Clientèle de proximité, une priorité pour de vrai ?

Publié le 13 avril 2022
8 min

Où en est-on sur la clientèle de proximité ? Bien présente depuis des lustres, redécouverte à l’occasion des restrictions de déplacement de la crise Covid19, en adéquation avec l’idée d’un tourisme plus équilibré et des voyages moins carbonés, la « proximité » tend à s’ancrer un peu plus durablement dans les stratégies des destinations et opérateurs privés. Tour de quelques leviers d’actions.

Ne parlons pas proximité sans parler climat, distance, MOBILITÉ, HABITANTS, réservations

La proximité ne peut se penser sans le duo « distance / temps » et donc sans le sujet des transports et des mobilités pour venir ou sur place. Sur le sujet, je ne peux que vous invitez à lire l’article du mois sur les préconisations de Shift Project sur le voyage bas carbone.
En tout cas, avec les nombreuses dernières études sur l’impact environnemental de l’activité touristique, j’ai fini par me faire un rappel mémo-technique : 747 ! En référence aux gros gros zavions.
Parmi les 7 champs d’activités pris en compte par l’étude de ADEME sur le bilan des GES du secteur touristique, le transport aérien représente 41 % des émissions et la grande famille mobilité représente à elle seule 77 % des sources d’émissions des GES.

La distance joue son rôle pour définir sa propre limite à la notion de proximité. Les événements récents peuvent aussi avoir un impact sur le périmètre que l’on se donne à la proximité et sur les perspectives de vacances directement. L’étude récente du groupe VVF, reprise ici et ici, indique que 37 % des Français ayant prévu de partir en vacances partiront moins loin à cause de la hausse du carburant.

C’est donc le moment tant attendu de ressortir les cartes isochrones quand on cause proximité, nouvelle formule avec le prix de l’essence:

Surtout, repenser sa stratégie de proximité, c’est aussi changer de modèle de réflexion, notamment avec l’habitant qui participe pleinement au tourisme par ses rôles d’offreur, d’accueillant, de consommateur, d’influenceur, de citoyen. C’est aussi et surtout un modèle de réflexion différent en focalisant notre attention sur les 40 % de Français qui ne peuvent partir pas en vacances.

En tout cas, la proximité, ce n’est pas nouveau mais il y a un intérêt renouvelé. Le contexte est favorable mais l’enjeu est d’inscrire la « proximité » sur une stratégie de long terme. Elle propose des enjeux majeurs aux territoires et à ses acteurs car l’offre doit être en adéquation avec les clientèles de proximité d’excursionnistes locaux, de courts séjours, d’opportunisme météo-sensible. Au-delà de les attirer, il s’agit de fidéliser sur le plaisir de sortir, de redécouvrir son bassin de vie ou celui de ses voisins à 2h. Cela change aussi certaines opérations marketing. C’est le cas par exemple à Bordeaux où un espace en plein centre-ville peut être loué et aménagé comme un pop-store, aux couleurs d’une destination, pour être au plus près de ses voyageurs de proximité. Saint-Emilion (50min de voiture) ou encore par exemple la Vienne (1h20 de train jusqu’à Poitiers) ont pu déjà prendre leur quartier pop-up club.

Cependant, blog etourisme oblige, il va de soi de rappeler que toutes ces préoccupations sur la clientèle de proximité réponde quand même aux mêmes fondamentaux d’avoir des offres visibles en ligne, bien valorisées en respectant tous les codes webmarketing répétés pour être bien racontés commercialisés le cas échéant. Ce qui change et qui s’ancre fortement, c’est que les réservations d’ultra dernière minute se font légion et côtoient aussi les réservations prématurées. Ainsi l’étude Expedia, reprise ici, analyse que plus le voyage se fait à proximité, plus la réservation est tardive.

Bon alors, comment intégrer dans la durée les potentialités de la clientèle de « proximité » ? Pas de recette miracle si ce n’est pas un axe stratégique fort mais déjà pas mal d’initiatives autour de cinq leviers d’actions.

Cinq leviers d’actions, parmi d’autres, pour le voyageur de proximité

L’habitant, maillon essentiel

Faire de mes habitants les premiers acteurs de ma destination n’est pas chose aisée. Les rendre fiers de leur lieu de vie est certainement un challenge de fond.

A Arcachon, ça passe par exemple par la promotion de l’offre locale auprès des habitants par le biais d’un programme de visites et d’ateliers exclusivement réservés aux Arcachonnais. Art, patrimoine, savoir-faire, bien-être sont au programme

Sur d’autres destinations, l’objectif va être d’enrichir l’offre et de la diversifier avec les habitants. A Montpellier, l’office de tourisme va plus loin en lançant un programme de fidélité aux visiteurs les plus assidus à leurs visites guidées. Il est clair que les locaux sont visés avec de nombreux avantages à la clé.

Et vous, c’est quoi votre projet d’hospitalité partagée ?

Le tourisme et les loisirs permanents

Faire une pause dans son quotidien sans planifier, sans partir loin… juste prendre soin de soi à côté de chez soi, voire chez soi. Proximité, tourisme, loisirs, c’est parlé d’espaces et de territoires partagés, entre celui de son quotidien et ce même espace dédié à la découverte, aux loisirs, aux événements. La Staycation que nous avons vu fleurir ces deux dernières années poursuit sur sa lancée et joue sur ce double usage d’un même espace qui vit (parfois) à toutes saisons.

