Cette question, nous nous la sommes posée la semaine dernière à Pau dans le cadre d’une « Battle » que j’ai eu le plaisir d’animer aux #ET14, en compagnie de Nicolas De Dianous (fondateur de l’agence We Like Travel) et Sébastien Repéto (fondateur de l’agence My Destination). Depuis le scandale Cambridge Analytica, la prise de conscience des limites et dangers du réseau social #1 est réelle et sérieuse, y compris du côté de son propre fondateur Marc Zuckerberg, Zuck pour les intimes… Je vous propose de revenir sur les points clés de cette Battle puis d’en tirer des enseignements quant à la place à donner à Facebook dans les stratégies digitales.
Vous n’avez pas assisté à la Battle ?
Si vous avez 1h devant vous, le mieux est de commencer par visionner le replay sur Youtube.
Dans le cas contraire, voici l’essentiel de ce qu’il fallait retenir de cette Battle :
- Facebook a changé ! Non, Facebook n’est plus le réseau social que quelques-uns d’entre nous ont connu il y a une petite dizaine d’années, sans pubs, centré sur les interactions entre ses membres… Désormais, Facebook est un véritable media, qui nous propose de (tous) petits espaces de prises de parole avec un auditoire plus ou moins fidèle, et des espaces publicitaires variés et plutôt efficaces. A vous de le considérer comme tel si ce n’est déjà fait…
- Facebook est toujours debout ! Les usages ont évolué certes, certainement plus raisonnés, moins effrénés, plus matures, mais l’audience est toujours là, chiffres Médiamétrie à l’appui ! Paradoxalement, tous les phénomènes qui ont secoué Facebook (Fake News, Cambridge Analytica, démultiplication des contenus viraux bullshit…) ont plutôt fait du bien à Facebook, Zuck n’ayant pas eu d’autres choix que de prendre des mesures drastiques pour « faire le ménage ». Force est de constater que depuis quelques semaines, le contenu s‘améliore. D’ailleurs parmi une sélection de 78 destinations sur les 562 analysées par We Like Travel, on constate une stabilité du nombre de personnes uniques touchées chaque mois par une page, entre 2017 et 2018. Le taux d’engagement moyen des pages est stable lui aussi, à 1,67%.
- Facebook est devenu bien plus qu’un média ! Les posts, les partages, les pubs… tout ça est devenu une facette parmi d’autres de Facebook, qui se diversifie et innove dans une logique servicielle. On a déjà eu l’occasion sur ce blog de parler des nouveaux services à leur ouverture : Groupes, Annonces, Recommandations, Local, Agenda, Événements, Shopping, Market Place, Dating… La plupart de ces outils pourraient être pris en compte dans une stratégie d’animation performante, sans oublier Messenger et toutes les stratégies conversationnelles qui émergent de toutes parts.
- Facebook est plus complexe à piloter ! Si l’audience est en effet toujours là, en nombre d’utilisateurs (à part les jeunes qui ont tendance à quitter le réseau), reste que les modifications comportementales rendent les choses plus compliquées pour les animateurs de pages : Toujours plus de contenus + Audience stabilisée + Moins de temps par utilisateurs = Points de contacts naturels plus rares. Dans ce contexte, la performance dépend essentiellement des contenus, locomotive de l’audience, et de la qualité de l’animation, dans le respect des fondamentaux du community management.
- Facebook est devenu payant ! S’il est désormais clair pour tout le monde que Facebook restera gratuit pour les utilisateurs, c’est notamment parce que ces derniers sont le produit, et que vous êtes tous des annonceurs (potentiels)… dit autrement, il n’y a rien de vraiment surprenant à ce que Facebook monétise son audience dès lors que l’on ne croit plus au Père Noël. Techniquement, les publications peuvent toujours prétendre à une audience organique, mais compte tenu de la raréfaction des points de contacts, une stimulation promotionnelle est parfois (voire souvent) la bienvenue pour tirer le reach vers le haut. Pour autant, le coût-contact reste très bas en comparaison aux autres supports.
