Le numérique a bouleversé notre manière de consommer l’information en permanence. Les supports mobiles s’immiscent de plus en plus dans nos vies de “touristes augmentés”. Quelles sont les tendances actuelles et les meilleures pratiques du m-tourisme ?
C’est la question à laquelle je devais répondre au cours de l’atelier “l’offre touristique pour les mobinautes” de Tourisme Numérique à Deauville. J’ai ainsi dressé un panorama des 10 tendances et meilleures pratiques du tourisme mobile, en m’inspirant de “M-tourisme et géolocalisation au service du développement touristique” en vente dans toutes les bonnes librairies.
1/ Jamais sans mon Wi-Fi
Au dernier trimestre 2013, on comptait 27 millions de mobinautes avec 50% de français équipés d’un téléphone intelligent (MMAF). Entre 2012 et 2013, le taux d’équipement en tablettes tactiles a doublé passant de 8% à 17% (Crédoc). L’évolution en termes d’équipements est à mettre en parallèle avec une forte dépendance à la connexion : en tous lieux, à toutes heures et sur tous les supports connectés (ATAWAD).
Différentes études montrent que le Wi-Fi est devenu un critère déterminant (voir excluant) pour le choix d’un hébergement. Pour répondre à la demande des usagers, le transport de tourisme intègre désormais cette offre de service jusqu’ici seul havre de déconnexion forcée faute de moyens techniques. En mars 2013, AirFrance a ouvert son premier vol connecté sur la liaison Paris New-York. D’ici 2015, la SNCF annonce le Wi-Fi gratuit dans 128 gares.
D’autres acteurs plus inattendus ont bien compris l’intérêt de proposer des services en réponse à un besoin de leurs utilisateurs. C’est le cas de Facebook qui propose aux commerçants la location d’une borne Wi-Fi permettant aux clients de profiter d’un accès Internet contre un checkin Facebook dans leur commerce.
De nombreuses destinations en France ont bien compris l’intérêt de mailler leur territoire avec du Wi-Fi au bénéfice des résidents comme des touristes.
2/ Les applications mobiles de guide touristique
Le guide touristique fait partie des incontournables à glisser dans sa valise, désormais, il rentre dans la poche directement intégré dans une application mobile !
Tripadvisor a déployé une série d’applications dédiée aux principales villes du monde. Ni plus ni moins qu’une contextualisation redoutable de sa base d’avis de voyageurs à l’échelle d’une destination. Les informations sont disponibles hors connexion et on accepte volontiers les 100Mo nécessaires à l’installation pour pouvoir afficher les avis sans frais d’itinérance (roaming).
On ne présente plus Google et son application Maps, disponible aussi sur iPhone comme un pied de nez à l’application Maps d’Apple. Couplée avec la base de données touristiques Google+ Local (anciennement Google Adresses), l’application s’inspire de la philosophie Google : sobre, rapide et efficace.
Les mobile native sont ces acteurs nés avec le mobile qui n’exercent peu ou pas d’activité sur le web traditionnel. C’est le cas de VeryLastNight (et son concurrent américain HotelTonight) qui se positionne sur le marché de l’hébergement et de la réservation en toute dernière minute. Le principe est simple : le prix des chambres diminuent progressivement jusqu’au soir même avec la garantie de rabais défiant toute concurrence ! L’hôtelier préféra brader sa chambre plutôt que de la laisser inoccupée pour la nuit. Une application qui trouve son succès dans la satisfaction de deux besoins croisés : celui du client de payer moins cher et celui de l’hôtelier pour optimiser son taux de remplissage.
Les offices de tourisme sont directement concurrencés par ces applications. Ainsi, la simple transposition du catalogue touristique sur mobiles ne suffit plus. L’information dont ils disposent dans les systèmes d’information touristiques ne demande qu’à être enrichie, qualifiée et exploitée vers des services réellement utiles et pratiques, avec une plus-value pour le mobinaute. A titre d’exemple, on peut citer « jaienvie.de » qui s’appuie justement sur un travail de qualification de l’offre touristique saisie dans les systèmes d’informations.
