Sans trop savoir où cela nous mènera, il est clair que la COVID brusque, accélère, perturbe et secoue l’ordre des choses. Qu’en restera-t-il dans 10 jours, 10 mois ou 10 ans… ? Qui sait ? Qui peut savoir ? Les inconnues sont tellement nombreuses, nourries quotidiennement de communications anxiogènes qui participent à nous maintenir dans un monde d’incertitudes. Pourtant, les injonctions à se projeter sur « l’après » sont paradoxalement légions. Bon courage donc avec ce cocktail mais si la volonté de contrôler l’inconnu et l’incertain est une cause perdue d’avance, c’est bien notre capacité à se préparer à des changements majeurs qui devient le salut pour chacun d’entre nous et pour nos organisations.
Ces derniers mois ne sont-ils pas d’ailleurs la preuve par l’exemple de cette réalité ? N’a-t-on pas relevé le défi qui s’annonçait ? Cette place de l’incertain nous bouscule et nous contrarie, et pourtant, à la fin, les idées fusent, des solutions émergent, se testent, se peaufinent et parfois s’ancrent pour de bon.
En tout cas, les énergies et les dynamiques qui se sont dégagées ces derniers mois dans notre secteur sont folles. Qu’en restera-t-il ? Je n’en sais rien. Mais tout de même. Pas un secteur du tourisme, de la culture, du patrimoine, du commerce de proximité, de l’événementiel (…) n’a connu de chamboulements et n’a exploré de nouvelles voies.
Sans aucune ambition d’exhaustivité, je vous propose un tour de piste de quelques changements et phénomènes issus de ces 6 derniers mois bouillonnants. Qu’en restera-t-il ? A chacun de voir car ce sont autant de points d’ancrage possibles dans lesquels chacun peut piocher et enrichir pour se projeter sur ce fameux « après » avec ses incertitudes de maintenant.
La tourisme de proximité face au défi de fidélité
La clientèle française était au rendez-vous de l’été. Si c’est vrai au niveau des flux ressentis, il faudra attendre encore un peu pour analyser les volumes d’affaires. Au-delà des chiffres, à retrouver là et là par exemple, c’est surtout un beau défi de fidélisation qui s’annonce pour la suite.
Cela touche tous les territoires et notamment ceux qui ont connus de belles performances avec de nouveaux clients. Le tourisme à la campagne en tête. Le voyageur français considérera-t-il que le rapport qualité-prix a valu le coup en voyageant en France cette année ? Est-ce que les services, les offres d’hébergements, les heures d’ouverture des restaurants, la diversité et l’accès aux activités étaient au niveau de ce qu’il peut vivre sur une année « normale », ici ou ailleurs ?
Une fois passée l’acte de solidarité d’une année inédite, l’idylle de la redécouverte de la beauté de son pays, l’acceptation d’un choix de destination contraint, que restera-t-il ?
Il y a matière à mon sens à se questionner et, parfois, à pivoter sur ses priorités et ses cibles.
Parallèlement, cette période a permis d’expérimenter des actions, montées en des temps records, qui ont la vertu d’ouvrir la voie. L’exemple de la carte Occ’ygène d’Occitanie déjà présentée dans le blog ou encore la reconduction cet automne de l’opération Landissimes des Landes marquent peut-être des tournants durables sur la re-équilibrage des investissements pour soutenir une consommation de proximité plus vertueuse.
Cette proximité, c’est aussi celle qu’a ravivé pendant le printemps les Organismes de Gestion des Destinations avec les entreprises du tourisme, les commerçants, les producteurs, les associations locales, etc. Un élan de solidarité sans précédent qui a pris forme sur les territoires. Cela s’est traduit par de l’entraide, de l’écoute, du conseil, du soutien stratégique, de la mise en réseau, de la valorisation, des relations commerciales revues…
Et demain, que restera-t-il ?
Alors que la saison d’été est sur sa dernière ligne droite et que celle d’hiver se prépare, des opérateurs questionnent leur modèle, leurs offres et leurs services en vue de 2021. Parallèlement, les nouveaux représentants des collectivités, fraichement élus pour 6 ans, prennent leur poste. Au milieu, les offices de tourisme, comme acteur du cadre de vie de nos territoires ont un rôle à jouer autour de la durabilité de l’activité du tourisme, autour du design de l’offre et autour du décloisonnement nécessaire de notre secteur. Il y a là une opportunité pour rassembler, mettre en débat et créer, afin d’allier projets politique, projets de territoire et stratégie de moyens.
Les géants plus puissants que jamais
Si la énième crise du siècle va faire des dégâts dans de nombreuses entreprises, c’est toujours la belle vie du côté des mastodontes. Ne nous trompons donc pas de débat. Une emprise financière, commerciale, sociale, culturelle, idéologique et politique se retrouve aujourd’hui, plus que jamais, dans les mains de 4-5 multinationales. La capitalisation des GAFA à la sortie du confinement a atteint des records historiques, soutenus par des usages numériques hors normes dans nos vies privées et nos vies professionnelles.
