2021 a été décrétée Année Européenne du Rail. Une ambition européenne, des opportunités mais surtout un sacré défi à l’heure de l’urgence climatique et des nouveaux besoins de consommations des voyageurs. J’ai pu discuter avec Karima Delli, présidente de la Commission Transports et Tourisme du Parlement Européen récemment afin de faire avancer le sujet en France. Tour d’horizon de la question.
La France à la traîne sur la question du train
On a tous en tête ces 2 cartes du réseau ferré français, que ce soit en 1930 puis en 2014. Ca montre parfaitement l’abandon de voies de chemins de fer. Bien entendu, entre temps, il y a eu la libéralisation de la voiture, les trente glorieuses, etc. Ce n’est pas qu’une question de politique publique… mais quand même !
Aujourd’hui, en 2021, alors que l’on célèbre l’Année Européenne du Rail et que l’Europe souhaite pousser 70% des financements européens en matière de transport sur le train et non pas l’automobile ou l’avion, la France traîne un peu des pieds sur ce sujet à en écouter les dires des décideurs européens. Que ce soit pour le développement des trains de nuits en France et en Europe ou encore la mise en place d’une véritable ambition et un investissement massif en faveur de la mobilité ferroviaire, la France ne présente pas des actions fortes. D’ailleurs, le rapport Spinetta présenté en 2018 louait surtout la fermeture massive de lignes non rentables plutôt qu’un réinvestissement massif pour permettre un report modal de la voiture et de l’avion sur le train… et donner aussi envie aux gens d’utiliser le train.
Un enjeu pourtant central face à l’urgence climatique
Pourtant, l’enjeu est crucial face aux enjeux du changement climatique. La mobilité est la composante du voyage qui impacte le plus sur l’empreinte carbone que ce soit pour une destination, que ce soit pour un voyageur. Et le train (surtout en France où l’électricité est largement décarbonée) est une vraie solution alternative… si on se donne vraiment les moyens de changer.
Car, on a beau faire tous les tests pour comparer l’impact carbone du train et de celui de l’avion… tout penche en faveur du train. Nos amis de Bon Pote ont d’ailleurs très récemment planché sur la question dans plusieurs articles pour comparer les émissions. Je vous les conseille.
Et la politique européenne va bien dans ce sens comme le prouve ce très bon reportage sur Arte que je vous conseille aussi pour comprendre les enjeux et les opportunités actuelles sur ce moyen de transport… du futur.
Des tendances de consommation à prendre à compte
Bien entendu, au-delà de ces contraintes futures liées à la question climatique, on ressent aussi fortement les nouvelles aspirations des voyageurs autour de ces engagements écologiques et sociétaux. On vous a déjà parlé en long et en large de la tendance des micro-aventures qui intègrent très souvent ce dépaysement de proximité qui pousse les gens à trouver des solutions sans voiture, en bas-carbone.
On recense également de plus en plus d’habitants des villes qui n’ont pas de véhicules. Voyager en train jusqu’à la destination avec un vrai sentiment de liberté sur place peut-être alors une vraie solution à envisager pour ce marché important.
L’opinion publique pousse de plus en plus les voyageurs à agir en faveur de l’environnement et donc de repenser les courts séjours en avion (le fameux mouvement #flygskam). Le train est souvent fléché comme une solution, comme une expérience unique pour découvrir une destination. Or, très vite, le voyageur se confronte à une réalité. « Oui, c’est bien beau à faire en Suisse mais ailleurs, c’est quand même très vite compliqué ! »
De nombreuses barrières à lever
Oui, il ne faut pas se voiler la face et cet article n’a pas pour vocation de dire à quel point ce serait cool si on avait plus de trains et de services. Il y a encore de nombreuses barrières à lever pour atteindre. Mais ça ne se fera pas tout seul ! C’est à nous tous de nous bouger pour construire les solutions, comme a décidé de le faire Railcoop par exemple en décidant de monter une coopérative pour relancer des lignes de train abandonnées par le SNCF comme le Bordeaux – Lyon.
Voilà quelques réflexions de barrières à lever :
- Financement : C’est le nerf de la guerre bien entendu ! Mais quand on voit que RailCoop a réussi à lever 1.5 Millions d’euros auprès d’entreprises et de particuliers (comme moi) pour devenir sociétaire de la coopérative, je me dis qu’il y a un bel espoir ! Et avec le soutien fort de l’Europe mais aussi de l’application de la LOM (Loi d’Orientation des Mobilités) en France dans les prochains mois, il va y avoir des possibilités d’expérimenter les solutions !
- Design de services : La fameuse question du dernier kilomètre ou comment permettre au client de ne pas tirer sa valise sur le dernier kilomètre pour arriver à l’hébergement. Voilà une réflexion forte à amener, de l’entrepreneuriat où l’innovation et le bon sens seront nécessaires (coucou les incubateurs de France Tourism Lab). Service de conciergerie, location de vélo, intermodalité de transports, etc.), les sujets ne manquent pas !
- Production et idées de séjours : Il faut réenchanter les imaginaires autour du train. Un dirigeant du Swiss Travel Pass me disait : « En France, vous vendez du transport. Nous, on vend une expérience de voyage ». Il avait tout dit. Je travaille actuellement sur les opportunités touristiques de la ligne de TER « Grenoble – Gap ». On vend aujourd’hui un trajet alors que cette ligne qui traverse les paysages incroyables du Trièves et du Buëch sont déjà un voyage en tant que tel.
- Gares à réenchanter : Les gares sont de plus en plus soit des hubs dans les grandes villes soit des bâtiments sans âmes en milieu rural. N’y a-t-il pas quelquechose à réinventer ici. Les offices de tourisme n’ont-ils pas un rôle à jouer ? Ca me fait penser à ce projet de la Gare Lisch à Asnières-sur-Scène… hybridation, vous avez dit ?
Faisons pression ensemble pour faire bouger les lignes
Pour faire bouger les choses, je pense que nous allons devoir prendre plus la parole, montrer que nous, professionnels du tourisme, avons envie de construire cette mobilité touristique future avec le train. Pour lancer l’Année Européenne du Rail avec l’association Acteurs du Tourisme Durable que je préside, j’avais lancé une discussion sur Facebook, Twitter et LinkedIn. De nombreuses réponses, des intérêts marqués pour le sujet de destinations, de blogueurs, d’entreprises, de particuliers… On a décidé avec ATD de lancer une série de webinaires pendant toute l’année sur le sujet pour montrer tout l’intérêt du sujet. Et peut-être, en fin d’année, pourquoi pas organiser des Assises du Train-Tourisme ? Qui serait partant ?
Remplissez ce petit questionnaire si ça vous intéresse !