Durant le mois d’août, le rédaction vous propose de redécouvrir des articles écrits tout au long de l’année passée.
Cet article de François Perroy a été initialement publié le 16 décembre2019
Bon le titre est mauvais, mais assumé et au moins tu as commencé à lire et c’est tant mieux ! Nous allons parler de mobilité et de transports avec Julien de Labaca, un ami avec qui nous échangeons souvent sur le sujet dans le cadre de problématiques touristiques. Il est intervenu lors des ET15 à Pau. Tu peux retrouver son propos ici.
Dans le chaînage touristique, le transport a toujours été considéré comme un maillon important. Se rendre à l’endroit voulu, le plus rapidement et le plus confortablement possible est une composante touristique. Avion, autocar, train, voiture, tout a été écrit sur le sujet. Pourtant, malgré cette importance convenue, globalement, peu de choses ont été été imaginées à part des guides de voyages qui mentionnent quelques bons plans. Mais aujourd’hui, avec l’évolution des pratiques, avec l’effervescence des nouvelles offres, l’émergence du numérique… la mobilité commence, timidement, à être considérée d’un point de vue touristique.
Sur place, prendre ses marques
Il faut dire que les enjeux sont colossaux. La déprise automobile devient évidente au sein des foyers des grandes métropoles. Par conséquent, se rendre sur son lieu de vacances suppose de plus en plus d’utiliser des alternatives de déplacement. Et une fois sur place, les pratiques et donc les demandes changent de manière importante. Fais l’exercice des conditions d’informations conjuguées en matière de transport et de tourisme lors de tes voyages, ainsi que des modalités de paiement avant ou à bord des bus.
Le chemin est encore long avant d’arriver à l’optimum requis. Récemment, j’ai récupéré le plan touristique de TBM (Transports Bordeaux Métropole) : il conjugue assez bien infos touristiques et de transports. Et on est toujours frappé de constater les connexions entre les modes de transport et les affichages des flux dans beaucoup de cités européennes. Une affection particulière pour Bâle en Suisse.
Julien, comment abordes-tu la problématique des mobilités pour les utilisateurs touristes ?
Je l’aborde avec deux regards. En tant qu’utilisateur d’abord, puis en tant que consultant, parce que dans le cadre de mes missions, je parcours régulièrement le globe. Par conséquent j’observe et je teste ! Et mon constat est simple : le lien entre mobilité et tourisme est, encore aujourd’hui, très balbutiant. Pourtant, il existe de plus en plus de solutions qui permettraient de faire en sorte que les touristes ou même les visiteurs locaux trouvent des solutions pertinentes pour se déplacer « autrement » durant leurs vacances. Je crois que nous sommes à la croisée des chemins et que c’est le moment de véritablement créer du lien entre ces deux thématiques aujourd’hui si éloignées.
Jusqu’à présent, nous avons vécu une sorte de “première phase” de la mobilité dans le domaine du tourisme, qui s’est majoritairement concentrée sur la création d’offres nouvelles, bien souvent séparées des offres de transports pour les résidents. Voyant le potentiel de ce business, le privé a bien souvent pris le dessus en poussant ses propres produits. On peut évoquer les systèmes de citybus dans les grandes métropoles comme Paris, Londres ou encore le boom des took-took dans des villes comme Lisbonne. Quant aux navettes pour relier aéroports et centres villes, elles ont dans un premier temps souvent été laissées à des initiatives privées.
Second élément de problématique : les offres à disposition, pour se rendre sur son lieu de vacances, ou pour s’y déplacer, une fois sur place, n’ont que très peu été intégrées dans les dispositifs d’informations voyageurs. Il est donc compliqué pour les visiteurs de comprendre ce qui est à leur disposition, le prix des offres ou encore les moyens d’y accéder, de les réserver et de payer.
Mais les choses changent. Trois phénomènes majeurs font évoluer le secteur. Le premier, c’est la pression que les métropoles mettent progressivement en oeuvre pour réduire l’utilisation de modes peu vertueux. Le second, c’est l’apport du numérique qui permet d’améliorer de manière très importante l’information, la réservation et le paiement de toutes les solutions de mobilité. Enfin, le troisième provient de la multiplication des solutions, poussées d’une part par les pouvoirs publics, qui petit à petit y voient une manne financière et souhaitent reprendre la matin et d’autre part d’initiatives privées issues du digital, comme les trottinettes ou vélos sans stations, qui deviennent des alternatives puissantes pour les non résidents.
