Durant ce mois d’août, la rédaction vous propose une rediffusion des articles les plus lus sur notre blog.
L’article de ce jour, signé Paul Fabing, a été publié en mai 2015.
Fin avril, deux articles ont fait le tour des réseaux sociaux : « Les offices du tourisme supprimés ?« du Journal du Dimanche et « Les offices de tourisme vont-ils être supprimés ? » de Tourmag.
Comme beaucoup d’entre vous, ces titres iconoclastes m’ont interpellé. On le serait à moins lorsque qu’on anime un réseau d’offices de tourisme !
On y apprend qu’un jeune et sémillant Sénateur proche de Manuel Valls, Luc Carnouvas, publiera à la mi-juin un livre où il exposera ses idées pour une nouvelle politique publique du tourisme. Il y préconiserait notamment la suppression des offices de tourisme locaux au profit d’un opérateur public puissant. Même si l’auteur est un proche du premier Ministre, on peut douter de la faisabilité de l’opération pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’il faudrait modifier considérablement les lois et réglementations qui encadrent l’action publique : compétence tourisme, droit du tourisme, etc. Et ensuite on se doute que la mise en place d’un « opérateur public puissant », qui devrait à tout le moins remplir toute ou partie des missions des offices de tourisme supprimés (plus de 2000 !), nécessiterait un budget colossal, alors que l’on sait que la subvention de l’État à Atout France est encore en baisse en 2015 pour atteindre péniblement 30 millions d’Euros ! Cette prospective paraît en l’état peu plausible au regard des réalités comptables de l’État et surtout en contradiction avec les évolutions en cours au cœur de la Loi NOTRe. Cependant, elle offre un point de vue radical qui invite à pousser nos réflexions un peu plus loin hors des sentiers (re)battus, comme nous l’avait déjà proposé Frédéric Soussin ici même en 2012 dans son article de tourisme-fiction « L’office, c’est fini« …
Et si nous arrivions effectivement au bout d’un modèle ?
Tentons de poser humblement, et sans doute maladroitement, quelques pistes de réflexions sur ce sujet ô combien sensible pour nous tous…
Petit retour en arrière…
L’article de Wikipedia consacré aux Offices de Tourisme permet de réviser ses classiques… 😉
Le tourisme, au sens moderne du terme, trouve l’origine de son développement en Grande Bretagne au XIXè siècle. La première exposition universelle de Londres en 1851, le développement du thermalisme et la mode des villégiatures hivernales au soleil marquent certainement le début de l’industrie touristique.
Les toutes premières structures locales pour la promotion et l’accueil sont apparues en France à partir de 1859 (Pau), le modèle du Syndicat d’Initiative s’est imposé à partir de 1889 (Grenoble), et la loi de 1964 a commencé à organiser un cadre réglementaire pour les Offices de Tourisme.
« Les missions d’un office de tourisme sont définies aux termes des articles L133-3 et L133-9 10 du Code du tourisme. L’office de tourisme se voit confier en gestion directe (organismes de droit public : régie, EPIC) ou en gestion indirecte (organisme de droit privé : association, SEM, etc.) avec mise en œuvre le cas échéant d’une délégation de service public (loi du 29 janvier 1993 dite « Sapin ») les missions :
-
d’accueil et d’information des touristes ;
-
de promotion touristique de la commune ou du groupement de communes, en coordination avec le CDT et le CRT ;
-
de coordination des interventions des divers partenaires du développement touristique local.
Il peut également être chargé de missions complémentaires…«
L’office de tourisme d’aujourd’hui est dans une position intenable
Compte tenu de ce cadre réglementaire strict, l’Office de Tourisme reste tiraillé entre les intérêts contradictoires de ses 3 « clients » : les touristes, les prestataires et les élus. On peut schématiquement cerner 2 casses-têtes très courants :
- la neutralité bienveillante du « service public » <-> la promotion des offres de qualité pour une meilleure satisfaction client : proposer aux touristes de manière homogène l’ensemble des offres du territoire va à l’encontre de la notion de promotion qui nécessite de faire des choix pour mettre en avant l’offre la plus qualitative, seule capable de faire croître la satisfaction client ;
- l’image positive d’une destination <-> la glorification du territoire « politique » : le périmètre de compétence de l’office correspond très rarement à une destination touristique « visible » pour les touristes.
