Divers signes semblent indiquer que l’univers éditorial numérique privilégie de nouveau les formats longs. Longs dans l’espace accordé à l’expression, avec des textes denses, longs dans l’art de mener et d’enrichir des conversations, longs dans l’ergonomie avec des homepages destructurées en largeur et parfois en longueur aussi. Tout doit tenir sur la carte, telle semble être la devise des sites à fort contenus éditoriaux, autrement dit des media, qui impulsent pas mal d’idées nouvelles en ce moment je trouve.
Quelques exemples :
– Medium : il s’agit d’un site créé par des affiliés à Twitter et proposant des articles développés et écrits par tout un chacun, souvent avec des recherches de fond et de style, dont le temps de lecture estimé est annoncé. On observe deux bandes blanches à droite et à gauche pour reposer les yeux et faciliter l’assimilation de contenus dépassant fréquemment les 5 minutes de lecture. Bien évidemment des liens sont proposés comme par exemple cet article sur l’extension en français de Medium : Comment bien parler Facebook. Et les sujets sont souvent très intéressants, quant au traitement, il peut être ravissant selon l’inspiration des auteurs.
– Vice : ce site propose des articles d’actualités, traités par des journalistes. Gros titres bien longs, dans la limite des 60 à 80 signes réglementaires, gros boutons sociaux en tête de page, larges photos, ton assez radical, données étayant le propos, sujets locaux mais parlant à tout le monde comme ici cet article sur la grande barrière de corail en Australie. Vice News est l’émanation d’actualité d’un méga groupe multimedia, s’appuyant sur 35 bureaux dans le monde. Au programme, reportages en zones de tensions, quelles qu’elles soient. Large utilisation des photos et des vidéos, avec réalisations maisons à mi chemin entre reportage et documentaire. Une source d’inspiration de mon point de vue pour alimenter vos sites touristiques avec des sujets magazines passionnants et traités parfois de manière insolente, en tous les cas avec des parti-pris.
– Branch : il s’agit d’une extension de Twitter pour créer et enrichir des conversations en profondeur. On peut s’agréger à des conversations existantes ou en créer et bien entendu, on peut échanger à loisir. La longueur est donc liée au nombre d’interlocuteurs impliqués, ainsi qu’à la multiplicité des échanges et à la densité des contenus exprimés en 140 signes. Je n’ai pas l’impression que ce réseau ait bien pris en France pour l’instant. A surveiller quand même.
– Blendle : acteur néerlandais qui propose à ses abonnés de payer pour des revues de presse thématiques en achetant à l’unité des articles auprès des grands média. Les prix sont fixés par les éditeurs néerlandais en fonction de la taille (longueur) de l’article et Blendle prend une commission de 30%. On assiste même à une revente de seconde main après lecture. Ici la longueur est double : contenu et ré-utilisation. A quand l’achat et la revente des contenus de vos sites touristiques officiels ?
Vous trouverez certainement d’autres usages, le Huffingtonpost dont les contenus sont ordonnés en trois colonnes particulièrement longues, mais il m’est avis qu’à la brièveté des messages des réseaux sociaux, à l’impact de la vidéo, dont Facebook veut prendre la direction en visant clairement Google et son You Tube, s’impose désormais un temps plus long pour l’appréhension de sujets puissants. Finalement, l’entre deux, le mi-figue mi-raisin, bien que dominant dans l’univers numérique, ne me paraît pas promis à un avenir serein. Contre exemple : Buzz Feed, l’exception qui confirmerait la règle ?
Ma veille, également ouverte sur les medias et sur le hors tourisme dans le monde, me conforte dans l’impression que je vous livre ici de cette évolution éditoriale. D’autres manifestations ergonomiques s’imposent :
– des homepages écrans en format 16/9 ème avec vidéos surgissantes, comme Pierre Eloy l’avait révélé précédemment dans le blog. Voici deux autres exemples, comme le site-vidéo de Sealander une caravane-bateau démontrant la convergence des genres vers laquelle nous glissons ou encore le site-vidéo de la petite maison d’éditions de polars Allia, pris dans des initiatives d’audience modeste, ce qui confirme le propos.
– des gros titres en corps 20 et +
– du partage social très offensif : les widgets sont en tête de page, ils s’avancent bien fiers de leurs audiences
– des compteurs de temps de lecture
– du blanc et peu d’onglets
Je détecte un nouveau rapprochement avec l’univers journalistique, c’est celui de la nécessité de vérifier l’information, qui rallonge le temps de production, vérification et diffusion de l’information. J’ai presque envie de penser qu’une nouvelle génération de sites anti zapping vient de naître. Citizenside, version française et moins people de Boomzulu en est le meilleur exemple, testé lors des manifs pour Charlie : il réunit plusieurs dizaines de milliers de contributeurs dans le monde qui postent des actualités, vérifiées par un siège, en tous les cas en France. Il est une plateforme de conseil et de diffusion de contenus vérifiés, il bénéficie d’ailleurs d’un partenariat avec l’AFP.
Et enfin, une inventivité qui se révèle au long cours également dans l’univers créatif, avec l’expérience Radius, plusieurs auteurs et un scénariste écrivent en continu un livre web qui va prendre forme durant un an de développement. Autrement dit le temps long est de retour par le web éditorial et par l’ergonomie qui l’accompagne.