Pour la première fois de son histoire, la Norvège se dote d’une stratégie nationale du tourisme. Élaboré pendant la pandémie par les acteurs de la filière, le document s’adresse au gouvernement et recommande 23 mesures, identifiant les responsabilités de chacun.es.
Parmi les ambitions fortes affichées : Diminuer de 50% les émissions de CO2 du secteur d’ici 2030 (par rapport à 2019) et créer 43 000 nouveaux emplois (+25%).
Le message aux politiques mais aussi aux parties prenantes de cette stratégie est clair – ce plan est « For viktig for skuffen » – autrement dit, trop important pour être mis au placard.
Une stratégie élaborée par les acteurs de l’écosystème touristique
C’est dans un contexte d’urgence climatique, de digitalisation accrue et de pandémie mondiale qu’est née la volonté de créer une stratégie nationale pour le tourisme norvégien. Dès le départ, le tourisme est vu comme un écosystème : pour atteindre les ambitions fixées, il faudra une implication de tous les maillons de la chaîne – des associations aux ministères.
Il aura fallu plus d’un an pour organiser, rassembler et synthétiser les contributions (consultation en ligne, entretiens, ateliers) d’un large spectre de participants allant de représentants syndicaux, aux milieux universitaires en passant par les acteurs de la filière.
Le document final se veut une feuille de route commune à l’attention des différentes parties prenantes mais surtout du gouvernement. 23 mesures réalisables à plus ou moins court terme sont identifiées et préconisées. Chaque mesure stipule l’acteur / institution responsable de sa mise en place et de son suivi.
« Trop importante pour être mise au placard«
Remise au gouvernement en mai 2021, cette feuille de route s’est accompagnée d’un plan de communication national intitulé « For viktig for skuffen » – qu’on pourrait traduire littéralement par « Trop importante pour être mise dans un tiroir ». L’objectif est clair : rappeler aux politiques et acteurs locaux qu’ils sont attendus au tournant dans la réalisation et le suivi des 23 mesures préconisées.
Telle une flamme Olympique, la stratégie, imprimée en format XXL (et donc difficile à cacher dans un tiroir !) est partie en tournée dans toutes les régions du pays pour être présentée et signée par les OGD locaux, donnant ainsi le coup d’envoi à des réflexions de développement et des processus d’appropriation régionaux. Une réelle mobilisation des acteurs de l’écosystème touristique s’est créée autour de cette tournée.
Le prérequis de la priorisation des marchés pour atteindre l’objectif de réduction des émissions
L’une des ambitions phares de cette stratégie touristique est de réduire les émissions de CO2 du secteur de moitié d’ici 9 ans (niveau de 2019). Il est ajouté que l’empreinte carbone causée par le transport des visiteurs vers, depuis et en Norvège devra être réduite de 10% par an.
Parallèlement, la stratégie vise à augmenter les recettes touristiques, faciliter la création de nouveaux emplois dans le pays tout en veillant au bien-être des populations locales et à une satisfaction accrue des visiteurs. C’est pourquoi le sous-titre du document remis au gouvernement s’intitule « Big impact – Small footprint».
Si un nombre de mesures sont proposées pour atteindre ces objectifs, il est rappelé qu’un des prérequis de la stratégie passe par le choix de clientèles prioritaires dans le travail de positionnement du pays à l’étranger. Pour atteindre leurs ambitions, les acteurs du tourisme devront prioriser les marchés à forte valeur ajoutée et à faible impact carbone.
Klimasmart – un calculateur de développement de marché
Afin d’aider les acteurs dans leur travail de positionnement, la stratégie recommande le développement de l’outil « Klimasmart ». Cette solution projette de mettre en relation les données disponibles sur les émissions causées par le transport des voyageurs (voir ci-dessous) et la valeur créée sur le territoire afin d’aboutir à un indicateur de consommation touristique par kg de C02 émis pour chaque marché.
Un tel outil permettrait alors aux acteurs et décideurs du tourisme de mieux appréhender la relation entre consommation touristique et impact climatique et par conséquent, de faire des choix de positionnement de marché plus documentés. L’idée est à long terme d’affiner cet outil pour intégrer davantage de données comme la saisonnalité, le type de vacances ou encore le mode de transport des différentes clientèles.
Cette solution est une prolongation de l’outil « CO2rism » mis en place en 2020 par Innovation Norway et qui mesure le poids CO2 des différentes clientèles dans leurs déplacements vers, depuis et à l’intérieur du pays.
6 mois après – où en est-on ?
Alors que la Norvège a réouvert ses frontières, que les voyages internationaux reprennent, et que les vieilles habitudes reviennent au galop chez certains acteurs ; on peut se poser la question de l’avenir de la stratégie touristique du pays.
Il est difficile de prédire comment le secteur et les politiciens s’approprieront les mesures recommandées dans cette feuille de route commune. Il semblerait pour l’instant que ces dernières soient plutôt suivies au regard de l’agenda et du programme politique du nouveau gouvernement norvégien.
Cet exemple de stratégie nationale et la vision qui y est attachée peut entrer en résonnance avec des questions plus fondamentales autour de la notion de croissance et la définition de valeur. Au-delà de ces interrogations, cette initiative reste un bel exemple d’action concertée, se servant d’une crise sans précédent pour repenser un modèle enraciné et mettant l’enjeu environnemental au cœur de la problématique touristique.