Podcasts de destination, faisons le point.

Publié le 7 décembre 2020
9 min

Il n’y a encore pas si longtemps, les podcasts n’avaient pas encore connu leur heure de gloire. Certains se demandaient comment ça marchait, d’autres articulaient péniblement « possecats » (c’est vrai que ce n’est pas facile à dire) quand les derniers marmonnaient en eux-mêmes « ça ne marchera jamais ». Rendons toutefois ce qui appartient au blog etourisme.info, qui dès 2006 pointait le podcast comme « un outil à prendre en compte par les OTSI, CDT et CRT qui ont possibilité de promouvoir de façon originale leur région ». Précurseurs, n’est-il-pas ?

Meanwhile, outre-Atlantique, la série sonore « Serial » capitalisait pas moins de 100 millions d’écoutes en 2014 : c’est plus que Games of Thrones (30 millions de vue en moyenne par épisode), je crois que c’est assez clair, le podcast, ça marchait plutôt bien aux USA.

En 2019, la tendance du podcast en France commençait à s’enraciner et à se généraliser, relativement timidement dans le milieu du tourisme qui ne jurait jusqu’à lors que par l’image.  Les confinements successifs de cette année ont considérablement accéléré la consommation et la production de podcasts. Le premier confinement nous a libéré du temps, que beaucoup ont mis à profit pour découvrir et explorer ce nouveau média. Le second confinement a été celui du passage à l’action, pour bon nombre d’indépendants mais également pour de nombreuses destinations touristiques.

Le podcast, réputé pour être facile à réaliser, ne nécessitant pas de matériel coûteux, a donc connu son avènement dans le milieu du tourisme institutionnel dès les premiers jours d’octobre. Pas un office de tourisme qui ne se soit dit « Ok, tout le monde est en télétravail, on a parlé des podcasts à la dernière réunion d’équipe, c’est innovant, faisons-le. Tout de suite !!! » La quantité de productions réalisées cet automne par les OGD est impressionnante.
On a donc entendu de tout, des courts, des longs, des interviews, des monologues, des petites perles de création radiophonique, des qualités techniques variées (aïe mes oreilles), mais on a surtout entendu l’envie de se jeter à l’eau et d’y aller, et ça, ça fait plaisir.

Passée cette période d’euphorie podcastique, je vous propose de faire une petite pause pour remettre en perspective les objectifs d’un podcast de destination. Mes propos seront complétés par deux exemples concrets et différents, tant dans leur forme que dans leur propos.
Elsa Lelandais, chargée de création Images & vidéos a piloté le projet « Voyager et renaître ici » d’Auvergne Rhône Alpes Tourisme, une série de 6 épisodes, sous forme d’interviews in situ. Ce projet a été initié avant le premier confinement, dans le cadre de la stratégie 2020.
Delphine Madoré est chargée de projet Culture et Tourisme au Pays de Châteaugiron (Ille & Vilaine), elle a pris en charge la réalisation des podcasts, de l’écriture à la diffusion, rien que ça. Cette série a été initiée à la faveur du second confinement.

Elles m’ont toutes deux confié leurs approches pour distinguer et faire émerger quelques bonnes pratiques en matière de campagnes de podcasts.

Pourquoi lancer son podcast de destination ?

Que ce soit de manière réactive face à une « injonction à se réinventer » en raison de la crise sanitaire, ou inscrit dans une stratégie à long terme, la question du pourquoi reste incontournable.

Le son, c’est le média de la proximité et de l’intime, qui permet une adresse directe et individuelle à vos auditeurs. Le podcast vous donne l’opportunité de parler au creux de l’oreille de vos (futurs) visiteurs, et de capter leur attention quand tout s’agite autour d’eux. Nous sommes soumis en moyenne à 1200 messages publicitaires visuels par jour, la concurrence au cœur de l’économie de l’attention fait rage. Ce format est apprécié notamment parce qu’il permet de « faire autre chose en même temps », comme cuisiner ou courir, contrairement au format vidéo qui nous cloue devant nos devices.

