Cyber-entretien(*) avec Estela Monteiro, directrice d’une agence conseil en etourisme à Lisbonne, Portugal
Bonjour Estela, depuis quelques années, vous avez développé de nouvelles approches de communication à l’attention des publics touristiques. Pouvez-vous nous raconter comment cela a démarré ?
Tout à commencé il y a quelques années alors que nous participions à une convention qui réunissait des acteurs du etourisme européen. Nous avons rencontré des intervenants australiens qui étaient venu présenter leurs travaux. C’était des spécialistes du neuromarketing et leurs approches remettaient en cause beaucoup de nos idées. Au détour d’une conversation ils nous avaient démontré que dans nos cultures nous utilisions trop de mots et trop de concepts et que cela devenait contre-productif . Ils pensaient que nous avions tout à gagner à jouer la carte du «non verbal» pour stimuler les attentes et envies de nos clients. En gros qu’une image pouvait en dire beaucoup plus long qu’un texte mais surtout qu’elle pouvait être un accélérateur d’initiatives de nature à booster les activités disponibles sur un territoire touristique.
Vous trouvez vraiment que le tourisme utilise trop de «mots» ?
Je crois que cela est flagrant quand vous allez dans un bureau d’information touristique ou dans un hall d’hôtel. Il y des documents dans tous les sens et la plupart sont très bavards même s’ils sont souvent bien écrits. Or la culture du moment n’est pas celle de la lecture. Le numérique a façonné de nouveaux comportements plus zappeurs et plus visuels. Il est à noter d’ailleurs que les sites web sont eux-mêmes trop denses en texte ce qui ne semble pas être dans le sens de l’histoire !
Quelle a été votre approche ?
Nous avons commencé par lancer une étude d’un type un peu nouveau. Nous avons demandé à quelques centaines de touristes venus passer quelques jours à Lisbonne de nous donner en 100 images ce qui leur avait le plus plu pendant leur séjour. A titre d’information il se prenait annuellement de l’ordre de 50 milliards de photos en 1990 contre plus de 400 milliards aujourd’hui. Autant dire que la photo numérique a modifié nos habitudes ! La collecte de ces photos nous a permis de comprendre notre territoire au travers du regard de ses visiteurs. Cela nous a permis d’élaborer uns sorte de dictionnaire iconographique et d’autre part de concevoir une typologie de visiteurs.
Ce qui vous a amené à inventer de nouveaux outils ?
En effet. Le premier d’entre eux est un outil d’aide à la préparation du séjour. Nous l’avons développé pour les hébergeurs. Dès la réservation faite par un client, ils envoient un questionnaire en ligne destiné à identifier leurs grandes attentes pour leur séjour à venir. Ce questionnaire est composé exclusivement de photos. On demande au futur visiteur de choisir les photos qui l’attirent le plus et qui sont bien entendu en relation, soit avec des lieux, soit avec des activités. Ceci permet de façon ludique et rapide d’apprendre beaucoup de choses sur nos futurs visiteurs et ensuite de leur adresser un «roadbook» avec des propositions liées à leur typologie. Ce questionnaire est très stimulant pour le répondant et nous en avons la preuve par l’incroyable taux de réponse que nous obtenons quand nous le comparons avec ce que nous obtenions avec des questionnaires classiques. Avec ce type de questionnement les gens commencent à imaginer leur séjour et se projettent. Leur imaginaire est stimulé. Et ils sont motivés pour programmer et réserver des activités.
Ils pouvaient tout à fait le faire à l’aide des guides !
Certes, et cela ne les remplace pas. Mais cela permet un amorçage de la motivation, une navigation hyper-rapide dans les possibilités offertes, une participation de tous les participants à la préparation du futur déplacement. Nous allons même jusqu’à croiser les attentes des différents membres, couple ou famille, pour trouver les zones d’affinité et les zones de divergence des attentes. On peut dire que cette démarche est en amont de l’utilisation du guide, qu’elle permet d’identifier les zones d’intérêt, qu’elle stimule la curiosité, d’une certaine manière qu’elle met en appétit.
Et quand les personnes sont arrivées, il y a d’autres utilisations
Nous avons eu deux approches essentielles. L’une dans les lieux d’hébergement, l’autre dans les lieux d’information touristique. Dans les lieux d’hébergement nous avons fourni des diaporamas numériques qui peuvent tourner en boucle sur les différents écrans disponibles dans les espaces de circulation ou même dans les chambres. Toujours avec l’objectif de stimuler l’envie, d’ouvrir des perspectives, de montrer ce qui se passe autour et qui mériterait d’être vu. Et nous y avons associé des posters thématiques conçus comme des «mosaïques» de photos, chacune des photographies renvoyant vers une ressource en ligne à laquelle on accède par un petit QR code qu’il faut flasher avec son téléphone qui amène, soit vers une video ou une fiche pratique. Ainsi on peut accéder à de multiples ressources et aides sans avoir à inonder le lieu de documents et de prospectus.
Et pour les lieux d’information touristique
Là nous avons joué la carte du self-service en mettant à disposition de nombreuses bornes tactiles. Ces bornes sont en fait construites autour de tablettes du marché. Ceci permet un prix de revient très faible, et donc d’en mettre à disposition un grand nombre. Ainsi on peut répondre efficacement à des périodes de fort afflux de visites. Sur ces bornes il y a d’abord l’outil de «profiling» dérivé de celui que nous avons mis au point pour le questionnaire en ligne évoqué tout à l’heure. Les visiteurs cliquent sur les photos qui correspondent à leurs envies et e logiciel de la tablette leur retourne le «roadbook» personnalisé et leur permet d’accéder à des mini-apps dédiées à chaque activité conseillée. Ils peuvent s’ils le souhaitent l’imprimer localement. En outre ils peuvent, s’ils ont eux-même un smartphone ou une tablette, télécharger le logiciel pour l’utiliser tout au long de leur séjour. Bien entendu, l’étape en self-service étant faite, ils peuvent aller ensuite vers le personnel présent pour poser des questions complémentaires. Cela permet de traiter un plus grand nombre de personnes et de bien mettre en valeur toute la diversité de l’offre disponible.
Quels sont les grands avantages de votre démarche ?
C’est une démarche stimulante pour les visiteurs, qui ne prend pas trop de temps et qui est un fort générateur de sérendipité ( trouver par hasard, quelque chose de totalement différent et plus intéressant que ce que l’on cherchait ! ). Cela met en valeur la diversité de l’offre. Chaque acteur touristique est amené à réfléchir aux images qui synthétisent le mieux son offre et qui vont «faire mouche» auprès des visiteurs. Cela permet aussi d’éviter la gabegie papetière qui existe dans nos domaines et donc de mieux utiliser les moyens disponibles.
Et comment cela contribue à la dynamique touristique de vos territoires ?
Pour ceux qui nous visitent, cela permet de mieux mettre en valeur la diversité de nos offres et d’ainsi sortir des sentiers battus. Et puis nous avons créé une application d’envoi de diaporamas numériques à disposition de nos visiteurs. Ainsi, à partir de leur téléphone ou de leur tablette, ils peuvent concevoir un diaporama à partir de notre banque de photos et de leurs propres photos, et le diffuser sur leur réseau social ou par mail. Une carte postale multi-facettes ! Une façon simple et efficace de donner envie à leurs proches de venir un jour nous visiter.
Merci
(*) cyber-entretien : entretien qui aurait très bien pu être réel et qui ne recourt qu’à des technologies à notre disposition 😉