De plus les évolutions numériques et sociologiques, elles aussi, ont largement amoindri la valeur ajoutée reconnue à l’Office de Tourisme :
- que pèsent encore pour les prestataires les avantages proposés par l’office de tourisme (site Internet, brochures, promotion salon, commercialisation,…) ? Objectivement, être bien référencé sur des sites grand public à l’audience mille fois supérieure, être vendu par les sites leaders qui accaparent le marché, travailler finement son e-réputation, …, tout cela est directement accessible aux professionnels et sans doute bien plus générateur de chiffre d’affaire ;
- les points d’accueil physique sont-ils utiles ? On sait qu’ils sont fréquentés par une très faible proportion des touristes (sans doute pas plus de 10%), la diffusion de l’information de base est aujourd’hui grandement facilitée par les outils numériques, …
Alors bien sûr les offices ne sont pas restés inactifs face à cette situation. Les services d’accueil se sont développés, l’accueil hors les murs est devenu la règle, des packs-services sont proposés aux prestataires, le conseil engagé prend racine, etc. Le manifeste de l’office de tourisme du futur, lancé en 2011 à La Rochelle a fourni le cadre de référence à cette adaptation, et les résultats sont parfois impressionnants.
Mais aujourd’hui, manifestement, cela ne suffit plus. Le modèle craque de tous côtés : l’économie collaborative tend à court-circuiter l’institution touristique avec une relation habitant-touriste privilégiée, la fréquentation des bureaux d’accueil reste faible, les prestataires se désintéressent, voire dénigrent l’office de tourisme, les élus taillent dans les budgets faute de moyens bien sûr, mais aussi de « conviction »… Il faut sans doute envisager une nouvelle étape.
Vers un nouveau paradigme pour l’office de tourisme
Pour être concis au risque bien sûr d’être réducteur, l’idée consiste à redéfinir la valeur ajoutée apportée à chacun des trois « clients » de l’office : touriste, prestataire et élu
La valeur ajoutée pour les touristes :
- aujourd’hui : exhaustivité de l’information, conseil, quelques services ;
- demain : idem aujourd’hui + promotion d’une offre avec garantie de qualité autour du conseil vraiment engagé (et pas limité à la bonne vieille technique de l’entonnoir…) + services d’accueil et expériences personnalisés (pour les touristes qui le souhaitent…) + contact avec la population accueillante. Cela implique bien sûr des arbitrages, des prises de risques et des partenariats forts avec les prestataires pour connaître les touristes, mesurer leurs satisfaction, piloter une démarche qualité de territoire, etc.
La valeur ajoutée pour les prestataires :
- aujourd’hui : promotion dans les supports de communication et packs services ;
- demain : idem aujourd’hui + services d’accueil supplémentaires pour leurs clients + amélioration de la fidélisation ! Le prestataire trouverait avantage à ce que l’office de tourisme garantisse un service plus pour ses clients en contrepartie de son implication dans l’écosystème d’accueil sur le territoire.
La valeur ajoutée pour les élus :
- aujourd’hui : service d’accueil aux visiteurs, promotion équitable les prestataires et promotion du territoire ;
- demain : une attractivité renforcée au sein d’une destination forte à l’échelle appropriée + meilleures retombées économiques + une gestion optimisée des équipements publics.
Bien entendu, la réalité des offices de tourisme est beaucoup plus contrastée que ne le laisse penser mon propos. Cela permet néanmoins d’énoncer ces quelques éléments de réflexion qui militent pour l’idée d’un office de tourisme développeur, pilote de l’accueil et de la relation client sur son territoire, garant de la qualité de l’offre et moteur de l’attractivité de la marque de destination.
Les outils numériques facilitent aujourd’hui beaucoup les choses. Il permettent de renforcer les services d’accueil, de gérer la relation client en rassemblant les données de différents opérateurs pour combiner et valoriser les données clients et proposer des prestations personnalisées répondant aux attentes des clientèles. Les expériences de Val Thorens ou N’Py préfigurent déjà certains aspects de cette évolution.
Dans les années 60-70 par le passage du Syndicat d’Initiative à l’Office de Tourisme avait marqué le début de la professionnalisation. Pourquoi ne pas imaginer un nouveau libellé pour une structure aux missions multiples et partenariales ? Avez-vous une idée ?