Elsa Lelandais pour Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme nous parle de « recréer des imaginaires de voyage », c’est beau, non ? Et bien oui, le son c’est l’immersion assurée, qui fait galoper notre imaginaire et nous embarque, c’est le lieu privilégié de l’histoire, oserais-je dire du storytelling.  En lecteurs avertis du blog, vous savez comme personne à quel point raconter une histoire est le devenu l’alpha et l’oméga de la communication touristique. C’est donc une bonne façon de diversifier ses contenus et une excellente manière de « raconter le territoire autrement », comme en témoigne Elsa, pour qui le podcast était le meilleur format pour compléter leur stratégie « Renaître ici » autour du tourisme durable. Elsa pointe également la sobriété numérique induite par la légèreté des fichiers sons vs des vidéos toujours plus gourmandes.

L’équipe du Pays de Châteaugiron, fièrement emmenée sur ce sujet par Delphine Madoré, a choisi de miser sur l’innovation, suite à l’opération « Rendez-vous en Terres connues » cet été, qui a très bien fonctionné auprès de leur communauté. Delphine a souhaité capitaliser sur cette réussite pour continuer à renforcer leur présence sur les réseaux sociaux, au moyen de contenus récurrents. Elle sort chaque semaine un nouveau podcast. La fréquence de diffusion passera à un épisode par mois à la sortie du confinement, pour maintenir l’engouement et la fidélité de ses tout nouveaux auditeurs.

A qui s’adresse votre podcast ?

De deux choses l’une : Dans le premier cas, vous cherchez à communiquer vers votre communauté, vos clientèles habituelles, avec qui vous avez besoin de conserver un lien, qu’il vous faut peut-être rassurer en vue de leurs prochains séjours : posez-vous les mêmes questions que pour vos campagnes habituelles ; c’est la base de la communication, vous savez que vous ne vous adresserez pas de la même manière aux familles, aux séniors, aux groupes, etc.

Dans le second cas, vous cherchez à acquérir de nouvelles cibles, en l’occurence celle qui a une appétence pour ce média. En effet, l’auditorat de podcasts peut être une nouvelle cible pour vous, apprenez à la connaître. Pour résumer, l’auditeur.trice de podcast a en moyenne 35 ans, vit dans une métropole, est hyper connecté.e, très curieux.se et méfiant.e envers les publicités classiques et les médias dominants.
Ça vous parle ? Vous pensez pouvoir en faire de futurs visiteurs ? Alors ma recommandation sera d’aller écouter ce que cette cible consomme pour bien en comprendre les codes et les attentes. Je ne saurais que vous inciter à passer du temps sur arteradio, la référence absolue en la matière. En matière d’inspiration, Elsa Landais cite les others comme référence qui l’a aidée à mieux comprendre comment bâtir cette campagne pour aller chercher une clientèle parisienne et francilienne.
Côté Châteaugiron, il est intéressant de noter que l’initiative a été prise également dans la continuité de la Démarche Tourisme et Handicap, pour rendre accessible le territoire aux personnes empêchées, avec bientôt une version signée des podcasts, ce qui est vraiment très cool.

Quelle forme va prendre votre podcast ?

Un podcast, ce n’est rien d’autre qu’un fichier son, on dit podcast comme on dirait vidéo. Il n’y a donc pas de règle en la matière, c’est un véritable espace de liberté. Interview, talk, reportage, portrait chorale, reconstitution ou même pure fiction, tout est permis. Je me permettrais toutefois de vous recommander d’installer votre campagne sous forme de mini-série, parce que vous gagnerez des auditeurs au fil du temps.

En termes de durée, s’il n’y a pas non plus de norme, sachez toutefois que l’auditeur de podcast est ok pour écouter un contenu allant jusqu’à 30 minutes. Leur attention est toute à vous, ne les décevez pas. Soignez votre éditorialisation, choisissez la bonne histoire à raconter, soyez exigeant en matière d’écriture et de dramaturgie, vous allez devoir retenir l’attention de votre auditeur, le captiver. Portez une attention vigilante à la qualité de votre réalisation, chouchoutez les oreilles de vos auditeurs.

Cependant, si vous diffusez vos podcasts via vos réseaux sociaux, alors deux choix s’offrent à vous.
1/ Vous faites le pari de faire sortir l’internaute de son feed pour l’envoyer vers votre site web, pour un temps d’écoute long, et les précos ci-dessus s’appliquent (cette méthode représente 80% des écoutes pour Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme),
2/ Vous allez dans le sens du web 2.0 et optez pour des contenus courts et très efficaces. Une charte graphique percutante sera votre meilleure alliée.

