L’OT et les OTAs (épisode 5) Au final, on fait quoi ?

Publié le 28 octobre 2013
8 min

Voilà maintenant deux semaines que nous déroulons une vision factuelle de la situation, à travers les quatre premiers épisodes de cette saga qui n’en n’a probablement pas fini (force est de constater que l’actualité du sujet fait les choux gras de nombreux confrères). Certains auront appris, d’autres révisé, une partie réfléchi, mais se pose maintenant naturellement la question du « keskonfai »…

Comment et pourquoi on se lance dans la commercialisation ? Comment et pourquoi on arrête tout ? Comment et pourquoi on fait bouger les lignes ? Parce que nos élus nous le demandent ? Parce que nos prestataires nous questionnent ? Parce qu’on a trop investi en ressources humaines et financières pour reculer ? Bien évidemment, à chaque destination sa situation, et il serait bien présomptueux de vouloir vous livrer une recette prête à l’emploi (vous pensez bien que si nous avions la recette de la potion magique, on garderait la marmite pour nous!;-)).

Contentons-nous tout d’abord de quelques passages obligés pour prendre une décision en connaissance de cause.

1/Quelle est mon offre, comment est-elle mise sur le marché ?

On en parle en  animant de sessions de formation « Animation Numérique de Territoire » ou « Management Numérique de Destination », cela fait partie du diagnostic essentiel que de savoir comment l’offre est mise sur le marché. En ligne, hors ligne, chez quels acteurs, pour quels clients, à quels conditions, il va falloir aller à la pêche aux informations auprès de vos sociopros pour collecter ces informations vitales et disposer d’un état des lieux complet. Impossible de faire le tour de l’ensemble ? Difficile d’aller les solliciter ? Faites comme les sondeurs, élaborez un échantillon représentatif pour vous simplifier le boulot et tirez-en des extrapolations, avec les réserves que cela engendre…

2/Quelles sont les attentes de mes sociopros ?

Il va bien falloir, pendant ou après ce premier sondage, se poser la question de ce que veulent nos acteurs locaux. Le beurre et l’argent du beurre plus le …, oui, probablement, l’échantillon représentatif sera là encore nécessaire pour faire la part des choses. Mais avant d’y aller franco, informez-vous, lisez, formez-vous, bref, faites-vous une grosse culture sur le sujet, au-delà de ce que l’on a pu évoquer dans les précédents billets. Si vous vous pointez la gueule enfarinée avec deux-trois notions sans plus que cela, il est plus que probable que vous vous fassiez dézinguer proprement et perdiez encore davantage de légitimité/crédibilité vis-à-vis de vos sociopros. De plus, considérez que votre typologie ne correspondra qu’à une situation du moment car s’il y a bien une instabilité des choses dans le tourisme, c’est bien au niveau du planning de résa et en conséquence des moyens d’améliorer les choses que cela se passe.

3/Quels services puis-je amener ?

Que vais-je pouvoir apporter à la chambre d’hôtes qui est déjà vendue sur Gîtes de France, Booking, Likhom et en direct ? Suis-je capable de vendre l’emplacement nu, le bungalow de mon camping en lui fournissant une solution qui s’intègre à ses propres outils pour qu’il gère ses multiples produits et tarifications ? Puis-je apporter une plus-value sur la gestion de la relation client à mes sociopros en leur fournissant des outils, en l’assurant pour leur compte ? Quelle est la visibilité de mes présences en ligne, en appliquant les taux moyens de transformation du secteur, quel chiffre d’affaires puis-je espérer réaliser/apporter à mes sociopros pour quels investissements de ma/de leur part ?

D’ores et déjà, il va falloir que j’ai une petite idée de mes budgets, du temps homme que je peux y consacrer, des compétences existant en interne ou à recruter, des outils dont je vais devoir m’équiper, pour assurer quelles fonctionnalités, et à quels coûts.

4/Même si on le fait pour l’intérêt général, la mission de service public c’est du business !

Et quand on parle de business, on a des objectifs, on sait/on élabore un business plan pour savoir combien ça coûte, combien ça rapporte, quels sont nos objectifs chiffrés et non chiffrés (satisfaction de nos différents clients : voyageurs, socioprofessionnels, élus, tiercé dans l’ordre ou le désordre ?). S’il y a bien une chose dont on doit être conscient à lecture de ces quatre premiers billets, c’est que nous n’aurons jamais la puissance de feu pour concurrencer les outils, les fonctionnalités, la gestion de la relation client et le potentiel marketing des OTAs puisque l’on part avec bien moins de moyens, bien moins d’offres, sur une micro destination peu propice à la fidélisation. Plus on avance dans la mondialisation, moins la destination a d’importance en tant qu’univers positionnant, plus la qualité et la diversité des offres de transports et d’hébergements s’imposent.

5/Au final, quel sont les choix que je vais pouvoir à l’aune de ces éléments, ou plutôt, quelles sont les pistes que je dois avoir en tête dès le début ?

