Aujourd’hui j’ai une envie folle de vous parler de stratégie : d’abord l’économie, puis le marketing et enfin les outils numériques adéquats. Le sujet vous intéresse, certainement à titre personnel (il vous arrive de partir en voyage et en vacances) et en tant que professionnel du tourisme accompagnant vos chers prestataires, comme 500 d’entre vous apprennent à le devenir via le programme ANT (animateur numérique de territoire) ou via le programme de formation MESDT (metteur en scène de territoire).
Mon sujet du jour c’est le yield management. Et ce qui guide ce sujet, c’est la sortie annoncée de Tingo.com, nouveau site de réservation d’hôtels par TripAdvisor. J’y reviendrai à la fin de l’article (bien vu non pour s’assurer d’un temps de lecture plus long que la moyenne ? :).
Le yield management ou le revenue management ou encore l’optimisation tarifaire, c’est la même chose. Un truc qui consiste à faire gagner de l’argent aux professionnels du tourisme en fonction des possibilités offertes par le marché. En clair, une solution pour que chaque produit vendu corresponde aux différents segments du marché : le même produit peut partir à des prix différents. Dans une rame de TGV par exemple, on pourra trouver un écart de 1 à 7 selon la promptitude des réservations, dans un camping, un mobil home sera commercialisé dans un écart de 1 à 2 et en matière de chambres d’hôtels, il n’y a plus beaucoup de règles. Chaque produit doit trouver son client au prix que celui ci est prêt à payer : voilà ce qui fait tourner les politiques tarifaires optimisées, dans une recherche d’accroissement des taux d’occupation et de marge. Les différents ingrédients déterminants sont :
– les vacances scolaires
– les clientèles disponibles
– l’économie particulière d’un pays
– les caractéristiques d’une saison
– la situation de l’entreprise concernée : sa capacité d’accueil, sa performance commerciale, sa concurrence…mais surtout son taux d’occupation à l’instant t
– et toute autre considération utile.
Les secteurs touristiques concernés sont multiples :
– les compagnies aériennes
– les compagnies ferroviaires
– les sites de visites assurant de grands flux
– les activités sportives comme les remontées mécaniques
– les hôtels
– les campings
– les clubs de vacances
Parfois plusieurs secteurs peuvent pratiquer une optimisation tarifaire : une compagnie aérienne desservant un hébergement dans une station alpine par exemple.
Une machine pour vendre vite et bien
Le principe repose dans la recherche permanente du meilleur compromis entre garantir un taux d’occupation satisfaisant, en comparaison avec une période référence (les dernières vacances par exemple) et un chiffre d’affaires générant la plus grande rentabilité possible.
A ce stade, je peux résumer ainsi : il s’agit d’optimiser sa mécanique tarifaire, d’organiser ses accélérateurs de ventes et de bâtir ses mécaniques promotionnelles (deux fois le mot mécanique…oui je sais, ça fait cambouis).
Vos prestataires (ou vous-mêmes, chers prestataires), emploient peut être déjà le yield ou le revenue management.
En premier lieu, il convient d’évaluer la tarification concurrente : il ne s’agit pas d’augmenter le CA désiré par produit à vendre sans tenir compte des produits concurrents, sinon, décrochage.
Ensuite, il s’agit d’analyser via un tableau de bord à construire les éléments suivants :
– l’état d’avancement des réservations (au mois, à la semaine, à la journée, à la demi-journée, à l’heure…selon le produit concerné) pour identifier les périodes de demandes (quand arrivent les demandes et quand sont formalisées les réservations)
– l’état réel des fréquentations
– les performances par produit
– les ratios par produit
– les coûts d’exploitation par produit
– les origines des clientèles
Bref, on y passe un temps certain, passionnant, mais invasif.
Enfin, on peut bâtir des grilles tarifaires et des promotions avec des couplages :
– périodes à consommer / produits
– périodes de réservation / produits
– périodes diverses / marchés / segments / produits
– niveau de fidélisation des clients (reconnaissance par les miles par exemple)
– composition du groupe (seul, couple, famille…)
– durée du séjour / ingrédients annexes du séjour
– point de départ / point d’arrivée / voyage circulaire (très avantageux le voyage circulaire !)