- La course aux fans est (presque) has been ! La maturité ne touche pas que les utilisateurs… les annonceurs (dont les destinations) sont devenus plus matures et on est (enfin) passé d’une logique purement quanti (parfois aussi pauvre que « je veux plus de fans que la destination voisine ou concurrente pour flatter mes élus, donc je les achète ») à une approche quali, plus fine, qui privilégie l’hyperciblage, l’engagement et la durabilité de la communauté. Sur le plan publicitaire, on abandonne les « achats de fans » en masse non qualifiés, préférant constituer une communauté de qualité autour de son coeur de cible. Certes, dans certains cas, le volume reste un véritable objectif légitime mais il est toujours associé à un objectif qualitatif.
Le mot de la fin est venu du public, par la voix de Christian Berger, Directeur de l’Office de Tourisme, des Loisirs et des Congrès d’Arras Pays d’Artois, qui nous ramène à la question basique de la connaissance client en marketing :« Qui sont mes clients ? Où sont-ils ? A quel moment puis-les toucher ?… Si vous n’avez pas fait ce travail en amont, ça ne sert à rien de dépenser ne serait-ce que 50€ sur Facebook ou n’importe quel autre média … ».
A l’issue de cette Battle, j’ai demandé à nos 2 experts de nous synthétiser leurs convictions sur la place de Facebook dans les stratégies des destinations :
Nicolas De Dianous : « 562 destinations françaises communiquent sur Facebook en France. Leurs performances sont excellentes pour certaines, en devenir pour d’autres. Les leviers de performance sont clairs avec l’évolution de l’algorithme : il faut avoir un community management tactique et conversationnel, des budgets publicitaires pour sponsoriser des publications et toucher les cibles, et bien sûr des contenus photos et vidéos immersifs pour engager les pages. La question ne se pose pas de ralentir ou d’arrêter Facebook pour les acteurs du tourisme, mais bien d’affiner complètement la stratégie des contenus et la politique de talents. Il y a une prise de conscience de la nécessité d’y consacrer plus de moyens, publicitaires notamment. »
Sébastien Repéto : « Si vous touchez moins de monde qu’avant sur Facebook, ce n’est pas forcément un problème. Le but est surtout de toucher mieux, c’est à dire d’être en capacité d’apporter le bon message, à la bonne audience, au bon moment. Dans un contexte où les visiteurs d’une destination cherchent plus que jamais une hyper-personnalisation de l’offre, la segmentation sur les réseaux sociaux a une carte à jouer. Ainsi, on ne diffuse pas nécessairement le même message à l’ensemble de ses cibles. Être capable d’apporter le bon contenu à une audience plus fine, même de niche, peut-être bien plus stratégique pour une destination que de vouloir communiquer systématiquement en masse auprès du plus grand nombre. Enfin, je pense qu’il est maintenant temps de cesser de vouloir se comparer en permanence les uns aux autres. Les destinations touristiques n’ont pas toutes les mêmes stratégies, ni les mêmes moyens, ni les mêmes attentes des réseaux. Vous voulez rendre des comptes à vos élus sur les actions mises en place sur les réseaux sociaux ? Sélectionnez les bons KPI, faites de la pédagogie, faisons passer le message que le quali a bien plus d’intérêt que le quanti. »
Et donc, on fait quoi demain avec Facebook ?
