FoodPorneur ou Moine Séminariste de la bonne bouffe, fais ton choix

Publié le 24 février 2014
7 min

n.b : Pour se mettre dans l’ambiance, cet article sur la photo sera rédigé sans photos.

La semaine dernière nous a permis de découvrir plusieurs articles sur le nouveau stress des grandes tables de France. En ce jour de sortie du fameux Guide Michelin 2014, les étoilés se révoltent face à la mode, à l’évolution quasi sociologique du client face à son assiette. 

Avant de prendre sa fourchette, le client dégaine souvent son smartphone ou son appareil photo numérique pour les Old School pour vite graver dans sa vie numérique cette expérience, souvent exceptionnelle pour le photographe d’un instant. Le nombre de photos de bonne popote se multiplie depuis la généralisation des smartphones, il suffit de faire un petit tour sur Instagram avec le hashtag « FoodPorn qui est souvent utilisé par les adèptes de ces clichés : tagboard.com/foodporn

C’est vrai que ces photos ne rivalisent jamais avec les séances de shooting professionnel que les restaurants peuvent commander pour valoriser leurs créations, leur savoir-faire. De cet écart entre la photo pro et les milliers de clichés amateurs naissent des idées pour le moins originales comme vous pourrez le lire dans cet article de L’Express ( www.lexpress.fr/styles/saveurs/les-chefs-se-rebiffent-contre-les-clients-qui-prennent-leurs-plats-en-photo ). Interdire la prise de photo, c’est marrant on se dirait chez Airbus à Toulouse,quand vous avez la chance de faire une visite de l’entreprise. Interdire… le mot est vraiment intéressant. Cette tension qui conclue des « interdictions » montre pour moi le virage numérique et sociétal que certains professionnels des métiers de la Bouche n’ont pas pris ou considéré à temps. On se dirait revenu quelques mois en arrière sur les débats et coups de gueule sévères des hôteliers face aux Booking et consorts. Une fois le coup de gueule passé, il faut avancer et proposer des actions en phase avec son client. Les hôteliers semblent l’avoir mieux intégré que les restaurateurs. #JeNeVaisPasMeFaireDesPotesMoi

Bon alors maintenant on fait quoi ?

 Vous êtes déjà allé voir un concert en 2013 ou en ce début 2014 ? Pourquoi vous parler de ça ? Vous vous souvenez des contrôles de sécurité à l’entrée des salles de concerts dans les années 90 et 2000 ? Vous vous souvenez du gros visuel avec l’appareil photo barré ? Vous avez vu maintenant comment est éclairée une salle de concert dans les moments « love », ceux là même où l’on sortait un briquet avant pour partager ce moment avec le groupe sur scène ? Le smartphone est partout dans les salles de concert, la tension pour les artistes peut être comparée à celle qui débarque dans les restaurants, mais encore une fois, peut on mesurer la contrepartie sociale, virale, les retombées marketing indirectes quand votre client devient votre premier VRP ? 

Très intéressant de voir aussi comment les restaurateurs souhaitent limiter voire « interdire », je le répète en mettant un sigle « photo interdite » pour protéger leur propriété intellectuelle, quand en même temps, on n’a jamais autant vu ces chefs en haut des affiches, avec une usine à images, appelée aussi TV qui leur propose des tribunes tous les jours pour partager leurs secrets. C’est assez paradoxale quand même non ? Aucun jugement de valeur de ma part, je comprends qu’un on cherche à protéger ce qu’on a mis des années à maîtriser mais est ce que vous allez considérer, chers restaurateurs, vos clients comme des espions soviétiques ou chinois, oulalalala, je vais avoir des problèmes moi, ou comme des ambassadeurs, oui très mauvais en prises de vues scénarisées, mais surtout ambassadeurs numériques auprès de leurs cercles de recommandations « sociaux ».

Je ne suis pas là pour donner des leçons à des professionnels qui gèrent leurs assiettes au millimètre et au gramme pour pérenniser leur entreprise, mais le numérique s’est invité durablement dans leur activité et je vous propose plutôt une vision complémentaire sur ce débat de la photo FoodPorn. Voici quelques idées pour un restaurant connecté, en phase avec une clientèle qui évolue très vite numériquement. Bon, l’idée n’est pas d’en faire un AppleStore, on est là pour profiter d’un bon moment gustatif, mais prenons quelques instants pour pousser la recommandation :  

1 / Préférez la pédagogie en amont à la censure

Plutôt qu’interdire les prises de vue avec des sigles barrés qui feraient vraiment un mauvais effet sur une sublime carte de restaurant faite pour motiver vos papilles, pourquoi ne pas demander à cette nouvelle clientèle de bien vérifier que leur smartphone est en mode « flash off » pour ne pas gêner les autres clients (j’avoue que le flash, c’est d’un lourdingue). Les hôteliers tiennent le même discours de pédagogie avec les clients booking en leur expliquant qu’il vaudrait mieux réserver directement chez eux. Il n’y a pas encore de sigle avec un Client Booking Barré à l’entrée des hôtels.

