J’ai eu le plaisir d’intervenir ces derniers jours auprès des acteurs du tourisme et des élus de la communauté de communes Marche et Combrailles en Aquitaine. C’est normal si ce nom là ne vous dit rien, car la communauté de communes vient juste de se doter de ce nouveau patronyme… Par contre, si je vous dit qu’elle est née de la fusion des communautés de communes de Chènerailles, Auzance-Bellegarde et Haut Pays Marchois, de suite, ça vous parle, non?
Allez, je précise : géographiquement, vous pouvez situer le territoire dans les Combrailles Creusoises, autrement dit dans le Limousin qui fait maintenant partie de la Nouvelle-Aquitaine… C’est beau la géographie, non?
Quand on veut absolument s’inventer une nouvelle destination…
Cette intéressante réunion, fort participative, avait pour but de définir le rôle du nouvel office de tourisme communautaire, fusion de.. (non, je vous passe le listing des noms des ex-offices de tourisme et syndicats d’initiative du territoire). C’est là qu’un hébergeur, très investi dans le collectif, a suggéré que dorénavant, chaque professionnel du tourisme fasse sur son site Internet la promotion de cette nouvelle destination « Marche et Combrailles en Aquitaine »…
J’ai vite calmé l’ardeur a inventer une nouvelle destination de cet hébergeur, juste en lui parlant client : Imaginons Didier et Michaël, couple bordelais souhaitant aller passer un week-end « au vert » dans la Creuse. (et oui, c’est de plus en plus tendance dans notre métropole branchée…). Vous imaginez la conversation : « dis chéri, tu penses qu’il vaudrait mieux choisir Creuse Confluence, Monts et Vallée Ouest Creuse, ou Marche et Combrailles en Aquitaine, comme destination de week-end infra-Creuse? ».
Car avec la loi NOTRe, chacune des six nouvelles communautés de communes du département s’est dotée d’un nouveau nom pittoresque. Nom qui a été immédiatement attribué au nouvel office de tourisme communautaire. Nom que personne ne connaît, à part la direction générale des collectivités locales à la préfecture de Guéret, Creuse Tourisme et l’équipe de la MONA (qui se spécialise en géographie administrative…). Donc, soyez déjà bien content que nos bobos bordelais aient identifié la Creuse…
Tout irait bien si élus et acteurs du tourisme locaux séparaient franchement ce qui ressort d’une nouvelle entité administrative au service des citoyens de ce qui peut être perçu par le visiteur comme destination!
Laissons donc Didier et Michaël trouver un hébergement sympa en Creuse, sur AirBnB ou un site institutionnel. Et quand ils seront arrivés sur place, ce sera à l’hébergeur ou au restaurateur de leur faire lire la géographie locale. Comprendre l’alchimie des Combrailles, région naturelle, à cheval sur trois départements et deux régions, ça fait partie du voyage et de la découverte. Et c’est magique !
Notre principal problème est donc l’inventivité des acteurs et élus locaux et l’empressement qu’ils ont à essayer de faire vivre leur nouveau territoire dans la communication touristique.
Tous aux balcons
Parfois, les ateliers participatifs, les réflexions des commissions tourisme ou les intenses travaux d’agences de communication accouchent de noms d’offices de tourisme qui « parlent au touriste ».
On a ainsi vu apparaitre, pour l’office de tourisme de la communauté de communes des Balcons du Dauphiné (Isère) le nom porteur de « Tous au Balcon« . On imagine le quotidien des conseillères en séjour…
Souvent, il est de bon ton d’ajouter une couleur, manière de » donner une image positive et identitaire au territoire ». On a ainsi des Offices de Tourisme du Quercy blanc, des Beaujolais vert et des Anjou bleu…
Le nouveau nom de l’office de tourisme emprunte fréquemment les caractéristiques géographiques du territoire. C’est ainsi que sont dernièrement apparus des noms exotiques : Erdre, Canal et Forêt, Maine-Saosnois, ou Puisaye Forterre.
Dans ce cas-là, le nom de l’office de tourisme est lié au territoire, et avec une bonne recherche sur wikipedia, le touriste peut savoir à peu près où il part en vacances… Mais malgré tout, ça ne va pas être facile à installer sur les marchés internationaux, toutes ces marques…
Mais il y a bien pire : les noms qui ne correspondent à rien du tout de compréhensible par le visiteur potentiel (même si chaque patronyme a une bonne raison d’exister) : ainsi, l’Office de Tourisme Monts et Vallée Ouest Creuse est né de la fusion des Offices de la Vallée des Peintres et de celui du Pays des Eaux Vives… Et je ne vous parle pas de l’Office de Tourisme des Deux Fleuves (Seine-et-Marne), des Trois Pays (Pas-de-Calais) ou des Quatre Vallées (Loiret)…
Un quizz pour transformer vos élus
J’ai donc pensé à vous, qui avez à convaincre vos élus et vos acteurs locaux. Mettez-les dans la peau du client. Lorsqu’ils vont proposer un nom burlesque pour votre office de tourisme, soumettez-les à ce quizz. Il s’agît juste de replacer l’office de tourisme en question dans son département. S’ils obtiennent au moins 60% de bonnes réponses, ça veut dire que les touristes qu’ils représentent sont hyper forts en géographie créative, et que donc ils ont le droit d’inventer une nouvelle destination…
Dans le cas contraire, proposez-leur d’affecter le budget « logo-marque de destination-identité graphique » à la qualification de l’offre touristique. Un client satisfait, c’est un client qui se souviendra du territoire, et qui en fera la promotion, avec ou sans nom bizarre…
Promis, dans quelques jours, je vous donne les résultats!
Actualisation du 30 janvier
Comme promis, voici les résultats sur 501 participants au quizz : le résultat moyen est resté stable : 33% de bonnes réponses.Dans le détail, on peut dire que les élus de la communauté de communes Marche Occitane – Val d’Anglin, dans le Cher, en nommant leur Office de Tourisme du même nom que la CDC n’ont pas contribué à éclairer le visiteur sur l’emplacement stratégique de leur destination. 90% des répondants voient ça en Ariège ou dans l’Aude, mais pas en Région Centre…
A contrario, c’est l’office de tourisme Coeur de Bastides qui est le mieux situé dans le Lot-et-Garonne par 43% des répondants…
Un lecteur me fait remarquer avec raison que l’Office de Tourisme de « Terre de Haut » en Guadeloupe emprunte son nom à la commune sur laquelle il est situé; ce n’est donc pas une « nouvelle destination ».
Bon, y’a encore un peut de travail à faire, Mesdames et Messieurs les Elus…