Quels que soient les moyens dont on dispose, Facebook reste incontournable dans toute stratégie digitale, en particulier dans le tourisme, ne serait-ce qu’en raison de l’audience et du faible coût-contact. Néanmoins, plus que jamais, il est devenu essentiel de mettre du sens dans tout ça et d’adopter une approche écosystémique…
Que ce soit pour éviter de mettre tous ses œufs dans le même panier ou pour tirer réellement parti de l’omnicanalité, le point de départ est de considérer Facebook comme un réseau social parmi les autres (certes il est de loin le plus important, mais à minima, Instagram ne saurait être ignoré pour les destinations), les réseaux sociaux comme une brique de l’écosystème digital et l’écosystème digital comme une composante de la stratégie marketing. Une « stratégie » Facebook qui ignorerait les autres réseaux sociaux, le(s) site(s) web, la relation client, l’accueil numérique, les plateformes, et même les brochures (si si !) n’aurait que très peu de chances de performer réellement. La stratégie digitale est nécessairement globale et elle s’inscrit au cœur de la stratégie marketing. Le tout Facebook n’a pas plus de sens que le zéro papier auquel certains ont cru à une époque.
Dès lors que l’on admet cette approche, la remarque de Christian Berger prend toute sa valeur : qui envisagerait une stratégie marketing digne de ce nom sans parfaitement connaître son, ses clients ? Replacer le(s) client(s) au cœur de la réflexion et des plans d’actions permet à l’évidence de définir des objectifs pertinents et d’adresser des messages cohérents et efficaces et démontre bien la nécessité d’adopter une stratégie de contenu globale et transversale. Car c’est bien là qu’est LE vrai sujet sur lequel on devrait se questionner : quelles histoires dois-je raconter, à qui, quand, pourquoi, avec quels objectifs ? C’est le point de départ, car de là va pouvoir découler la stratégie des moyens, et non l’inverse. Partir des moyens / leviers pour définir la stratégie ne fonctionne pas plus dans le digital que ça ne fonctionnait dans « l’ancien monde » de la communication et du marketing traditionnel. Tout ceci fait d’ailleurs écho à un billet que j’avais publié ici même il y a 6 mois : le digital devient de plus en plus mature, et on peut enfin le piloter en mettant du sens dans la stratégie.
Reste que concrètement, dès lors que l’on envisage d’activer les leviers publicitaires de Facebook dans le cadre d’une stratégie pertinente, la question des moyens se pose. Car oui, on l’a dit, Facebook a changé, Facebook a changé les règles du jeu, et il faut désormais s’adapter ! Notamment en acceptant de « travailler son reach » en combinant l’organic et les Ads. Peu de moyens peuvent suffire pour cela, mais le rejet total des Ads rendrait très difficile la progression voire le maintien de la visibilité et de l’audience. Il peut être également utile de saisir les nouvelles opportunités encore très peu exploitées des Groupes, de Facebook Local, des Évènements, de la Recommandation Sociale, du Conversationnel… Tout dépend finalement des objectifs stratégiques qui auront été définis dans la stratégie marketing, déclinés en objectifs opérationnels par leviers en tenant compte de leurs spécificités, puis en KPIs permettant de mesure la performance des actions. A partir de là, avec une bonne compréhension des mécaniques digitales, le fait que Facebook renvoie de moins en moins de trafic sur les sites web ne devrait plus être un problème, pour autant que les vrais KPIs du réseau soient au vert…
Et pendant ce temps-là, du côté de Mountain View…
C’est à priori hors sujet, mais comment évoquer l’avenir de Facebook, LE réseau social de tous les records d’audience, sans faire un clin d’œil nostalgique à Google +, dont la fermeture prévue pour aout 2019 a été annoncée la semaine dernière 😥 RIP G+ ! Tu n’as jamais su trouver ta place dans le social, Facebook ne t’a jamais laissé le moindre espace, plus personne ne pensait à toi depuis bien longtemps, 90% des sessions n’excédait pas les 5 secondes de l’aveu même de Google, mais bon, quand même… ça nous ferait presque verser une petite larme tout ça ! Non ? 😉
Heureusement, dans le même temps, Google nous délivre un arsenal de nouveautés dont on reparlera probablement sans tarder dans le blog, le temps de bien appréhender les opportunités qui vont s’offrir aux destinations… En attendant, je vous renvoie vers cet article complet.