Ce titre ! Il fait zizir celui-là. Comme il est probable que les expressions « je suis sous l’eau », ou encore, « je suis sous l’eau dans les rapides de mon agenda dégoulinant d’alertes et de notifications » soient d’actualité, Keep cool ! Je vous fais un résumé en 5 points.
- Nous avons des modèles basés culturellement et historiquement sur un mode de production linéaire : extraire, fabriquer, consommer, jeter. Il se base sur les notions de propriété et de volumétrie. Tourisme ou pas, on baigne dedans (pensez à vos brochures).
- Depuis un temps certain maintenant, l’économie circulaire vient proposer un modèle plus abouti pour l’avenir du vivant et de nos relations. Il intègre : réparation, réemploi, refabrication, recyclage (pensez aux brochures).
- Avec la circularité, qui ne peut cependant pas être infini, il est possible d’imaginer d’autres modèles. Ces modèles nous amènent à sortir de la notion de propriété de biens pour aller vers la performance de l’usage (pensez à des brochures).
- Changer son modèle économique pour l’orienter sur l’usage de biens et de services et non pas sur la production de biens et de services : c’est l’économie de la fonctionnalité. Un modèle en émergence pour les entreprises, tourné vers une logique servicielle. C’est un modèle en émergence aussi pour les territoires en créant de la valeur via les interactions entre entreprises, collectivités et associations citoyennes / consommateurs. Ainsi, on parlera de « l’économie de la fonctionnalité et de la coopération » pour que les parties prenantes poussent ensemble vers la performance d’usage sur le territoire.
- Dans notre secteur du tourisme, quelles formes cela prend ? Qu’est-ce que cela questionne ? Je vous donne la conclusion à ces deux questions aussi, pour aller plus vite : tout et rien. Cela dépend si vous sentez ou pas que le modèle prédominant, en pilotage automatique, vacille.
Economie circulaire, ça bouge de plus en plus fort
Au sein de la passionnante thématique de l’Économie circulaire, le fait touristique occupe une place assez minime dans la littérature. Cependant de nombreux exemples pratiques s’essaiment. Ils sont stimulés par des pionniers convaincus, la dynamique de fond sur la transition durable, les connexions qui arrivent à grandes enjambées avec la Responsabilité Sociétale des Entreprises ou encore par la recherche de nouveaux modèles (vertueux puis résilients à souhait tant qu’ils font des rebonds innovants).
En tout cas, le concret est là, avec méthode et résultats. La gestion de l’eau, de l’énergie, des textiles et des mobiliers au sein des hébergements touristiques ou encore la gestion des déchets et du gaspillage alimentaires dans les restaurants en sont des exemples.
A titre de veille, vous pouvez …
- Vous immerger dans la collection de webséminaires récents « Économie circulaire et tourisme durable » proposée par le trio Région Bretagne, CRT Bretagne et Sensation Bretagne.
- Vous plonger dans le voyage des fondateurs de CirculR qui recense une centaine d’initiatives liées à l’économie circulaire dont certaines sont reprises dans cet article.
- Vous informer sur le Conseil national de l’économie circulaire, dont est dotée la France depuis fin 2021, et qui veillera à la bonne application des récentes lois votées comme la loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire ou la loi Climat et Résilience
- Vous noter que ce sujet est aussi scruté parmi les variables à analyser au sein de la commission prospective d’ADN Tourisme (un coucou de circonstance à Emmanuel, Pascale, Paul et Jean-Luc qui planchent à mes côtés sur le sujet).
Ça bouge donc et c’est bon à savoir que 84 % des définitions de l’économie circulaire sont aujourd’hui techno-centrées. C’est-à-dire qu’elles misent sur les progrès techniques et technologiques, « l’innovation » des puristes, pour modifier le modèle de production existant et ses travers. A côté, la définition de l’Ademe prend en compte des dimensions sociale et territoriale plus fortes :
« L’économie circulaire peut se définir comme un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement tout en développant le bien être des individus. »
Cette définition s’appuie sur un schéma de référence (ci-dessous) et ce dernier peut laisser penser à une circularité infinie du modèle. Cette circularité amène lui aussi débat. Dans le débat du débat du débat de la définition, je vous propose don qu’on s’arrête là (ou là du coup).
