Cet article est la suite de https://www.etourisme.info/2072-2/
Suis rentré. J’ai repensé au bonheur des hôtels avec piscine, aux festivals bondés, à des déplacements non contraints, à l’absence de notation…Une notification m’a informé qu’un nouveau record de température avait été atteint et qu’une alerte cyclonique avait été déclenchée. Rien de bien inhabituel…
Désormais, un autre voyage m’attends, fêter mes 100 ans avec mes proches dans le metavers. Les progrès dans le secteur olfactif et haptique rendent l’expérience proche du réel.
Le grand jour est arrivé. J’ai préparé l’évènement avec un mélange d’excitation et de mélancolie. Ma famille, dispersée dans différents secteurs de l’habitat terrestre, se connectera depuis leurs propres capsules de réalité virtuelle.
J’ai fait le choix de leur proposer un environnement familier, celui d’une maison familiale en en Bretagne, avant qu’elle ne soit submergée par la montée des eaux. En réponse à la vacuité olfactive de notre monde actuel dominé par les dômes et filtres à air, je programme les senteurs iodées de l’océan et les parfums oubliés des plats typiques.
Après la célébration, la violence du réel est étourdissante, face à l’écran éteint. Une notification s’affiche : « Votre SIC (solde individuel carbone) a été débité de 150cc pour la consommation énergétique du métavers ». Je souris ironiquement.
Ah l’invention du SIC….Les arbitrages réguliers du SIC me sont assez troublants : prendre sa vieille voiture thermique sur 200km ou manger une entrecôte ou encore faire un enfant pour prendre l’avion.
Bref, ravi de mon cadeau. J’ai reçu un NFT RARE “HAPPYNESS-BUBBLE”. La niveau de rareté permet d’accéder à des expériences touristiques insolites voire exclusives et d’avoir des périodes de consommation plus ou moins larges. Ces actifs numériques sont proposés par les Bureaux de loisirs dont l’activité repose désormais uniquement sur la conception, la commercialisation et la gestion locale des produits touristiques validés par le gouvernement central. C’est d’ailleurs leur seule source de revenu. Du coup, j’avais plusieurs choix dont :
LA BULLE BIOTIQUE DIGITAL DETOX : 3 jours dans des écosystèmes artificiels sans aucun moyen de communication, où les visiteurs peuvent vivre dans des bulles biotiques reproduisant différents écosystèmes de la Terre. Ces expériences sont conçues pour sensibiliser à la biodiversité et à l’importance de sa conservation. Une ambiance apaisante et ressourçante y règne.
ou encore :
LA BULLE LOVE ROOM BONUS : le réarmement démographique était toujours d’actualité et des bulles d’amour ont émergé sur les territoires. Le gouvernement central encourageait donc ces séjours plaisirs avec un bonus SIC de 200cc si un test de grossesse positif était présenté à l’issue des 9 mois. Les couples qui avaient la joie (ou pas) d’avoir des jumeaux voyaient leur bonus multiplié par 3. Et les triplés c’était le jackpot ! Assez surpris cependant qu’on me l’ai proposé. Certainement une faille dans l’IA.
La sphère de Las Vegas avait probablement ouvert la voie. Désormais, toutes les destinations se dotent de dômes pour proposer des activités et séjours touristiques hors du commun, entraînant une homogénéisation de l’offre touristique et, par conséquent, un essor du tourisme virtuel de proximité.
Par ailleurs, la binarité radicale était désormais la pensée dominante dans les médias. Les nuances et les subtilités avaient cédé la place aux raccourcis faciles et clichés simplistes. Il fallait faire du contenu pour l’algorithme, pour encore plus d’audience.
S’agissant du tourisme, on assiste à une opposition médiatique stérile entre :
Les touristophobes qui considèrent que le touriste est un nuisible, adeptes du vélocargo, végétariens, dégonfleurs de pneus de SUV (même s’il avait désormais disparu des centres villes) et qui prônent un tourisme ultralocal et beaucoup de siestes.
Les rienafoutredetoutefacononvatousmourrir, no-limit sur l’achat de crédits carbones pour booster leur SIC, qui ne jurent que par l’avion, le barbecue, la bonne entrecôte, et voient en Dubaï la capitale du tourisme mondial.
Subsiste cependant une part importante de modérés silencieux qui ont le sentiment d’être peu représenté. Parmi eux, des communautés d’invisibles prospéraient en marge de la société. Farouchement opposé à l’ultra-control du gouvernement central, ils s’étaient spécialisés dans le hacking du système central et défendaient un mode de vie auto-suffisant en usurpant des identités, en volant des crédits carbones, ou encore en revendant de l’eau et de l’énergie sans passer par les plateformes officielles. Ils avaient réussi la prouesse de déjouer le contrôle et l’omniprésence des IA.
La réalité (touristique) devenait difficilement perceptible entre l’usage personnel immodéré de la VR, l’IA pour la création de contenu et la démultiplication des dômes.
Pour certains, jamais le désir d’authenticité et de liberté n’avait été aussi fort !