Reprenez la plume également (voir le billet de Stéphanie sur la qualité rédactionnelle) pour donner quelques conseils sur une belle prise de vue, contre-jour, flou, zoom, filtres images, etc. Oui, je sais je pousse peut être le bouchon (d’un bon Bordeaux bien sûr) un peu loin.

En résumé, soyez pédagogue avec un client qui ne va pas vivre la même expérience que vous, il faut lui expliquer, pourquoi pas en amont, à l’apéritif ou à la réservation en ligne dans le sms ou le welcome mail que vous lui adresserez. 

2 / Et si on jouait le jeu à fond, mettez du wifi gratuit et simple

Vous ne proposez pas encore d’accès wifi dans votre restaurant ? Vous savez que vous perdez des VRP motivés en instantané. Mon cher client photographe amateur, toujours sans jugé de sa politesse et ses règles de bien vivre, cherchera souvent à partager instantanément son expérience dans ses cercles sociaux. Il ne faut pas limiter le Réseau Social à une pratique numérique, on est là face à une recommandation avant tout auprès de vrais gens que je connais, qui chercheront demain une idée de restaurant et qui se souviendront du cliché de son ami sur Facebook. Il lui demandera l’adresse de ce super restaurant où il a dégusté la fameuse côte de boeuf en croûte de cacao des îles sur son lit de carpaccio de cèpes. 

Pour permettre tout ça, soit vous utilisez votre réseau 3G/4G, mais dans un restaurant, c’est souvent léger en terme de connexion, soit vous proposez à toute votre clientèle (et surtout la clientèle étrangère qui souffre toujours de frais de roaming) une connexion wifi, la plus simple possible à utiliser pour éviter que vos chefs de rang de devenir des formateurs wifi à temps plein.

3 / Hashtaguez votre communication et suivez/maîtrisez votre image

Plutôt que découvrir au hasard des clichés de votre table, vous pouvez inviter vos photographes VRP d’un jour à utiliser un mot-dièse commun lors de leur partage de photos sur Instagram, Twitter et tous les autres réseaux sociaux ou plateformes communautaires. On ne reviendra pas sur le détail d’une stratégie Hashtag, plusieurs billets existent sur le sujet, mais encore une fois, plus vous serrez pédagogues en amont, plus vous maîtriserez la pratique sans pour autant l’interdire, au risque de donner une satisfaction client déformée, incomplète. Soyez fous, allez jusqu’à faire remonter les meilleurs clichés sur votre site Internet, sur vos réseaux sociaux, oui je sais, là je vais en agacer plus d’un dans leur cuisine si certains chefs nous lisent. Mais la clientèle évolue, on peut la canaliser mais pas la stopper. 

4 / Poussons la provoc jusqu’au mobilier connecté

On aime toujours repartir avec la carte ou le menu qu’on a pu apprécié dans un restaurant étoilé, alors pourquoi ne pas poussez la provocation plus loin en installant un espace « PhotoCall » , scénarisé pour que vos clients repartent avec un souvenir visuel maîtrisé. Il s’agit d’installer un système de prise de vue avec un partage simplifié par email ou sur les réseaux sociaux. Plusieurs solutions existent et certains professionnels ont compris l’intérêt de créer de l’interaction sociale et visuelle avec leurs clients. Découvrez rapidement ici comment un hôtel 5 étoiles à Val Thorens, l’Alta Pura, a transformé une cabine de remontée mécanique en studio photo.

Vous pouvez aussi faire un tour dans un hôtel MamaShelter pour comprendre l’évolution d’une partie de notre clientèle. Dans ces nouveaux hôtels urbains, développés par les frères Trigano (ex ClucMed) et Starck, les écrans placés un peu partout vous permettent de vous prendre en photo ou vidéo pour partager une EXPERIENCE. Oui je sais que là aussi, je provoque, mais je suis persuadé qu’une certaine catégorie de restaurants peut prendre ce virage numérique qui n’a pas la prétention de prendre la place de l’assiette dans l’échelle des priorités.

Si vous êtes en refonte architecturale de votre salle de restaurant, il serait intéressant d’y intégrer des prises électriques discrètes pour permettre à vos clients de recharger leurs outils numériques pendant leur expérience gastronomique. Provoque ou pas provoque ? à voir. 

5 / Si vous interdisez la photo, alors allez au bout en offrant un collier anti-TIC 🙂 

Comme l’actualité est bien faite sur les réseaux sociaux, je pense qu’un partenariat Coca Cola / Guide Michelin (oulalalalalala je suis mort moi) pourrait être réaliste en regardant cette action de communication maline :

 

Sur ce, je vous souhaite à tous un bon appétit, lâchez votre smartphone et bonne dégustation !

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Pierre Eloy est le fondateur de Touristic et le co-fondateur d'Agitateurs de Destinations Numériques, entreprises bordelaises dédiées aux solutions numériques pour les professionnels du tourisme. Les interventions de Pierre, son cœur lorrain et sa vie dans le Sud Ouest en font un personnage incontournable du tourisme digital et relationnel ! Ne vous étonnez pas si un jour vous le croisez dans une boulangerie californienne, il a promis qu'un jour il serait boulanger [...]
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