Voici les typologies de situation que l’on peut rencontrer :

a) Allez hop, on démarre/poursuit la commercialisation, parce qu’on a une belle audience, de l’offre bien distribuable en ligne, avec un pool de sociopros motivés, des outils pros, et des personnels compétents. Ce sera souvent le cas des grosses destinations  resort, type station de ski

b) Vu l’audience de notre site, on doit pouvoir friser le millier d’euros de chiffres d’affaires, que nos sociopros soient motivés ou pas, que nos élus nous en donnent les moyens, ou pas, même la peine d’y songer ! C’est souvent le cas des territoires à faible touristicité. Par contre, comment puis-je appouyer/accompagner mes hébergeurs ?  Une seule solution : acquérir une bonne culture sur le sujet, disposer de compétences en interne.  On sait que monter un service de commercialisation,  ce ne sera pas rentable, y compris en intégrant le service apporté et l’amélioration de l’image de marque de notre structure auprès de sociopros ; pourquoi ne pas les accompagner à mieux se mettre en marché, à mieux gérer leur relation client, à éviter des erreurs du type j’ouvre une chambre d’hôte que je mets chez Booking, abandonnant par là-même une partie non négligeable de sa marge et de sa clientèle directe.

c) Y’a pas que l’hébergement, on peut faire du package comme dans les Hautes-Pyrénées, on peut s’investir dans les activités (billeterie, comme expliqué dans notre billet n°2 ) tant que la place est encore vierge…Evidemment, si c’était rentable, on peut penser que les privés seraient déjà dessus… Ou alors, comme sur l’hébergement diffus il y a quelques années, on va défricher tant bien que mal un secteur sur lequel un Booking-like se ruera une fois le marché mûr ?

d) Parce que j’ai une commande politique, parce qu’il est essentiel que tous les hébergements soient vendus en ligne, j’apporte ce service pour pas cher ou quasiment gratuit, et j’ai donc une place de marché, agrégateur, ou outil de réservation en ligne. Je pourrais peut-être faire réfléchir mes élus sur l’optimisation de l’utilisation de l’argent public…si tant est que l’on puisse considérer qu’il s’agisse bien d’une optimisation au vu des réflexions préalables ! C’est le pari pris par plusieurs destinations, comme en témoigne l’article récent de Sud-Ouest à propos du CDT de la Charente-Maritime.

e) Comme Alain Larouche des Cantons de l’Est, et d’autres plus gros que l’on a cités préalablement, on fait ami-ami avec les OTAs avec le consentement de nos sociopros. Et évidemment, on utilise les rétrocessions de commission pour accompagner les hôteliers à faire du Fairbooking intelligent, fidéliser les clients, et du coup gérer intelligemment leur relation indispensable avec l’OTA (voir à ce sujet l’avis quelque peu en rupture avec le discours habituel de la profession hôtelière sur les OTA publié par le  “comité pour la modernisation de l’hôtellerie française”)

Les OGD ne pourront pas rester étrangères à la guerre des majors du web

Au-delà d’ententes commerciales, Booking démarche aujourd’hui les Organismes de Gestion de Destination pour leur demander d’appuyer leurs démarches auprès des socioprofessionnels, sans que les contreparties ne soient encore très claires. Les concurrents n’en sont pas encore là, mais Tripadvisor, avec son Trip Connect se lance clairement dans la bataille en proposant aux hôteliers, y compris indépendants, d’afficher leur propre tarif et un lien vers leur outils de réservation en propre. Google Hotel Finder n’a pas encore offert cette possibilité, les OTAs n’y étant évidemment pas favorable, et constituant des clients majeurs à travers leurs achats d’Adwords.

Il y a là un travail essentiel pour les OGD : se tenir informé des possibilités d’optimisation de la vente en ligne par cette guerre entre les majors de l’internet. Et derrière accompagner les indépendants, les petits, pour les aider à jouer malin ! Encore trop peu d’hôtels se donnent réellement la possibilité de commercialiser en direct comme le révèle le billet du Comité pour la modernisation de l’hôtellerie cité ci-dessus.

Encore une fois, peu de réponses, quelques pistes de réflexion, des situations forcément disparates, et un relationnel surtout pas évident à (re)construire avec ses sociopros. L’actualité semble néanmoins propice à une prise de position sur le sujet, alors que nombreux sont ceux qui, comme le rappelait Mathieu jeudi dernier, semblent plus prompts à faire l’autruche. Il en va de votre rôle d’organisation et de gestion de la destination !

Enfin, pour conclure (très temporairement) ce billet, la levée de bouclier des hôteliers contre les OTAs m’en rappellent une autre : ces mêmes OTAs et quelques partenaires qui intentaient il y a peu une action contre Google au moment du rachat d’ITA, et lançaient le mouvement « FairSearch » (tiens tiens), arguant du fait que SEO et SEM leur coûtait une fortune mais était un passage obligé, que Google pouvait influer directement sur les résultats en mettant davantage en avant ses meilleurs partenaires au détriment d’autres, … A l’arrivée, le gentil Google n’a pas été démantelé par le DoJ, mais certaines garanties ont pu être obtenues. D’où l’intérêt de se positionner !

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Ludovic a démarré sa carrière en Auvergne, à l’Agence Régionale de Développement, puis dans un cabinet conseil sur les stratégies TIC des collectivités locales. Il a rejoint en 2002 l’Ardesi Midi-Pyrénées (Agence du Numérique) et a plus particulièrement en charge le tourisme et la culture. C'est dans ce cadre qu'il lance les Rencontres Nationales du etourisme institutionnel dont il organisera les six premières éditions à Toulouse. À son compte depuis [...]
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