Les gens réclament la justice climatique. Le tourisme se développe comme jamais et pèse de plus en plus sur le climat. Ne faut-il pas repenser la notion de performance touristique pour montrer l’exemple et éviter l’effondrement?
Les gens dans la rue pour le climat! La peur de l’effondrement ?
Des dizaines de milliers de gens se sont rassemblées ce week-end dans les grandes villes françaises pour alerter les politiques au changement climatique. La semaine dernière, c’est Nicolas Hulot, ministre de l’environnement qui démissionnait de son poste, marre d’avaler des couleuvres de la part des lobbys.
Bien sûr, derrière ces faits, il y a des alertes toujours plus récurrentes et nombreuses de la part des scientifiques en disant de manière simple : « Le mur se rapproche dangereusement… vous souhaitez vraiment que vivre un effondrement ? ».
Oui ! C’est bien de ça qu’il s’agit ! On entend donc de plus en plus de gens parler d’effondrement et de collapsologie. Jeudi dernier lors des Entretiens Internationaux du Tourisme du Futur organisés à Vixouze (Cantal), j’ai donc décidé d’en parler devant Christian Mantéi (Atout France), Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’Etat au Tourisme et Karima Delli, députée européenne et une centaine de professionnels du tourisme. Mon idée était de présenter un nouveau récit, une certaine hypothèse de l’avenir afin de nous poser la question suivante : « A quoi ressemblerait notre secteur du tourisme si cet effondrement arrivait vraiment dans 10, 20 ou 30 ans ? ». Ce pitch faisait suite à cet article écrit dans la semaine suite à la démission de Nicolas Hulot.
Image-t-on vraiment un tourisme avec un climat à +5°?
La réponse est simple. Ce ne sera pas joli ! Préparez les reconversions, les pivots d’entreprises et les nouvelles priorités pour le territoire.
Mais alors… derrière cette hypothèse qui devient hyper sérieuse (Yves Cochet parle d’un évènement probable à moins de 10 ans…), les destinations et les entreprises du secteur du voyage se préparent elles ? Est-ce que les business model et les stratégies de développement et d’investissement des territoires imaginent ce genre de futur à la fois pour anticiper ces crises et réduire au maximum leurs effets ?
Atout France clamait encore dernièrement que la destination France devait intensifier son internationalisation, pour atteindre rapidement ces fameux 100 millions de touristes internationaux et ainsi améliorer attractivité et performance.
La question que je me pose aujourd’hui est celle-ci : pour quels objectifs ? pour quels impacts acceptables ?
On se dit régulièrement leader mondial du tourisme. Or, le rôle d’un leader n’est-il pas justement d’anticiper les changements, de montrer une nouvelle voie possible ? Pour moi, chercher toujours plus de touristes n’est clairement pas le sens de l’histoire. C’est juste suivre le mouvement général. Par ce choix faussement stratégique, la destination France et ses régions montrent leur incapacité à innover, à penser le futur et à faire bouger la concurrence. Car oui, comme le disait Nicolas Hulot dans un récent tweet, « s’engager pour le climat et la biodiversité » est la seule modernité.
Les grands patrons dans une entreprise montrent justement leurs qualités par leur capacité à anticiper les changements futurs. Pourquoi des grandes entreprises comme Shell ou BP imaginent l’avenir de leur entreprise avec un scénario à +5° à l’échelle mondiale en 2050. Et vous ? Imaginez-vous votre destination et votre entreprise avec un scénario à +5° ? Que deviendront des destinations insulaires ou balnéaires sans plage avec une partie des côtes sous l’eau ?
Innover, c’est changement de paradigme!
Aujourd’hui, j’en appelle donc au gouvernement, à Atout France, aux régions et aux OGDs pour montrer la voie d’un autre développement touristique. Si nous sommes réellement des leaders, montrons-le au reste du monde ! Construisons un nouveau récit, comme le dit Cyril Dion. Changeons la définition de performance touristique et imposons-la au monde, Organisation Mondiale du Tourisme et destinations concurrentes ! Ce n’est pas en clamant haut et fort que nous voulons toujours plus de touristes internationaux que nous innovons. Des outils existent aujourd’hui pour repenser cette mesure vieillissante. On possède en France la créativité et l’intelligence pour développer ce nouveau paradigme. Et le tourisme pourra enfin expérimenter ces choses au service des autres secteurs économiques.
Elus, patrons, salariés, êtes-vous prêts à innover enfin ? Je vous promet louanges et félicitations sur l’ensemble de la planète, à commencer par les dizaines de milliers de personnes qui sont descendus dans la rue ce week-end…