Un tour d’Europe
Tu fais actuellement un tour d’Europe des bonnes solutions en mobilité, peux-tu nous révéler quelques bonnes pratiques inspirantes pour nos destinations ?
J’en ai beaucoup en tête, notamment dans les capitales. A Edimbourg, l’opérateur Lothian Buses a créé plusieurs lignes de bus directes entre le centre ville et l’aéroport, très performantes, bien intégrées dans le système d’information, dont l’une propose un service 7j/7 et 24h/24, avec un départ chaque 10 minutes. Mais fait rare, l’opérateur a aussi créé le Shandwick Place Travel Hub : un espace d’information pour les usagers, à mi-chemin entre café et coworking. Et cet espace propose une salle spéciale pour les personnes se rendant à l’aéroport, avec une information en temps réel sur les vols… le tout au centre ville !
A Londres, l’autorité de transports « Transport For London (TfL) » a créé sept « Visitor Center », des espaces physiques, pour informer les touristes sur toutes les offres de mobilité à disposition, dont 3 sont présents dans les aéroports. Du personnel formé y renseigne les visiteurs sur les tarifs, les offres, les applications à disposition avec un très bon niveau de détail, et en plusieurs langues. Ils ont à leur disposition de nombreux outils mis en place par l’autorité organisatrice comme un guide du voyageur, une Oyster Card spécial touristes… A noter également que Londres a ouvert l’ensemble de son réseau à l’open payment : on peut accéder au bus et au métro en validant avec sa carte bleue (Europay Mastercard Visa).
Madrid a mis en place l’open payment (la carte bleue comme carte de transport) dans sa navette aéroport-centre. Une manière de promouvoir cette ligne de transport publique, gérée par l’EMT (l’autorité organisatrice de transports) et ne pas voir tous les passager préférer le VTC ou le taxi.
Oslo a créé un CityPass intégrant les transports de manière multimodale et illimitée. La ville intègre également les horaires des avions, en temps réel, directement dans le train à grande vitesse qui relie gare et aéroport.
A Paris, la RATP a créé une application spécifique pour les touristes. Traduite en 10 langues, elle propose de nombreux contenus liés à chaque ligne de transport, dont des guides audio plutôt très réussis.
Comment fait-on depuis la tour de contrôle Office de Tourisme ?
Demain nous sommes, toi et moi, à la tête d’une destination touristique, cas improbable :), on commencerait par quoi ?
Par le début ! avec beaucoup de pragmatisme… On commencerait par analyser scrupuleusement l’offre à disposition, en testant directement sur place. En fonction des résultats de notre diagnostic, de manière très pragmatique, nous pourrions :
- créer certains “outils” : nous commencerions par un guide papier du « touriste qui veut se déplacer ». Nous travaillerions ensuite sur l’information voyageurs : fonctions spécifiques pour les touristes, gestion pertinente des langues, intégration dans les méta applications. Nous pourrions ensuite engager une réflexion sur la création d’un Citypass, totalement multimodal, et permettant l’accès et la validation des modes intégrés dans ce dernier,
- appréhender les lieux d’informations. Je suis totalement persuadé que l’on pourrait faire évoluer les Offices de Tourisme (nombreux) ou maisons de la mobilité (plutôt rares) vers des espaces communs permettant de renseigner un large public : des résidents en quête de découverte, des touristes, mais aussi des personnes désirant se renseigner sur les offres de mobilité du territoire en question. Cela me paraît être une évolution assez logique de ces espaces,
- enfin, sujet majeur, il s’agira de réaliser, et cela peut être en parallèle des premières initiatives, un important travail sur le facteur humain. D’une part, faire en sorte que les autorités de transport et les directions du tourisme communiquent mieux, pour définir de manière commune une stratégie et des synergies. D’autre part, former les personnels de offices de tourisme volontaires à de nouvelles fonctions plus larges, afin de leur offrir un niveau pointu sur les questions de mobilité.
Et si on allait plus loin, si les lectrices et lecteurs du blog nous donnaient leurs points de vue sur un des sujets que tu as évoqués, à savoir l’évolution des Offices de Tourisme en lien avec la mobilité…
Comme je l’évoquais plus haut, c’est un des sujets qui m’intéresse beaucoup, à savoir comment demain, les Offices de Tourisme, pourraient aussi devenir Mobility Center… Pour cela, je suis curieux de connaître le ressenti des premiers concernés, à savoir le personnel de ces offices : https://forms.gle/KT2eCeDmHKkj4BQ77
Merci !