Un sujet aux contours flous…
On dispose de beaucoup d’analyses et de conseils érudits sur le tourisme de masse, le surtourisme, ou encore l’overtourism (pour les mal-comprenants en Français). Le phénomène n’est pas nouveau car les envahissements de villes, les plages bondées, les sites naturels dévastés sont légions depuis plusieurs décennies avec le développement quantitatif effréné du tourisme.
On pourrait gloser longtemps sur la nature et l’importance de certains liens de causalités plus ou moins évidents pour expliquer l’acuité présente du phénomène : l’avènement des transports à faible coûts, le développement du pouvoir d’achat dans de nombreux pays émergents, la starification de nombreux sites par les réseaux sociaux, la communication personnelle autour du voyage comme outil de reconnaissance sociale avec son objet-totem : la perche à selfies, la volonté des élus de développer aveuglément la manne touristique sur leur territoire, la sensibilité accrue aux préoccupations écologiques, etc. Là n’est pas le propos de ce billet.
Force est de constater que le surtourisme fait florès un peu partout en recouvrant d’un même qualificatif des situations très variées qui révèlent des paradoxes parfois assez frappants. Par exemple, cent personnes croisées sur une randonnée de 10km en montagne suffisent à qualifier une « sur-fréquentation » qui dégrade l’expérience (voire le milieu naturel), alors que cent personnes à un concert dans une salle avec une jauge de mille spectateurs rendent l’expérience creuse voire même ratée. Un bar vide attire beaucoup moins qu’un bar très fréquenté (et croyez-moi, l’expérience de toute la rédaction est très solide en ce domaine !). Etc, etc.
Ces problématiques s’exacerbent aujourd’hui, et leur évaluation se fonde souvent sur des critères objectifs de plus en plus restrictifs (normes de sécurité, supportabilité des milieux naturels, préservation des écosystèmes, etc.). Un même stade pouvait recevoir 50 000 spectateurs dans les années 80 et aujourd’hui plus que 20 000. Il arrive qu’on considère aujourd’hui un site sur-fréquenté, alors même que sa fréquentation n’a pas augmenté.
Du côté de la demande, les « bruits » sociaux amplifient sans doute beaucoup la traditionnelle vox populi. Sans oublier l’impact des crises sanitaire et écologique sur les esprits.
Ce qui était acceptable hier ne l’est plus forcément aujourd’hui… Point de nostalgie ou de « c’était mieux avant » dans mon propos, mais simplement le rappel que le monde change, ce qui entraîne l’évolution de nos normes sociales et réglementaires, ainsi que la perception et le ressenti des populations locales.
Des réponses diverses et variées
Lors d’échanges récents avec quelques camarades sur le sujet du tourisme de masse, nous avons listé quelques réponses emblématiques comme par exemple :
- des collectivités qui aménagent des sites naturels autour d’une meilleure gestion des flux dans l’espace et le temps, des mobilités collectives, etc. (Pointe du Raz, Calanques de Cassis) ;
- des entreprises qui ne reviennent pas aux jauges d’avant COVID pour une expérience-client meilleure et subséquemment plus chère ! (Parcs d’attraction, sites culturels, etc.) ;
- des influenceur·euse·s qui décident de ne plus géolocaliser leurs photos de voyages pour s’inscrire dans une éthique plus respectueuse des milieux naturels ;
- des OGD (Organismes de Gestion de Destination, nos chers OT, ADT et CRT) qui (re)découvrent les vertus de la proximité en adaptant leur marketing, et l’importance de l’implication de la population locale dans l’accueillance ;
- des touristes plus exigeants en terme de valeurs ; le redémarrage en trombe du tourisme semble toutefois confirmer l’écart grandissant entre les bons sentiments des voyageurs exprimés dans les sondages et la réalité…
Quelques pistes de réflexion pour les destinations
Ce modeste tour d’horizon montre que chaque type d’acteur se préoccupe de trouver des solutions satisfaisantes et pérennes. Concernant les OGD, il me semble que certaines (r)évolutions s’imposent :
- proposer en temps réel aux visiteurs l’information concernant la « pression » touristique sur les sites sensibles et emblématiques de la destination.
Des expériences ont été menées, notamment avec des solutions comme Affluences ou Orange par exemple. Cette transparence, souvent mal comprise par des destinations encore focalisées sur le quantitatif, permet au visiteur d’organiser sa découverte en toute connaissance de cause. Elle ouvre également le champs à des dispositifs d’incitation pour visiter dans de meilleures conditions ou pour s’éloigner un peu des sentiers battus.
Elle sera sans doute une exigence pour des visiteurs-explorateurs en vue d’optimiser leur découverte. - adapter le design d’offre à une nouvelle typologie de séjour
D’un côté le séjour découverte qui se prépare de plus en plus en amont pour prendre en compte les contraintes de visites des sites emblématiques et qui nécessite sans doute une médiation plus importante, et de l’autre « l’aventure » hors des sentiers battus qui se décide (presque) la veille et ne manière moins formalisée. Beaucoup de destinations se sont déjà attelées au design de ces aventures locales et éthiques. - dans le marketing, jouer de la rareté plus que de l’abondance…
Quand des marques comme Adidas sortent des claquettes de piscine à plus de 100€ en série volontairement limitée et que des milliers de gens campent toute la nuit devant les points de vente pour être sûrs de les acheter pour eux-mêmes ou pour les revendre au double ou au triple du prix, je me dis que les OGD pourraient y trouver matière à réflexion pour positiver la rareté et en faire un privilège. - associer toutes les forces vives pour développer l’accueillance globale du territoire et accompagner ces résidents temporaires
- faire la pédagogie du séjour éco-responsable
- …
Bien entendu, ces quelques pistes ne sont pas exhaustives et ne sauraient constituer à elles seules une stratégie opérationnelle pour une destination.