Les traditions de l’Avent en Alsace
L’Alsace se caractérise par sa culture rhénane avec ses valeurs humanistes de partage et d’ouverture. Celles-ci produisent des traditions très vivaces, notamment autour de l’Avent. Par exemple, dès le début de la Renaissance, en Alsace, s’est forgée la tradition du sapin de Noël pour symboliser le temps de Noël et rassembler famille et amis. Ce sont les Alsaciens fuyant l’annexion allemande en 1871 qui ont disséminé cette tradition dans toute la France.
Pour ne pas alourdir ce billet, je vous renvoie vers le site noel.alsace et noel.strasbourg.eu pour découvrir cet univers de traditions séculaires.
L’ancrage social est ici bluffant pour qui découvre l’Alsace, et plus particulièrement ses villages. De très nombreuses familles décorent leur maison, ornent leur porte et leurs fenêtres, cuisinent des dizaines de sortes de Bredle (petits gâteaux délicieux), participent à des actions collectives pour préparer les fêtes (chant participatif, confections de crèches, etc.), déambulent sur les marchés de Noël pour acheter de nouvelles décorations pour le sapin ou la maison, se retrouvent sur un marché autour d’un vin chaud à la tombée de la nuit, etc.
La mise en tourisme proposée par « Noël en Alsace »
Au début des années 90, le Comité Régional du Tourisme d’Alsace a déclenché une vaste campagne de promotion autour de ces traditions de l’Avent pour développer la fréquentation touristique. La démarche mise en place représente sans doute unes des plus belles réussites françaises en termes de marketing touristique. Elle s’est appuyée, d’une part, sur une belle mise en réseau des acteurs avec le relais efficace et engagé des Offices de tourisme pour structurer et qualifier l’offre, et d’autre part, sur des campagnes de communication séduisantes et percutantes. L’Alsace est devenue rapidement un incontournable du mois de décembre.
Au mitan des années 2010, les problèmes sécuritaires et surtout le drame de l’attentat de 2018 ont mis en lumière les excès d’une certaine « disneylisation » de Noël en Alsace, notamment dans les grandes villes. À Strasbourg, les marchés se sont allégés de nombreux chalets pour mieux « respirer », de nouveaux petits marchés sont apparus pour valoriser d’autres espaces urbains, un marché « OFF » a été créé pour mieux répondre aux aspirations des habitants, etc.
Malgré une forte hausse de la fréquentation globale (sans doute plus de 20% depuis 2017), j’ai le sentiment, forcément subjectif, que l’expérience touristique s’est améliorée.
L’expérience touristique de notre visiteur-mystère
Arrivé le jeudi, j’ai emmené mon vaillant visiteur-mystère parcourir les marchés de Noël les plus connus du centre ville de Strasbourg. Une visite somme toute tranquille et agréable, sans aucun sentiment d’étouffement.
Nous y sommes retournés le samedi après-midi, et là, grosse fréquentation générant de véritables bouchons piétons forts peu agréables. Pour la première fois, j’ai pu voir la mise en place de sens uniques dans les rues piétonnes les plus fréquentées. Malgré ce dispositif surprenant et efficace pour fluidifier la circulation, l’impression générale s’est considérablement dégradée et nous avons battu en retraite assez rapidement.
Dimanche, direction le sud avec la visite de quelques beaux villages de la route des vins : Bergheim, Eguisheim et Kaysersberg, tous trois élus « Village préféré des Français » durant ces dernières années.
- Bergheim : très beau village presque désert car il n’y avait aucune animation annoncée ;
- Eguisheim : belle mise en lumière et joli marché de Noël ; beaucoup de monde mais visite agréable tout de même ;
- Kaysersberg : un des villages les plus fréquentés avec son célèbre marché de Noël chaque weekend de l’Avent.
Nous avons eu le bonheur d’arriver vers 19h, soit une heure avant la fermeture. Le plus gros de la foule était déjà reparti et la visite, nécessairement rapide, fut des plus agréables. Sans nul doute que l’impression eut été toute différente vers 17 ou 18h, tant la célébrité de ce marché de Noël draine une foule chaque année plus nombreuse.
Le lundi nous avons traversé le secteur des marchés de Noël de Strasbourg pour aller dîner sans rencontrer grand monde… Une très belle balade.
Smartphone au point le camarade visiteur-mystère n’a cessé d’immortaliser les vitrines, les chalets, les illuminations. Comme à chaque fois que j’accompagne des ami·e·s, je suis frappé par le regard admiratif posé que sur chaque illumination, l’enchantement devant le grand sapin… et l’engouement à célébrer le vin chaud et les Bredle ! Même si je n’y suis plus très sensible après tant d’années, force est de constater que la magie de Noël opère toujours et encore !
Alors tourisme ou sur-tourisme ?
Les chiffres de 2023 sont éloquents et nous parlent d’une situation de saturation :
- les 4 weekends de l’Avent proches de 100% d’occupation ;
- 3,3 millions de visiteurs à Strasbourg ;
- 5 millions de nuitées marchandes en Alsace ;
- etc.
Du coté du visiteur, l’expérience s’avère « féerique » en semaine et apparaît fortement dégradée les samedis et dimanches à cause de la fréquentation oppressante. Surtourisme ponctuel en quelque sorte, limité aux samedis et dimanches de 16 à 20 h.
Si mes calculs sont bons, cela représente 32 h de surfréquentation par an, soit 0,04 % du temps…
Du côté des habitants, le ressenti est contrasté, avec un mélange de fierté et de frustration :
- beaucoup d’habitants ressentent un « ras-le-bol » face à l’afflux massif de touristes le weekend, qui rend leurs villes moins fonctionnelles et agréables pendant la période des fêtes ;
- les résidents font face à des difficultés pratiques comme des routes congestionnées, des rues bloquées par les visiteurs, et des problèmes de stationnement ;
- les locaux doivent modifier leurs habitudes, comme partir plus tôt de chez eux ou se garer en dehors de la ville pour pouvoir vaquer à leurs occupations quotidiennes ;
- malgré les inconvénients, la population prend conscience de l’impact économique et réputationnel pour la région ;
- depuis quelques années les collectivités locales reconnaissent la nécessité de trouver un équilibre entre les avantages économiques du tourisme et la préservation de la qualité de vie des résidents.