3/ La relation client instantanée
Une des missions régaliennes des offices de tourisme reste l’accueil et le conseil au voyageur.
L’enjeu est d’apporter l’information « hors les murs » et non plus seulement derrière le comptoir en attendant que le touriste veuille bien passer le seuil de la porte.
Portland a été avant-gardiste sur le sujet en dédiant un hashtag sur Twitter pour aider et répondre aux voyageurs.
AirFrance s’appuie également sur Twitter pour son SAV en répondant à ses clients. Un nouveau canal qui demande une organisation rigoureuse (notamment avec le personnel au sol) mais qui permet aussi de désengorger les autres canaux comme le téléphone. Et finalement le fait de « contraindre » l’utilisateur à exposer sa demande en 140 caractères l’oblige à aller à l’essentiel en limitant les parasites émotionnels (agacement, énervement, impatience, etc.). Cela permet aussi aux opérateurs d’être plus efficaces, ils prennent en compte la demande. Puis ils se renseignent et répondent sans hésitation, avec davantage de précisions et au final plus de satisfaction pour l’utilisateur.
Aujourd’hui les outils de messagerie instantanée font fureur notamment auprès des plus jeunes qui échappent ainsi à la surveillance de leurs parents sur Facebook 🙂 Citons par exemple Viber, Snatchap et enfin Whatsapp racheté par Facebook pour 16 milliards de dollars !
4/ Du hashtag dans #MaDestination
Inspiré de Twitter pour filtrer les discussions sur un sujet précis, le hashtag (mot-dièse) s’est rapidement imposé dans le langage des sites de réseaux sociaux. Il a été adopté par Instagram, Youtube et même Facebook avec un moindre succès.
L’Office de tourisme de Montréal incite ainsi les touristes à twitter, instagrammer, poster des vidéos avec le hashtag #MTLMOMENTS. Ces traces numériques sont ensuite reprises dans un objectif de communication territoriale, la ville vue par les citoyens et les touristes, sur un mur social (social wall) qui rassemble dynamiquement l’ensemble des contributions.
L’aéroport suédois Stockholm Arlanda a redoublé d’ingéniosité en développant des guides de voyages personnalisés sur mobiles dont le contenu est directement issu des photos géolocalisées sur Instagram. Pour chaque des destinations desservies par la compagnie, on peut ainsi découvrir les différents lieux d’une ville en photo, ajouter aux favoris et même télécharger son propre guide en PDF. Évidemment les puristes diront que la lecture d’un PDF sur mobile n’est une expérience utilisateur dantesque mais c’est un arbitrage sans doute pertinent en termes de coût de développement.
5/ Curateur-en-chef de destination
Paper est la prochaine mise à jour de Facebook déjà disponible aux États-Unis. Le fil d’actualité a été complètement revisité et se présente comme un journal, une nouvelle façon de surfer sur les sites de médias sociaux. Un format magazine qui risque de s’imposer dans les usages.
Flipboard est une application mobile et tablette qui permet de connecter un ensemble de flux afin de se constituer son propre magazine numérique pour découvrir quotidiennement les informations du monde et même de ses amis puisque les sites de réseaux sociaux peuvent être connectés. L’application est disponible pour n’importe quel éditeur. Ainsi le magazine Flipboard Montpellier Now est une belle réalisation éditée par l’Office de tourisme de Montpellier qui se positionne clairement dans la curation de sa destination : veille sur le contenu publié, sélection, éditorialisation et partage. Avec sans doute des équipes à organiser différemment, davantage sur la modération de contenus que sur la production.
6/ Une nouvelle expérience pour la visite culturelle
Les sites culturels apparaissent comme des terrains de jeux formidables pour vivre de réelles expériences afin de se cultiver tout en s’amusant. Le mobile est une aubaine pour dépoussiérer l’image élitiste de la culture.