Recours à une agence ou DIY ?

Si les confinements successifs ont été des opportunités de tester des formats, et que les internautes ont été globalement indulgents parce que curieux, avides de contenus et solidaires des initiatives de chacun, il conviendra de professionnaliser ces réalisations, je ne saurais que vous renvoyer au très complet article de Denis Genevois sur l’aspect technique, si vous sentez que votre équipe a le temps de monter en compétence sur ce sujet. 

J’en profite pour faire un grand « big up » à Seine et Eure Tourisme qui a réalisé en interne une belle campagne de podcasts, « Seine et Eure se narre ! », dont la MONA s’était d’ailleurs fait l’écho récemment.
Ces gourmandises sonores sont bien écrites et bien exécutées, elles ont une véritable identité, elles ne se prennent pas au sérieux mais sont diablement bien orchestrées, le montage est ciselé, le mixage est léché. Spoiler alert : un des membres de l’équipe vient du milieu du son.

Ce qui est fort dans l’initiative du Pays de Châteaugiron, c’est le côté très affectif que l’on tisse avec Delphine, dont on retrouve la voix chaque semaine. Les podcasts sont ainsi incarnés, et l’on devient fidèle à ce rendez-vous hebdomadaire avec une voix qui nous devient de plus en plus familière.
Elsa en témoigne aussi, en nous expliquant que plus Clément, le « narrateur » est présent sur un épisode, meilleures sont les audiences.
D’autre part, ARA Tourisme a fait le choix, via un appel d’offre, de recruter un studio de production, notamment parce que l’objectif était de proposer une réelle immersion sonore au cœur du territoire. Ils ne pouvaient pas mieux tomber qu’avec Studio Tarabust, que je qualifierais de « badass de la prise de son ». Experts en field recording, équipés d’une kyrielle de micros plus précis les uns que les autres, capables de rester deux heures les genoux dans l’herbe pour enregistrer un criquet, ils ont su, avec une grande fidélité sublimer la parole des interviewés et le paysage sonore qui les entoure.

Où diffuser votre podcast ?

– Votre site internet, via un player intégré ou via une page dédiée.

– Vos réseaux sociaux, à l’instar de l’Office de Tourisme du Pays d’Ancenis qui a investi sa page facebook pour égrainer sa campagne de portraits sonores autour de la Loire tout au long de l’été. Je ne peux que vous conseiller de sponsoriser a minima vos campagnes, les podcasts sont encore loin d’atteindre les niveaux de viralité de l’image, ils ont encore besoin d’un coup de pouce.
A noter, Instagram reste le fief de l’image, et ne génère que peu d’écoutes.

– Les plateformes d’écoutes, telles qu’Apple podcasts, talonnée de plus en plus près par Spotify. Viennent ensuite Deezer, Google podcasts (ce qui va booster votre SEO), Soundcloud, puis une multitude de plateformes très spécialisées mais qui peinent encore à tirer leur épingle du jeu face aux géants du game. Vous pouvez, à la main, créer un compte sur chaque plateforme pour y poster le flux RSS de votre podcast, ou passer par des acteurs d’hébergement et de diffusion comme Ausha (des petits frenchies)  ou Acast. Double avantage de l’automatisation et du collectage de statistiques centralisées et harmonisées.

Un billet peut-être un peu long, mais j’avais à cœur de partager tout ça avec vous, merci d’être arrivés au bout !

Un grand merci à Elsa et Delphine pour ce décortiquage de bonnes pratiques, 

Et une belle semaine à vous !

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Laurence Giuliani dirige Akken, agence de production sonore pour les destinations touristiques et les lieux de culture. Anciennement responsable d'un Office de Tourisme en milieu néo-rural (ou péri-urbain, comme vous voulez), manager d'artistes, productrice en label indépendant, Laurence cultive la curiosité comme carburant du quotidien. Ses marottes : le son, le tourisme culturel et le "komorebi", cette lumière qui filtre entre les arbres, comme des fêlures de timidité entre les [...]
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