple dans l’éco-conception des services numériques. Une bonne piste sur le sujet consiste à se concentrer sur le besoin essentiel des utilisateurs. Souvent, la conception d’un service numérique pensé “mobile first” permet d’en enlever tout le superflu et, ainsi, d’être dans une démarche de sobriété.
Nous devons aussi apprendre à parler moins et mieux sur les réseaux sociaux ce qui, en plus d’être moins impactant pour l’environnement, sera bénéfique pour nos audiences qui subissent l’infobésité des fils d’actualité. Posons-nous aussi la question de la péremption de nos contenus : êtes-vous sûr que votre vidéo de 2009 a toujours sa place sur votre chaine Youtube ?
Ces quelques pistes ne sont que les prémisses d’un grand chantier qui nous attend. Au risque parfois de flirter avec la schizophrénie.
Pour aller plus loin, voici une liste de ressources sur le sujet :
- Sobriété numérique, Les Clés pour agir – Frédéric Bordage
- Eco-conception web : les 115 bonnes pratiques – Frédéric Bordage
- La face cachée du numérique – ADEME
- Quelle démarche Green IT pour les grandes entreprises françaises ?
- Apprendre à réduire son empreinte numérique – WWF
- Eco-responsable au bureau – ADEME