– etc… Les solutions sont nombreuses et correspondent à chaque cas de figure. Attention à ne pas tomber dans des excès car comme toute communication, il faut que la lecture tarifaire soit simple à comprendre. Cependant, elle peut évoluer en fonction du taux de réservation journalier : les compagnies aériennes et ferroviaires sont très fortes sur ce point. Le même billet d’avion allant reliant les deux mêmes villes pourra être vendu dans un écart général allant de 1 à X selon les politiques de la compagnie et la réactivité du marché.
A partir de là, interviennent les outils de réservation. Ils vont gérer les disponibilités et les prix. Les prestataires touristiques doivent donc être équipés d’un logiciel de gestion dédié (également appelé PMS : Property Management System) qui va associer la gestion des stocks en fonction des ventes qui arrivent par tous les canaux de vente pour éviter les erreurs de type surbooking, oubli d’enregistrement, ressaisie des données…
Ces logiciels de gestion (Availpro, ReservIT pour les hôtels, Secureholiday, Unicamp Thelis pour les campings, Amadeus pour l’aérien et les TO…) sont couplés avec les plateformes de distribution comme Booking, Venere, Expedia, VSN… Certaines plateformes proposent aussi des solutions à intégrer dans les sites web des prestataires en lieu et place de logiciel de gestion dédié. Google Hotel Finder et Google Flights Search participent de cette quête de services rapides. Car après l’optimisation tarifaire recherchée, par les vendeurs et par les acheteurs, le maître mot du yield ou du revenue management, c’est la rapidité : contrôle rapide des stocks, rapidité de l’optimisation (les prix bougent tout le temps), rapidité des ventes (une vente chasse l’autre).
Dans ce contexte, quelle place pour les comparateurs ? Intéressante à condition qu’ils remontent bien car leur réputation n’a pas atteint la connaissance de la majorité des consommateurs, qu’ils soient réactifs bien entendu et surtout compréhensibles car bien souvent, pour un voyage aérien, ils sont capables de vous dénicher le meilleur prix en allant puiser dans des combinaisons aériennes invraisemblables, genre Bordeaux-Montréal en passant par Oulan Bator via 5 compagnies, le tout pour 548 €, en 36 heures de vol et retour par Cuba puis Madrid et Bordeaux !
De l’impermanence des choses du monde
Tingo, Tingo, Tingo ! Bon ça va, voilà, il arrive Tingo et il va mettre par terre le yield management si je comprends bien. C’est le Blog ehotelmarketing.fr qui donne l’info (et aussi des ANT studieuses, merci les ANT !). « A chaque fois que le prix total de la réservation d’hôtels faite par le client sur tingo.com baisse, le site refait gratuitement la réservation au meilleur prix pour le client et lui rembourse la différence ! ». Diable, si je comprends bien, à chaque fois que tu payes moins, tu raques encore moins. Autrement dit, entre le moment où tu payes et le moment où tu prends ta clef, les prix ont encore baissé avec le yield management et Tingo se propose de remettre le compteur à niveau pour que tu payes effectivement ta chambre au prix qu’elle vaut au moment où tu te jettes sur ton lit ivre de fatigue mais heureux de voir ton compte en banque se remplir de nouveau. Le principe repose sur le pari de proposer toujours le meilleur prix, en remboursant le différentiel, au client qui a effectivement réservé et payé. Orbitz et Expedia utiliseraient déjà Tingo.com.
Les avantages sont clairement pour les clients et certainement pas pour les hôteliers : le yield management n’aura aucun intérêt à être pratiqué à la baisse honnêtement, c’est à dire en proposant de vraies promotions pour attirer des clients, chanceux, au détriment d’autres clients, moins chanceux (on connaît tous des Jean Claude Dusse du tourisme). On va donc assister à une perturbation du yield management, avec possiblement des effets mécaniques de hausses fortes des prix d’affiche pour arriver finalement aux prix réels, afin d’éviter la course à la dépouille de l’hôtelier. Moi, je serai hôtelier, je commencerais par monter sévèrement mes prix sur 1 chambre que je mettrai sur Tingo pour voir déjà l’audience du site. Chers ANT, chers Metteurs en scène de territoire, chers tous, à votre place je prendrai un peu le temps de l’analyse avant de proposer un tel outil à vos prestataires. Enfin, c’est juste une suggestion. Bon, je vous laisse j’ai repéré un billet d’avion pour Montréal à moins cher que mon voisin de copain et comme le pauvre, il s’esquinte 3 h par jour sur sa bécane à chercher le meilleur prix, il a pas compris que le logiciel de gestion a largement repéré son adresse IP et refuse du coup de lui faire des propositions tarifaires avantageuses 🙂