Le tourisme permanent, c’est aussi la possibilité donnée de mixer moment de détente et de loisirs avec des moments de travail par la démocratisation du télétravail. Je mets bien sûr des pincettes à cet exemple car tous les emplois ne sont pas accessibles en télétravail et il reste aussi un chemin certain pour beaucoup d’organisations qui sont en phase d’adaptation pour prendre en compte ces façons de travailler. En tout cas, 52 % des Français estiment que le télétravail permet de partir plus fréquemment en vacances et de rallonger les week-ends.

Et vous, ça donne quoi votre offre quatre saisons pour un tourisme permanent auprès des clientèles de proximité ?

Tourisme lent …. RA-LEN-TIR

L’art de voyager en prenant le temps pour la découverte locale et la protection de l’environnement… c’est le slowtourisme que l’on voit ressurgir. Pour la clientèle de proximité, il y a un vrai travail de remodelage d’ offres souvent existantes mais pour lesquelles il s’agir de créer plus de liens et d’interactions réelles entre opérateurs des circuits courts alimentaires, des découvertes patrimoniales, de la culture, des mobilités douces, de l’artisanat. Il y a de la réinvention dans l’air, de l’entrecroisement d’acteurs pour proposer des alternatives de consommations des territoires plus calmes. Plus sobres.

A la croisée de constructions éco-conçues, de consommation raisonnée, voire minimaliste, et du monde de l’agriculture, nous avons par exemple Parcel qui installe et loue des tiny-house sur des parcelles d’agriculeurs et viticulteurs. Hébergement atypique, sur lieu atypique.

Et vous, c’est quoi votre offre singulière qui donne envie de faire 40 km ?

Tourisme actif

C’est un des paradoxes que j’aime bien : l’envie de se déconnecter, se reposer, de prendre le temps mais aussi l’envie d’être actif. L’offre d’activités et de loisirs est importante dans les propositions faites aux clientèles de proximité, surtout quand on sait que 66 % des Français ont eu une pratique sportive sur les 12 derniers mois. En séjour à 2-3h, comme à la maison, aller faire son footing, sa sortie vélo, faire son cours de yoga ou sa balade hebdomadaire prennent aussi leur place.

Avec Partir Ici, toujours en Rhône-Alpes Auvergne, Sport & Nature, Cultures et Découvertes, Détente & Bien & Être tiennent le haut de l’affiche dans les offres poussées par la web-app dédiée à la clientèle intrarégionale.

En Nouvelle-Aquitaine, la succes story c’est le geocaching avec Terra Aventura piloté par le CRT Nouvelle-Aquitaine. 96 % des joueurs ont pour principale motivation la découverte du patrimoine insolite et 73 % des joueurs sont de Nouvelle-Aquitaine ! Quand on compte une communauté de 2,5 mililons joueurs, ça commence à faire.

Et vous, quel terrain de jeu souhaitez-vous pour votre destination ?

Impliquer le voyageur

Consommateur et consomm’acteur ? La proximité joue un rôle dans le sentiment d’appartenance, sur le fait de se sentir concerné, de, parfois, souhaiter s’investir. Lors de la consultation pour un tourisme responsable en 2021, la proposition de « Développer un tourisme de proximité en lien avec le patrimoine local et les habitants » trouvait de l’écho. Dans les faits des exemples d’engagement sont visibles notamment dans les démarches de financement participatif autour du tourisme.
Tourisme et Territoires du Cher a notamment un compte sur KissKissBankBank où sont proposés des projets finançables par crowdfunding. Les porteurs de projets choisis sont soutenus et accompagnés pendant la campagne de financement.
Des projets touristiques mis en réseau, bénéficiant d’un accompagnement, éveillant la curiosité et rassemblant des financements de tiers contributeurs, c’est un bel exemple de nouveaux modèles engageants pour les projets touristiques locaux.

Pas de recette miracle

Pas de recette miracle pour le voyageur de proximité et cet article se complète avec celui de Brice « La proximité, chemin tracé du tourisme » ou encore sur un de mes précédents billets sur le « Tourisme de proximité et développement économique local« .

Cependant, ce regain d’intérêt est de plus plus ancré et questionne à bien des endroits le rôle du « tourisme » sur le territoire.

Il questionne ses cibles, leurs préoccupations, l’accès aux vacances et loisirs pour tous, son offre à adapter, et de fait son sens souhaité entre l’attractivité des territoires, le développement infini ou celui de l’équilibre des territoires auquel le tourisme contribue.

La clientèle de proximité, la consommation de proximité, l’économie de proximité, des sujets d’actualités et clin d’oeil aux Trophées Horizons 2022 de ATD dont la catégorie de l’année est justement le Tourisme de Proximité (jusqu’au 19 avril pour candidater)

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Stimuler, écouter, conseiller, animer, former, partager, apprendre... est mon quotidien professionnel appliqué au secteur de la formation et du tourisme. Il s'agit de favoriser l'adaptation des compétences, des missions et des organisations en perpétuelle transition. Depuis 2009 au sein de la Mission des Offices de tourisme de Nouvelle-Aquitaine (MONA), son directeur depuis 2020, les secteurs d'interventions et d'exploration évoluent continuellement : transition managériale, transition numérique, transition durable, marketing de services, [...]
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