Le sens profond de son utilité en question
Dans toute cette production, c’est l’économie de la fonctionnalité qui me questionne beaucoup pour ce qu’elle a à offrir sur les territoires touristiques. En effet l’économie de la fonctionnalité est avant tout un exemple de modèle économique (cette vidéo est assez instructive). Il se base sur la vente d’une performance d’usage au lieu de la simple vente d’un bien ou d’un service. Ce principe casse les codes de la propriété et des modèles de production basés sur la volumétrie pour tenir les équilibres financiers.
Par la réflexion sur les usages, l’économie de la fonctionnalité influe sur :
- les modes de vie et de travail,
- la transformation des activités des entreprises et des collectivités,
- le développement de coopérations territoriales économiques.
Cela ne cocherait-il pas les cases d’une bonne partie des raisons d’être de nos organisations ou du moins des intentions de diverses feuilles de route ou schémas touristiques ?
L’économie de la fonctionnalité et de la coopération oblige consciemment ou inconsciemment à recentrer l’organisation / l’entreprise sur sa raison d’être profonde, son utilité. Deux exemples simples illustrent fréquemment l’économie de la fonctionnalité et mettent en exergue la désynchronisation entre la raison d’être profonde de l’entreprise et son modèle prédominant :
- Quand le constructeur automobile vend de plus en plus de véhicules avec de plus en plus de technologie embarqué, l’individu lui, il souhaite résoudre un sujet de mobilité.
- Quand le chauffagiste base son modèle sur la vente de chaudières, l’installation et les contrats de maintenance, l’individu lui, il souhaite avant tout un confort thermique chez lui.
- … Quand l’institutionnel du tourisme court vers son autofinancement par injonction de rationalité budgétaire, l’usager lui, il cherche à passer du bon temps sur son temps libre.
Bon, et le tourisme ?
L’économie de la fonctionnalité se retrouve en grande partie dans le modèle d’économie du partage. Ce modèle s’est profondément ancré dans le secteur de la mobilité, de l’hébergement, et bien d’autres. Là encore, les modèles ont divergé pour s’entrechoquer et brouiller les pistes entre l’économie des plateformes et (la réelle) économie du partage. A ce titre, la renaissance du Bedycasa est en marche, bientôt sur Ulule. La solution Trippez, répond aussi à ces enjeux d’usage, plutôt que de possession, autour d’une offre de location de matériel de sport, entre particuliers.
L’article de lundi sur le sens et les usages de l’accueil d’un office de tourisme fait écho. Au même titre que de se rappeler de l’initiative de l’OT Béarn des Gaves qui permettait aux visiteurs de venir rendre leur brochure avant de partir de la destination afin qu’elle soit réutilisée.
Dans l’article sur les rôles prédominants des institutionnels du tourisme pour soutenir le tourisme et l’économie de proximité, deux rôles majeurs sortaient du lot : celui assurant la mission pilier de mise en réseau des acteurs locaux, puis celui de militant. Ces deux rôles ont pour but de garantir des interactions, des créations insoupçonnées de valeurs, tout maintenant un équilibre pour le cadre de vie du territoire.
Avec l’économie de la fonctionnalité et de la coopération, le rôle des organismes de tourisme se consoliderait comme un acteur fédérateur de dynamiques locales tournées sur la performance des usages sur son territoire et non pas sur la performance de son attractivité quoi qu’il en coûte.
Sources :
Vers une économie de la fonctionnalité à haute valeur environnementale et sociale en 2050 (Ademe)
Institut des territoires coopératifs : 5 clés pour mettre en place des écosystèmes coopératifs territoriaux
Caisse des dépôts : L’économie de la fonctionnalité et de la coopération : vers un nouveau modèle économique ?