Le National Musuem of Scotland renouvelle complètement l’expérience muséale en invitant ses visiteurs à participer à « capturer le musée ». Un gigantesque jeu de plateau à mi-chemin entre le Monopoly et Risk, tel un Koh-Lanta de la culture, où deux équipes s’affrontent pour capturer le musée en résolvant des énigmes depuis l’application mobile afin de conquérir de nouveaux territoires à l’intérieur du musée. Une initiative géniale pour renouveler l’expérience de la visite et de l’accès à la culture en s’appropriant l’espace du musée d’une manière ludique.
7/ La gamification territoriale
Les jeux sur mobiles connaissent un succès phénoménal, ils comptent parmi les applications les plus téléchargées. Farmville, Candy crush, Angry Birds sont autant de jeux sur mobiles à la carrière souvent éphémère mais prodigieusement addictive et virale, notamment grâce à Facebook où les invitations fusent !
L’organisme de promotion de la Thaïlande a développé tout un écosystème de gamification “Smile Land” avec le défi de découvrir la destination en s’amusant et de devenir le meilleur voyageur du pays !
Autre exemple à suivre plus près de chez nous : Tèrra Aventura, le géocaching made in Limousin.
8/ Du bon usage de la réalité augmentée
Si la réalité augmentée peinait à trouver un véritable usage, elle commence aujourd’hui à tenir ses promesses.
L’application Jumièges 3D reconstitue l’abbaye dans sa splendeur originelle.
Le dernier catalogue en réalité augmentée d’IKEA permet de projeter le mobilier suédois à l’intérieur de sa propre maison !
9/ Les objets connectés
Les français sont déjà friands de ces objets connectés vendus pour nous faciliter la vie quotidienne.
A l’aide de la technologie Beacon, les visiteurs de la Maison de Rubens à Anvers peuvent profiter d’une application iPad reliée à des capteurs présents tout au long de la visite :
Les Google Glass présagent de multiples usages notamment dans le tourisme. En 2012, Google avait diffusé un clip vidéo sur les perspectives de son projet en scénarisant une journée quotidienne d’’un jeune homme équipé des fameuses lunettes de réalité augmentée :
Dans son parc d’attraction de Floride, Disney vous invite à porter autour de votre poignet un bracelet connecté. Ce “magic band“ vous permet entres autres de passer le coupe-file des attractions, payer au restaurant et dévérouiller la porte de votre chambre d’hôtel.
Évidemment tous les spécialistes du marketing et du big data se réjouissent déjà en termes de collecte de données sur les utilisateurs. Ces mêmes utilisateurs qui se plaindront plus tard de l’utilisation de leurs données à des fins commerciales pour un service qu’il n’ont jamais voulu payer dans la chimère du numérique gratuit. La maxime « si le service est gratuit c’est que vous êtes le produit » illustrée dans cette formidable vidéo didactique :
10- Le marketing de la nomophobie
Comme une logique implacable à cette connexion permanente, le syndrome de la nomophobie désigne la phobie de ne pas avoir son téléphone portable à portée de soi. Le revers de la connexion permanente et l’addiction portée à nos objets mobiles et connectés.
Ce ne sera pas sans incidence sur nos comportements d’êtres humains sans rentrer dans la thèse du transhumanisme qui pourrait soulever bien d’autres inquiétudes légitimes. Déjà la modeste expérience de touriste déconnecté de Vivian Vidal nous interroge et nous permet de voir combien la déconnexion “numérique” peut être bienfaisante pour nos organismes “biologiques”.
Un marketing disruptif qui risque de faire des émules au delà des premières campagnes de communication. Pour finir sur une note humoristique avec quelques exemples qui illustre cette tendance : la pause Kit Kat sur un banc dépourvu de Wi-Fi, l’emporte-bière “Polar Cell Phone Nullifier” qui coupe toutes les connexions à proximité, les vacances déconnectées des suisses Sebi et Paul et mon préféré, la collerette “Social Media Guard” de Coca-Cola 😀 :
Il fallait choisir 10 tendances (et faire un choix) comme j’avais 10 minutes de présentation, la voici sur Slideshare.
Et si vous voulez en savoir plus, courez dans toutes les bonnes librairies en ligne !