Dans un contexte où l’Europe de la donnée s’organise via le projet GaiaX (et potentiellement le hub tourisme Themis), où la digitalisation des opérateurs touristiques et leur maturité numérique s’accélèrent, où les grands projets nationaux ne semblent pas accorder un intérêt particulier à la data touristique collectée par les institutionnels, où ces derniers peinent globalement à s’approprier les enjeux, la question se pose clairement.
Peut-on objectivement continuer à mobiliser de non négligeables ressources financières et humaines sur ce sujet pour simplement alimenter un site internet dont l’apport vers les acteurs est discutable, pour poser deux/trois stats liées à l’offre sur un ppt à l’occasion d’une Assemblée Générale ou encore libérer des données à la qualité douteuse auprès d’inconnus ?
Alors on abandonne, ou on considère que les OGDs sont historiquement les « fournisseurs officiels d’informations touristiques », qu’ils ont un rôle à jouer demain dans le monde de la data et qu’ils sauront relever ces défis ?
Tour d’horizon des ENJEUX !
LA QUALITE
Souvent décriée par les entreprises/startups amenés à exploiter les données, il apparait nécessaire de repenser et optimiser les process de production, d’enrichissements et d’évaluation des données. En premier lieu, le rôle dévolu aux OTs dans cette tâche ingrate. Ne serait-ce pas plus opportun et gratifiant d’affirmer un rôle de proximité et de migrer vers des métiers d’accompagnement des acteurs à la production de data plutôt que de remplir de sots formulaires ?
Aider donc les acteurs à produire un éditorial soigné et des visuels attractifs mais aussi faciliter les mises à jour. La solution Hubo proposée par Dahub ou OpenEdit éditée par Hotentic s’inscrivent pleinement dans cette démarche. Elles facilitent cette mise à jour de données en scrutant les changements opérés sur Internet (réseaux sociaux, sites d’avis, sites internet …). Dès lors les Offices de Tourisme peuvent d’enrichir leur base de données sans ressaisie.
Par ailleurs, l’enrichissement de ces data via des sources de données complémentaires et externes est crucial, notamment via un module de traduction et des données liées aux tarifs et disponibilités. Toute data pertinente produite hors du SIT doit pouvoir être identifiée et reliée.
L’objet est aussi d’engager des campagnes de prospection pour convaincre les nombreux acteurs (et notamment ceux du locatif) hors du réseau institutionnel de toute la pertinence des offres de services portées par les OTs/CDTs/CRTs.
Enfin, un monitoring de la qualité des fiches doit être intégré. Cette évaluation fine vise à détecter les imperfections et manques dans les fiches mais devrait également servir comme indicateur conditionnant leur diffusion.
Un tryptique donc ENRICHISSEMENT-PROSPECTION-EVALUATION au service de la qualité.
L’INTEROPERABILITE
L’interopérabilité fait référence à la capacité des systèmes d’information touristiques à échanger des données et à permettre le partage des informations. Il est déterminant de pouvoir lier aisément des data (données froides ←→données chaudes, données complémentaires comme la météo, la culture ou le transport) et de favoriser la création de services en facilitant leur exploitation. Sur ce volet, les points de progrès sont grands (quand on voit notamment les coûts exorbitants à développer et maintenir des passerelles).
Il certainement temps d’installer un conseil national des données compétent en matière de standards de données. Ce point est fondamental.
LA MONETISATION
Au delà des obligations légales d’ouverture de données publiques, renforcées en 2016 par l’entrée en vigueur de la Loi pour une République Numérique, la question de la monétisation des données demeure un sujet non résolu pour les organismes de gestion des destinations. Il est plus que temps de poser collectivement le.s modèle.s économique.s et de s’équiper d’une solution de Data Market Place (commercialisation de données enrichies). Un Data Market place, accessible à tous, où chacun peut exposer, vendre, acheter, diffuser, de la donnée, touristique ou non, liée ou non, produites par les SIT des différentes régions, pour des usages visant à créer de l’économie dans les territoires et destinations touristiques, tant au niveau national que local.
Assurément des pistes de revenus complémentaires pour les institutionnels en retour des efforts consentis dans la production des données et l’acquisition de SIT. Aucun modèle n’est durable s’il n’est pas financé, la question clef repose sur l’évaluation de la valeur d’une donnée et n’oublions pas que là, c’est le marché qui décide. De l’intérêt donc de disposer de data à très forte valeur ajoutée, riches, qualifiées voire exclusives.
