Un jour on m’a dit que je posais trop de questions et ce n’était pas quand j’avais 6 ans mais un peu plus tard vers la trentaine 🙂 . Alors, j’ai commencé à douter de la valeur des questions et à croire qu’elles n’étaient pas importantes. Mais quelques années plus tard, les questions ont refait surface.
aller au coeur des choses
C’est lors d’une réunion d’équipe, que les questions sont redevenues un sujet d’investigation . Cette réunion avait pour objectif de réfléchir sur la relation que nous entretenions en tant qu’Office de Tourisme avec les partenaires. Relation, que toute l’équipe jugeait à l’époque insatisfaisante alors même que beaucoup de changements avaient eu lieu pour l’améliorer (création de packs partenaires, visites terrain, ateliers numériques…). A ce moment là, aucune solution ne pointait le bout de son nez. Il nous a paru alors pertinent d’ aller explorer le cœur du problème. Nous nous sommes réunies et avons écrit en gros sur une feuille de paperboard devant nous notre première question :
1 – La question initiale (l’ordre du jour) :
“Pourquoi les partenaires ne comprennent-ils pas tout ce qu’on peut leur apporter ?”
Après avoir passé la réunion à nous poser uniquement des questions, avec l’interdiction d’apporter de réponses au problème, nous sommes arrivées à NOTRE GRANDE QUESTION :
2 – La question Finale (au bout d’une heure de réunion) :
“Comment modifier l’image de notre Office de Tourisme perçue par les socio-pros comme trop institutionnelle ?”.
Quand on compare les deux questions (au delà de leur pertinence ou non dans le contexte actuel), cela nous montre clairement que si nous avions travaillé tête baissée sur les solutions en réponse à la question initiale, sans passer par cette réflexion, nous aurions pris une toute autre direction.
LE LEAder invisible
Trouver cette nouvelle question nous a apporté plusieurs apprentissages :
- Une belle claque : au moment où nous avons été face à cette question finale, il y a eu un (long) moment de silence dans l’équipe. Cette question nous a surprise, on ne s’y attendait pas. Elle est apparue comme une évidence, que nous ne pourrions désormais plus ignorer.
- Une porte d’entrée différente : on voit bien que la question initiale pouvait sous-entendre (à demi-mot) que la responsabilité était aussi chez les socio-pros car ils ne comprenaient pas à quoi on servait ….La question finale, quant à elle, nous a obligées à regarder notre propre responsabilité face à la problématique et nous avons du admettre qu’il fallait changer quelque chose chez nous et pas chez les autres…
- Des solutions qui ont ensuite coulées de source. Trouver les actions à mettre en place a été ensuite assez facile. Le sujet était posé, il n’y avait plus de doute. Si on prend un peu de hauteur, on voit bien que trouver de nouvelles idées n’est pas le plus compliqué. Le web regorge de solutions. L’enjeu est finalement d’identifier ce que l’on cherche pour ne pas se perdre dans les méandres des possibilités.
MAIS une des plus belle découvertes a été que cette question a fonctionné comme un VERITABLE LEADER . Nul besoin de devoir sans cesse réexpliquer à chacun ce qui devait être fait, la question était imprégnée en nous et fixait naturellement le cap. Je dois admettre aujourd’hui avec du recul que cette question avait bien mieux fait le travail que tout ce que j’aurais pu mettre en place en tant que manager (en matière d’objectifs, de planification d’actions, d’information sur le sujet….). A méditer 🙂 !
Pourquoi ne posons-nous pas de meilleures questions ?
Parce que nous avons pu prendre l’habitude :
- de nous précipiter sur la résolution de problème ou le partage de nos idées , sans même avoir pris un moment pour être certain d’avoir bien compris la problématique.
- d‘aimer contrôler les situations. Cela demande en effet du courage d’aller vers l’inconnu car on ne maîtrise pas les portes de sortie.
- de percevoir notre rôle au travail à partir de croyances issues du passé. Ces croyances qui valorisent notre travail quand on apporte des solutions, des choses concrètes. Ces croyances, qui se sont en parties forgées pendant notre scolarité, où nous avons été éduqués à apporter les réponses justes. Pendant toutes ces années, la formulation des problématiques était peu encouragée et ça, cela laisse un peu de traces…
Et c’est encore plus vrai quand on est manager et que l’on pense que notre performance sera jugée sur notre capacité à apporter des solutions. On croit qu’on est payé pour régler les problèmes plutôt que pour favoriser une réflexion constructive mais on peut aussi faire le choix de laisser cette croyance de côté et de voir toutes les perspectives offertes par de bonnes questions.
passer a l’ACTION
Si l’on a choisi de travailler dans le tourisme, c’est parce qu’on a une curiosité naturelle et une soif d’apprendre, n’est ce pas? Alors il devrait être assez facile de renouer avec les questions. La bonne nouvelle, c’est qu’il n’y a pas besoin de technique particulière. Il suffit d’un peu d’imagination, d’un chouïa de lâcher prise et d’une bonne dose d’audace et le tour est joué 🙂 !
Prendre le temps de poser de meilleures questions peut être utile pour :
- des moments en tête à tête : aider un collègue à formuler sa problématique, à avoir plus de clarté sur ce qu’il recherche est parfois une bien meilleure option que de lui apporter une solution toute prête, qu’il remettra peut-être en cause ou qui ne correspondra finalement pas vraiment à ce qu’il attend.
- les ordres du jour des réunions : Ne pourrait-on pas aller plus loin que d’inviter ses collègues à une réunion de « préparation de saison » mais en initiant un ordre du jour plus challengeant comme par exemple « Comment préparer ensemble cette future saison afin de satisfaire nos visiteurs tout en respectant le bien-être de toute l’équipe ? »
- la création d’un projet : en commençant par des questions sur le cœur du projet comme par exemple “Pourquoi c’est important de travailler sur ce sujet maintenant ?” “Qu’est ce qu’on essaye de faire à travers ce projet ? » « Quels résultats souhaite t-on obtenir quand tout sera terminé ? »….
Et puis si vous avez envie de passer à l’action en équipe pour challenger vos problématiques du moment, voici une proposition de déroulé s’appuyant sur « la méthode des 5 pourquoi ». Le déroulé est simple, il s’agit de commencer la réunion avec la question initiale, celle avec laquelle vous arrivez. Vous l’écrivez sur une grande feuille blanche devant vous (ou sur un tableau blanc virtuel si vous êtes en visio tel que jamboard sur la suite google drive ou sur le tableau blanc intégré sur zoom…) Ensuite vous continuez en posant la question du pourquoi « pourquoi cette question initiale » et les participants y répondent par une question (pas de réponse) et vous l’écrivez sous la première question. Vous continuez ainsi 5 fois de suite, voire plus si la question ne vous semble pas aboutie. Cet espace de dialogue doit être ouvert avec quelques règles : pratiquer une écoute profonde, entendre la voix de tout le monde et surtout accepter les moments de silence sans essayer de les combler. Vous arriverez à la fin de cette réflexion à une question qui compte vraiment pour vous et qui va au cœur des choses. Essayez, c’est assez surprenant !
pour finir
On sent quand on tient une bonne question car celle-ci va interpeller les participants, elle va les challenger, elle sera évolutive avec le temps mais elle restera toujours présente pour porter la réflexion et l’action. La bonne question, c’est souvent celle pour laquelle on n’a pas de solution là tout de suite et ça étonnamment c’est un indicateur de bonne question. Alors oui, les questions peuvent parfois perturber mais elles offrent tellement de nouvelles perspectives, que ça vaut la peine d’essayer. Alors et vous, quelles sont vos questions puissantes du moment ?