Durant le mois d’août, le rédaction vous propose de redécouvrir des articles écrits tout au long de l’année passée.
Cet article de Paul Fabing a été initialement publié sur ce blog le 19 février 2020
Photo by Hunter Haley on Unsplash
En voilà un titre un tantinet abscons, qui claque et qui fleure bon le docte exposé d’un expert ès tourisme potentiellement légèrement suffisant. Que nenni ma foi ! Je vous livre ici quelques modestes réflexions inspirées par une réunion récente des experts du web, des réseaux sociaux et de la relation-client d’une destination pour tenter d’améliorer la pertinence et la cohérence des nombreux outils mis en place par les institutionnels.
Sujet intéressant voire essentiel pour optimiser l’attractivité de la destination en développant les synergies entre les différentes démarches. Au passage, notons que le mot « synergie » était très en vogue dans les années 90-2000 et qu’il est bizarrement tombé un peu en désuétude depuis… Pour faire le lien avec l’excellent article de Brice de lundi, j’ai l’impression que « synergie » s’est sans doute fait « kodakiser » par « innovation »…
Un exemple probant
Cette réunion avait lieu dans le vignoble alsacien. Elle portait donc sur la destination Alsace qui, sans chauvinisme aucun, est la plus belle de toutes 😉 , mais aussi représente un exemple assez probant pour au moins pour 3 raisons :
- une destination signifiante disposant d’une marque forte ;
- le triptyque institutionnel classique (OT, ADT, ART) ;
- une vraie GRC de destination en place depuis 2017.
Force est de constater le nombre importants d’outils, en ligne ou pas d’ailleurs, pour distiller le marketing territorial. Plutôt que la palette minimaliste en photo ci-dessus, la boîte à outils de l’Alsace s’apparente plutôt à cette image là :
Crédit photo : OZinOH sur Visualhunt / CC BY-NC
Un site web « amiral », visit.alsace, des sites thématiques ou affinitaires, des pages Facebook, Instagramm, Twitter, un outil de GRC (Avizi), un outil de mise en relation avec les habitants via Messenger (Avizers), des éditions, …
Tous les acteurs de ces outils étaient présents et ont partagé le constat premier d’un manque criant de liens entre les outils. Par exemple, bonne chance pour trouver sur visit.alsace le lien pour s’abonner aux conseils de Liesel (figure emblématique de la GRC Alsace)…
La suite des débats pour trouver des solutions a été moins consensuelle et a montré de nombreuses postures que l’on peine aujourd’hui à dépasser…
Quelques réflexions inspirées par ce débat
Une confusion sémantique assez intéressée…
En effet, lorsque l’on essaie de poser des contours aux 3 mots promotion, relation-client et communauté, on constate des désaccords assez profonds fondés sur des postures défensives par rapport à l’outil que l’on gère. Chacun a tendance à penser que “son” outil fait plein de trucs voire même tout ! Du coup, chacun se sent « légitime » dans son entreprise au service de la destination et l’incohérence n’est donc pas de son fait…
Le tropisme des institutionnels pour l’entre-soi
On se rend compte que l’effort et les moyens se concentrent sur les actions directement administrées par les OGD, ou voire même les actions pour lesquelles les OGD se sentent “légitimes” et qu’ils peuvent penser et gérer seuls, ou pour lesquelles ils peuvent se satisfaire d’une concertation bien-pensante sans prises de tête (site web amiral, système d’information, comm, pages réseaux sociaux, …).
Associer véritablement d’autres acteurs comme les grands sites ou les socio-pros ou encore des communautés existantes reste rare, alors qu’il semble évident que tout le monde est concerné. Bien sûr, les OT, les ADT et les CRT associent les acteurs à leur gouvernance, mais bien rarement à un niveau opérationnel.
Des outils ou des fonctionnalités peu ou pas mis à profit hors de leur « silo » d’origine…
Je rappelle l’exemple des services d’accompagnement client assez mal valorisés sur le site amiral. Il est vrai qu’ils renvoient vers un site de séjour spécifique qui pour certains apparaît presque comme concurrent du site amiral, d’où parfois quelques légères crispations. Notons que le budget du site de séjour de la GRC représente environ 10% de celui du site amiral…
La relation-client reste le parent pauvre des stratégies touristiques
Alors que le basculement des budgets de la promotion vers la relation-client semble largement engagé dans le monde des hébergements, les destinations apparaissent beaucoup plus timorées. De manière schématique, les institutionnels sont souvent restés sur des stratégies de développement et de qualification de l’offre, promue ensuite auprès des différents marchés.
Quelques idées pour avancer ?
En langage de consultant, je pourrais vous glisser quelque chose comme « Il convient de changer de paradigme pour mettre en œuvre une approche systémique décloisonnée ». Vous seriez moins riches mais pas forcément plus avancés ! 😉
Sur un mode plus terre à terre, on sait ce que l’on veut (tout plein d’amis, de clients, d’ambassadeurs, de prospects, etc.), mais chaque sphère (promotion, relation-client, réseaux) y va avec sa propre logique et avec beaucoup d’enthousiasme. Sans parler des organisations en silos d’expertise qui voient parfois s’affronter par exemple le numérique et la comm pour être le maître à bord. Et chacun a raison puisque tout est comm et presque tout numérique…
Bref, on manque d’une stratégie opérationnelle articulée autour des notions de prospect, client et ambassadeur avec des finalités claires :
- prospect -> séduire
- client -> accompagner et fidéliser
- ambassadeur -> valoriser et recommander
… avec des outils ou des ressources au service de tous les axes comme par exemple un système d’information, des contenus issus du design d’expérience, une animation de communautés, etc.
Une telle stratégie permettrait d’assurer la montée en puissance de la relation-client par un simple ré-équilibrage
Et pour associer tous les acteurs, il faut assurer le décloisonnement nécessaire… en adoptant résolument les modes collaboratifs vertueux comme le mode projet ou le mode processus. Pas-à-pas, les organismes institutionnels gagneraient à modifier les organisations pour les structurer davantage autour des finalités que des expertises. L’exemple de la mission Autour du Louvre-Lens paraît très opportun et inspirant.
C’est dans cet esprit que se structure actuellement la Mission Attractivité Alsace au sein de Alsace Destination Tourisme, avec l’ambition de former une plate-forme efficiente pour faciliter la mise en place et accompagner ces projets et/ou processus en associant tous les acteurs de bonne volonté.
Oui, je sais ce que vous pensez : une telle démarche est épatante sur le papier, mais il y a tant de vieux clivages, d’idées reçues, d’a priori, bref tant de freins en tout genre que c’est peine perdue.
Pourtant nos organisations bougent ou vont devoir bouger rapidement tout simplement pour ne pas être « kodakisées » en ne « collant » pas aux transformations en cours de notre bon vieux tourisme séculaire : enjeux climatiques, éthiques, sociétaux, etc.
C’est peut-être le moment opportun d’oser le changement !