Foin des innovations technologiques, j’attaque l’année par une chronique. Affaire de tous et reflet d’une course frénétique à l’hyper affichage, à la marchandisation des données, aux consommations énergiques démesurées et aux manipulations, le numérique dans lequel nous avons cru doit se réinventer. Le numérique n’est pas qu’une technique en mouvement perpétuel qui aurait tendance à tout résoudre, tout comme la croissance par la consommation sème plus le trouble et les doutes qu’elle n’apporte du bonheur de vivre.
Quel numérique voulons-nous ? Prend-il suffisamment en compte le local contre le global, l’honnêteté contre la manipulation, l’humain face à l’économie ? Peut-il être plus sobre et propice à des innovations qui ne sont pas que technologiques ? Peut-il servir des causes qui concourent à l’harmonie, à la paix, à la bonne humeur, à la défense de causes humaines et écologiques ? Quel numérique voulons-nous en tant que citoyens et en tant qu’acteurs du tourisme, grand contributif aux avancées et simultanément aux dégradations du monde ?
Réinventer le numérique
Je trouve que le collectif qui a proposé une récente tribune en faveur d’un numérique réinventé et choisi a vu juste. 3 actions sont en vue et m’évoquent le Manifeste que nous avons établi lors des ET14. Il est de l’obligation des citoyens et des auteurs et lecteurs que nous sommes ici de prendre la parole et d’agir pour des oeuvres positives. Le désarroi et la colère sociale du moment sont en partie justifiés par une incapacité collective et politique à penser autrement depuis longtemps. Les mots croissance s’affichent à 84 millions d’occurences sur Google, consommation à 130 millions, bonheur de vivre à 79 millions, écologie… 49 millions, quant à frugalité… 401 000 seulement. Or la frugalité est la satisfaction de petits moments peu impactants d’un point de vue médiatique mais qui font le sel de la vie personnelle en opposition avec une quête frénétique de besoins, de moyens d’achats, d’actes de consommation notamment répandus par les politiques passées et par le numérique devenu clairement commercial puisque tout s’y monnaye y compris nos états d’âme personnel.
Tout n’est pas perdu car je viens de découvrir quatre exemples qui illustrent mon propos et ont des ramifications touristiques.
1 : L’exemple vient du groupe Bali Francophones sur Facebook et m’a été délivré par l’ami Antoine Chotard. Il concerne Surabaya, capitale de Java-est : à l’initiative du maire de la ville, on paie le bus avec des bouteilles, verres ou sacs plastique de récupération et il est impossible de payer en espèces… La ville de Surabaya est devenue propre et belle. L’initiative est positive, concerne la population locale et les visiteurs, fait oeuvre écologique, facilite la mobilité collective. Le numérique l’a propulsée jusqu’à nous.
2 : Une union syndicale américaine, Unite Here réunit 270 000 salariés nord-américains du secteur des services, notamment hôteliers. Elle propose via un site et une appli, Fairhotel.org de faire connaître les hôtels dans lesquels il y a des conflits sociaux afin que les voyageurs les évitent, pour aider à gagner les luttes sociales vers plus de respect, des rémunérations appropriées… Une vidéo explicite bien la création. La liste des conflits et boycotts donne clairement la couleur. Le contrepied de la promotion touristique, le harcèlement à l’égard des mauvaises actions ou des inactions, bref les actions de groupes sont possibles en faveur d’un tourisme clairement responsable.
De l’action de groupe au Kos individuel
3 : Olivier Bernard, Directeur de recherche à l’Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique (INRIA) a récemment publié dans Le Monde un témoignage sur son séjour professionnel en Norvège. Tout est plus cher qu’en France en matière de circulation automobile qui est clairement dissuadée. Il évoque une « avalanche d’impôts », à tel point qu’à côté la France fait figure de paradis fiscal. Son article est passionnant tant il ouvre une perspective sur la notion d’épanouissement, sur le bonheur et sur la frugalité qui le sous-tend. Si en France la qualité de vie se mesure en termes de pouvoir d’achat, il en va autrement en Norvège où l’on privilégie la production et la consommation locales. « Le bien être est une monnaie » écrit-il, on prend soin des salariés et des citoyens. L’homme est au coeur de la société et non le consommateur. A la relance de la croissance et de la consommation qui a été le maître mot des politiques français pour résoudre le chômage et la transformation de notre société depuis des décennies, avec le succès que l’on sait, la Norvège a fait le choix de la croissance du bien être par la simplicité plutôt que du mal être par la consommation.
4 – Il me semble que les organisations de gestion des destinations et les socio-professionnels du tourisme ont quelque chose à penser, faire et dire sur le sujet. J’ai eu la chance ces dernières semaines de travailler avec des pros du camping et des pros de la vigne et du vin et j’ai constaté combien le temps long, la quête du travail concentré et accompli au long cours, l’investissement pour des plaisirs simples à venir, comme camper modestement dans une nature splendide (Huttopia par exemple), ou déguster un vin de garde dans 20 ou 40 ans, sont des motivations fortes et qui cultivent le bien être au travail. Soyons sensibles à ces aspects. Notre proposition de création d’un Passeport de Citoyen Voyageur du Monde participe de cette démarche. Et pour en savoir plus sur le Kos norvégien, un beau texte ici et un propos résumé.
Enfin, il est agréable de découvrir le Green Travel, le logo de la petite touffe verte qui figure sur certaines pages du site Visitnorway set ignale les produits et offres associées entrant dans le programme environnemental. « La touffe d’herbe »/Green Travel est un repère commun à tous les programmes environnementaux certifiés, utilisé par les entreprises du tourisme en Norvège. Ce logo aider les voyageurs à trouver des solutions environnementales certifiées.
En conclusion, repensons nos organisations, actions en privilégiant la simplicité, la frugalité, le travail au temps long, la sincérité et moins en le cours termisme de la visibilité numérique, qui sert finalement à enrichir des géants qui concentrent et s’accaparent ressources, données, revenus et modifient nos parcelles de pouvoir.