Faire des éditions touristiques durables, c’est possible

Publié le 17 juillet 2020
4 min

L‘Office de Tourisme du Pays Basque est un des plus étendus de France : regroupant 158 communes, il s’étend de la côte basque jusqu’aux vallées souletines. Autant dire que lorsqu’il a été créé voici bientôt deux ans, regroupant plus de 20 bureaux d’accueil et 65 salariés, la question de l’information s’est vite posée.

Car au fur et à mesure des années, les éditions touristiques s’étaient développées, largement financées par des régies publicitaires locales. La taille du territoire obligeait donc à tout réunir, ce qui conduisait à la publication d’interminables listings, dépassés à l’heure du smartphone, et dont une bonne partie se trouvait inutile pour le visiteur, cantonné sur une partie du territoire.

La décision de l’Office de Tourisme a été donc assez radicale : limiter les éditions collectives à une carte touristique et arrêter toutes les autres publications financées par des régies publicitaires. Et, à la place, éditer un vrai guide touristique papier, qui sera vendu aux visiteurs ! C’est ainsi qu’est paru début juillet le guide « Lau Haizetara » ce qui signifie « le Pays Basque aux Quatre Vents ».

Un vrai pari, comme l’explique Nicolas Martin, directeur de l’Office de Tourisme, sur son profil Facebook , où il détaille quelques points clés de ce projet : 

▶️ Remplacer les 100 tonnes de dépliants et prospectus imprimés l’année dernière, qui finissent à la poubelle, parfois sans même avoir été lus. Pour mémoire 100 tonnes cela représente 100 🚗 ou 20 🐘.

▶️ En finir avec cette logique d’encarts, qui condamnait nos supports à être des « listings » d’annonceurs, sans valeur ajoutée à l’ère de Google & co.

▶️ Nous avons dont décidé de remplacer l’ensemble de ces documents par un livre, vendu pour lui donner de la valeur et éviter qu’il ne soit jeté, et au contraire inciter à ce qu’il passe de mains en mains.

▶️ A l’issue d’un appel d’offre la maison d’édition bayonnaise Elkar a été retenue, et le projet a été mené en un temps record, 6 mois, dont 10 semaines de confinement.

Résultat : LAU HAIZETARA, LE PAYS BASQUE AUX QUATRE VENTS », un ouvrage de 200 pages fruit d’un travail collectif.

Une nouvelle méthode de distribution de l’information

Ce qui me semble également disruptif, c’est le mode de distribution de ce guide : il faudra que le visiteur vienne l’acheter dans les Bureaux d’Information Touristique et OT du territoire, ou le commande sur le site de l’Office de Tourisme. Pas de vente sur les grosses plateformes, pas de diffusion en ligne.

Ce qui pousse le visiteur à pousser la porte de l’Office de Tourisme (tous ceux du territoire jouent le jeu, même les « stations classées) pour se procurer l’ouvrage.

Le prix est aussi attractif : cinq euros pour un ouvrage de deux cent pages, d’une très haute qualité éditoriale.

Cécile Eyheraburu, conseillère en séjour au bureau d’Hasparren, m’a donné ses impressions après quelques jours de diffusion : « c’est vraiment très facile à vendre. D’abord, parce que c’est un ouvrage intime, réalisé et écrit par des locaux (maison d’édition basque et personnel de l’OT), et qui nous représente réellement. Des visiteurs sont revenus nous parler du guide, après avoir dévoré l’ouvrage en une soirée. Et le prix est très attractif. »

Bilan, en une semaine, 450 guides ont été vendus. Au total, 25 000 exemplaires ont été imprimés pour les deux années de validité du guide, 2020 et 2021.

Une mission d’éducation populaire.

Le Pays Basque, comme tout territoire à forte identité, est souvent promu touristiquement à travers des clichés folklorisants. Et les brochures traditionnelles d’information touristiques ne dérogeaient pas à la règle : danses folkoriques, jeux de force basque et fêtes locales à la une. Ce qui fait bien partie de la culture basque, mais qui est loin de la représenter dans sa totale diversité.

Le guide Lau Haizetara est en ce sens exemplaire : il aborde l’ensemble des composantes du Pays Basque pour les expliquer, les décrypter. Des questions sensibles, comme le nationalisme, y sont abordées. Les initiatives alternatives, comme l’essor de la monnaie locale , l’euzko est évoqué (monnaie locale disponible dans les Offices de Tourisme). La langue, la spécificité de la société basque autour de la maison, la diversité de l’agriculture avec ses initiatives locales, les produits réinventés, tout concourt à rentrer dans l’intime du territoire. Et donc de faire connaître à un touriste la réalité quotidienne d’une terre et de ses habitants.

Une autre particularité du guide est son sens de lecture : au lieu de traiter de la côte, puis de l’intérieur, il parcourt l’ensemble du Pays Basque d’Ouest en Est, puis d’Est en Ouest, en accordant la même importance à chaque secteur du territoire.

En réalisant ce guide, l’Office de Tourisme a assumé une vraie fonction d’éducation populaire. Car il explique, il apprend, il fait grandir le lecteur dans sa connaissance de son lieu de vacances ou de résidence. Son propos vise à favoriser un échange entre l’habitant de toujours et celui d’un jour, en se libérant de visions justes marchandes et consuméristes.

Comme le souligne Nicolas Martin, « cet ouvrage s’inscrit parfaitement dans une logique de circuits courts, de répartition des flux et de valorisation d’un tourisme « différent », toute l’année, et sur l’ensemble du territoire. »

Est-ce que ce serait celà, le futur des éditions touristiques institutionnelles ?

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Jean Luc Boulin est consultant en tourisme : Intervention auprès des élus et des prestataires touristiques, coaching, accompagnement des équipes et des directions sont ses principaux champs d'intervention. Avec deux exigences : se mettre à la place du client et oser l'innovation. Directeur de l’office de tourisme de l’Entre-deux-Mers (Gironde) et du pays d’accueil touristique du même nom pendant plus de dix ans, Jean Luc Boulin a dirigé la MONA [...]
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