Durant le mois d’août, le rédaction vous propose de redécouvrir des articles écrits tout au long de l’année passée.
En octobre 2019, à l’occasion des rencontres du etourisme, la transition durable était à l’honneur…
Cet article a été publié sur le blog le 30 octobre 2019
Je l’admets, « transition durable » frise bon l’oxymore. Mais l’expression qualifie bien ce qui est en train de se jouer dans l’industrie touristique.
Comment amener les entreprises et les destinations touristiques à se transformer pour répondre aux enjeux de surfréquentation et de changement climatique?
A Pau, lors des dernières #ET15, cette question a été l’objet de la table ronde d’ouverture, dont le contenu a bien été retranscrit dans cet article d’aqui.fr.
Je voudrais revenir aujourd’hui sur la comparaison entre la transition numérique qu’a connu l’industrie touristique il y a quelques années et la transition durable, ou écologique que nous allons vivre.
Qu’est-ce qui a provoqué la transition numérique?
Le facteur qui a introduit le numérique dans le quotidien de l’industrie touristique a été la technologie : apparition d’Internet dès la fin des années 1990.
Mais si cette technologie n’avait pas été adoptée par les utilisateurs, on ne serait pas allé aussi loin. Or, c’est bien la modification de comportement des utilisateurs qui a provoqué l’adaptation : les restaurateurs se sont mis à réagir aux avis parce que les clients les ont écrit! les hôteliers se sont mis sur Booking parce que les clients utilisaient l’application!
L’autre facteur marquant aura été l’irruption de nouveaux acteurs dans le tourisme, acteurs venant au départ du numérique. Qui sont ces nouveaux acteurs? Je les appelle les GABIT (Google, AirBnB, Booking, Instagram et Tripadvisor). Certes, j’aurais pu en rajouter plein d’autres, mais l’acronyme est joli, non? N’empêche, ces services ont remodelé notre économie et se sont rendus indispensables. 10 ans après leur généralisation, on ne fait que courir après leur dernière innovation, et plus jamais, les acteurs du monde ancien, public comme privé, ne seront devant.
Les facteurs de la nécessaire transition durable sont-ils identiques?
On pourrait penser que les acteurs du tourisme seront responsables parce qu’ils auront compris que la planète va mal et qu’il faut changer de comportement. On pourrait penser que spontanément, l’industrie touristique se mettrait au durable… Laissez-moi en douter : si les rapports du GEIQ avaient fait bouger les compagnies low-cost ou les voyagistes internationaux, ça se saurait.
Non, ce qui va vraiment faire bouger les acteurs du tourisme, ce sont les consommateurs. Exactement comme pour les numériques.
Une étude G2A parue ces derniers jours sur la montagne face aux enjeux climatiques & environnementaux est intéressante sur les motivations des consommateurs : ils sont de plus en plus sensibles aux destinations et aux entreprises qui se préoccupent de l’environnement. Ils ne partiront pas moins souvent, mais ils partiront dans des « destinations respectueuses de l’environnement »
C’est donc, comme dans le numérique, l’usager, le client, le consommateur, qui fera bouger l’industrie touristique. Et comme la prise de conscience va trés vite (en Europe notamment), les acteurs du tourisme sont maintenant convaincus « qu’il faut y aller » maintenant.
De nouveaux acteurs avec le durable?
C’était une discussion avec Guillaume Cromer à l’issue des rencontres de Pau. Est-ce que le durable va générer, comme le numérique, de nouveaux acteurs? Pour Guillaume, émergeront surtout de nouvelles gouvernances, plus que de nouveaux acteurs. (cf. son papier sur une utopie du tourisme).
La question sera surtout que ces nouveaux acteurs (militants, coopératifs, engagés) ne soient pas, comme ce fut très rapidement le cas avec la consommation collaborative, remplacés par des fonds d’investissement… J’ai quelques doutes la-dessus, quand je vois déjà comment la grande distribution s’approprie le bien-manger…
Indéniablement, la révolution durable fait émerger de nouveaux acteurs, et notamment les consommateurs eux-mêmes, habitants comme visiteurs, qui souhaitent être partie prenante de la construction de la destination. A nous, au sein des Organismes de Gestion de la Destination, à veiller à les prendre en compte. Ce qui implique une vraie révolution culturelle de nos offices de tourisme ou ADT.
Les équipes à la manoeuvre?
C’est dans l’implication des salariés que je vois une profonde différence entre la transition numérique et la transition écologique. Lorsque nous avons lancé en 2011 en Aquitaine l’Animation Numérique de Territoire, l’objectif était bien que les offices de tourisme deviennent les animateurs territoriaux de cette transition numérique, au profit des entreprises notamment.
Le résultat a été différent : l’ANT a surtout été le moteur de la transition numérique à l’intérieur même des équipes. Il a servi à convaincre les collègues, souvent le directeur, de changer de métier.
En 2019, avec le durable, la donne a changé. J’ai l’impression que la prise de conscience et l’envie des équipes est énorme. Parce que la société à changé et que les collaborateurs sont les témoins de cette évolution sociétale. La transition durable au sein des OGD ne sera pas difficile, elle est même déjà souhaitée par les équipes.
En préparant un prochain séminaire sur le thème du durable avec un office de tourisme, j’ai été, comme le directeur de l’OT, surpris par la maturité de l’équipe sur le sujet et par sa demande d’engagement sur le sujet! Les moteurs, ce seront eux, j’en suis persuadé. A tel point que je pense qu’un directeur d’OGD ne peut pas ignorer cette prise de conscience récente et rapide de ses collaborateurs. Il faut y aller!
Vers une animation durable de territoire?
Comment aujourd’hui, pour le réseau des OGD, structurer cette nouvelle donne écologique, durable? Comment progresser en interne en impliquant les équipes, comment accompagner les prestataires, sensibiliser les publics, mobiliser sa collectivité ?
Autrement dit, comment être, en tant qu’office de tourisme, l’animateur de la transition écologique de sa destination?
L’aventure de l’Animation Numérique de Territoire doit nous inspirer. Certains s’y mettent, comme l’office de tourisme de Béziers Méditerranée qui a recruté une animatrice écologique de territoire.
A la différence de l’ANT, qui ciblait une personne en particulier au sein de l’équipe, l’Animation Durable (ou écologique) de Territoire devra concerner toute la structure. En effet, chacun à son niveau sera engagé dans une composante de la transition durable du territoire.
Les grands engagements de l’Animation Durable de Territoire sont à mon sens les suivants :
- engager la structure à être écoresponsable dans son quotidien : ce sont les écogestes, appliqués par toute l’équipe
- engager la structure dans un marketing responsable, en maitrisant mieux les éditions et en ayant une consommation numérique responsable
- engager la structure dans la sensibilisation des publics accueillis sur la destination
- engager la structure dans l’accompagnement des prestataires touristiques à leur transition durable
- engager la structure dans l’appui à la collectivité sur les questions d’aménagement : mobilité, accessibilité, itinérance douce, etc.
- engager la structure dans un management soucieux de la parité hommes-femmes, de la qualité de vie au travail,
Demain, les structures engagées dans ce projet amibiteux auront à faire évoluer les métiers des collaborateurs. Il faudra adapter des formations spécifiques. Nous y travaillons avec plusieurs régions.
C’est au prix de cette adaptation fondamentale que nous gagnerons la transition durable, aussi majeure que fut la transition numérique!