LA SOUVERAINETE NUMERIQUE / LA GOUVERNANCE
Le contrôle de données est intrinsèquement lié à la souveraineté numérique. Prendre le contrôle sur les données et le leadership sur l’interopérabilité, c’est aussi affirmer sa souveraineté et dépendre dans une moindre mesure d’acteurs externes. Le projet européen Gaia-X oeuvre notamment dans la création d’un espace visant à faciliter la circulation de manière sécurisée des données (à voir comment le Hub Tourisme prendra forme).
Une gouvernance partagée et collective apparait être la clé pour éviter des démarches isolées, non concertées et pouvant donner lieu à des positionnements totalement différents concernant notamment la question de la monétisation.
Et maintenance, quelle VISION ?
3 forces en présence (ne sont pas représentés ici les purs éditeurs de SIT dont la vocation est autre) :
DataTourisme porté par ADN
Avec 96 départements couverts, plus de 420 000 POI publiés et 15 millions de téléchargements de données par mois, DATAtourisme est LA plateforme OpenData du Tourisme en France. Le financement du projet repose uniquement sur des fonds publics et présente notamment les atouts suivants : une réelle qualité d’animation de réseau et un travail remarquable sur une ontologie réutilisable par tous, qui vise à faire autorité en France mais aussi à l’échelle européenne (en gros le langage universel pour décrire les points d’intérêts). Le dispositif développe également des services à valeur ajoutée tels que la traduction automatisée des données et un monitoring qualité permettant aux territoires d’améliorer la fiabilité et la qualification de leurs informations.
plus d’info : DATAtourisme > Le site officiel de présentation du dispositif OpenData
Apidae Tourisme porté par la SCIC éponyme
Apidae Tourisme est une société coopérative, avec près de 200 sociétaires, publics et privés, dont la vocation concerne la mise à disposition de services (produit par Apidae ou par les 500 partenaires de l’écosystème) afin de favoriser les usages de la Data dans les territoires et de créer plus de valeur pour toutes les parties prenantes.
plus d’info : Apidae Tourisme – Accueil – L’information touristique (apidae-tourisme.com)
Alentour, lancée par la Banque des Territoires (initié le gouvernement mi-2020 dans le cadre du plan de relance en faveur du tourisme)
La toute récente plateforme Alentour connecte les professionnels des activités de loisirs avec des hébergements touristiques et les offices de tourisme pour que les voyageurs puissent aisément consulter l’offre de loisirs disponible dans les environs et réserver facilement la visite ou l’activité souhaitée. La présence d’un partenaire comme Dawex démontre l’ambition d’Alentour d’exploiter son propre Hub de données et d’apporter un cadrage réglementaire pour le partage et la monétisation sécurisés des données.
plus d’info : Alentour, plateforme de loisirs de proximité : alentour.fr
EN CONCLUSION
Comme le soulignait récemment Arno PONS (Digital New Deal) lors de l’évènement « (R)Evolution du tourisme : le nouvel enjeux des territoires » organisé par la Banques des territoires, la valeur c’est le réseau, tout le réseau, rien que le réseau…L’enjeu est de créer un réseau de taille compétitive face aux GAFA en coopérant. La seule issue est la coopération.
Même si les modèles (et les moyens) sont différents, gageons donc que ces 3 acteurs sauront collaborer efficacement au service des opérateurs touristiques et des territoires. Vers un BigDataHubTourisme enrichi qui satisfasse efficacement les enjeux précédents, notamment :
-un modèle économique vertueux et éthique pour les institutionnels et les utilisateurs des données
-une data ultraqualifiée enrichie par de nombreux connecteurs issue des principaux éditeurs/pms du marché (et qu’on permette une bonne fois pour toute aux entreprises de développer des nouveaux usages en s’appuyant sur ces flux de données sans redévelopper de chronophages et coûteuses passerelles)
-une plateforme sécurisée qui saura s’appuyer à terme sur un cloud européen et enfin s’affranchir de l’hégémonie des solutions américaines ou chinoises
-une hub de référence unique soutenu par un riche écosystème et une gouvernance partagée : institutionnels, fournisseurs de services, acteurs touristiques, monde académique,…etc
………..au risque de voir purement et simplement nos SITs disparaitre !