Côté 100 % tourisme, les Booking, Tripadvisor, Expedia, Airbnb connaissent des plans de restructuration et de licenciements. Ce sont certainement les premières réelles difficultés depuis leur création. L’adaptation est bien sûr déjà en marche comme chez Booking qui licencie un quart des effectifs, arrête son service Booking Suite quasi du jour au lendemain et dans un même temps voit une explosion des réservations de son catalogue de locations saisonnières.
Et demain, que restera-t-il ?
« La capitalisation boursière des quatre GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) atteint ainsi un montant hallucinant : 5.800 milliards de dollars » peut on lire ici. Personnellement, je n’arrive même pas à me représenter ce montant mais je sais qu’en face un État tel que la France amène 100 milliards pour reconstruire.
Dernière minute et dernière seconde chez les hébergements et les activités
Du côté des pratiques de consommation, la dernière minute semble devenir la règle pour les réservations d’hébergements. Je n’enfoncerai pas une porte ouverte sur ce sujet car il est largement traité dans divers blogs de référence. Cette année, c’était moins loin que d’habitude, des réservations en ligne à gogo, en dernière minute, avec des conditions d’annulations jamais vues. Les locations saisonnières ont clairement eu le vent en poupe poupe. Parallèlement, des plateformes alternatives sont sur le devant de la scène et Nicolas nous en partageait un exemple pas plus tard que lundi avec Vaovert. La proximité dans les vacances, c’est aussi la staycation qui se répand.
Du côté des activités de plein air et de loisirs, cette année permet d’aligner les planètes entre une clientèle de proximité consommatrice et un secteur qui poursuit sa transformation digitale. Déjà Jérôme Forget partageait une analyse claire en début d’année dans cet article avec près de 50 % des réservations d’activités qui s’effectuaient 1 à 2 jours avant leur consommation.
Et demain, qu’en restera-t-il ?
A l’instar des hébergements, verra-t-on le yield management arrivé aussi pour les loueurs de vélo, de canoés, les cours de surf, les sorties canyoning et consorts… ? Comment cette offre sera propulsée par les Organismes de Gestion des Destinations pendant les séjours et tout au long de l’année auprès, notamment de leur clientèle de proximité ?
La transformation des restaurateurs aussi… avec les plateformes
Du côté des restaurants, amusant déjà d’avoir vu le retour des QRCode pour dématérialiser les menus. Pour vous faire un retour vers le futur des articles du blog sur les QR-code, c’est par là.
Ce petit clin d’oeil fait partie de mutations plus nombreuses mises en œuvre en un temps record pour ce secteur. La covid a accéléré le mouvement de la vente à emporter. Il en est de même avec le click&collect (+80 % des restaurants concernés en un été) ou encore la montée en flèche des réservations en ligne.
Cette tendance ne semble pas faiblir au fil des semaines et les plateformes sont bien présentes pour soutenir cette mutation. Delivroo annonce par exemple ces derniers jours son opération « Boost ton resto » avec toute une panoplie de services à consommer afin d’accélérer la transition digitale du secteur. Cet été, ce même Delivroo a vu entrée à son capital Amazon…
Ces derniers mois le secteur a connu une augmentation significative du ticket moyen. Sûrement hétérogène selon les lieux, les typologies et les positionnements, cette hausse constatée résulte de la hausse du plafond de dépenses possibles via le ticket restaurant. Cependant, l’équilibre reste fragile et le contexte est rude avec la fin des reports de charge cet automne et le début des remboursements des PGE sur l’année prochaine.
Le sans contact à toutes les sauces pour la confiance, la sécurité et la rassurance
Dernier zoom de cet article : le voyage sans contact deviendrait-il la norme ? C’est ce que laisse entendre le partage des résultats d’une étude menée par Unravel Travel (ici et là). Cette étude précise que les voyageurs intègrent de mieux en mieux les exigences et contraintes de protection sanitaire. Dans les souhaits évoqués pour aller plus loin sont notamment cités la dématérialisation totale des cartes et justificatifs de voyage mais également des contrôles sans contact, les transferts sans contact, le maintien de jauges réduites de voyageurs dans les transports, etc
Ce sans-contact, c’est aussi dans les modes de paiement et pratiques de transaction dans les commerces ou chez les opérateurs touristiques. Nous avons tous vu ces derniers mois les plafonds de paiement sans contact augmenté tout en voyant disparaître le minimum d’achat à respecter pour utiliser le sans-contact. Cet essor du sans contact dans les transactions s’est directement traduit par une montée en flèche des équipements chez les commerçants ces derniers mois. Une étude de la société Sumup, reprise dans cet article, précise notamment pour le paiement sans contact que 64,5% des vacanciers l’ont utilisé cet été, contre seulement 38,5% durant l’été 2019.
Et demain qu’en restera-t-il ?
La confiance et la sécurité sont deux notions qui gravitent autour de ce « sans contact », qu’il soit sanitaire ou transactionnel. Deux valeurs qui trouvent un écho auprès des opérateurs du tourisme afin de maintenir un discours de rassurance auprès des clientèles, voire redéfinir sa raison d’être.