Prendre les fonctions de directeur ou directrice d’un office de tourisme est une aventure passionnante. Les 100 premiers jours sont une période clé pour poser les bases d’une vision claire, instaurer une dynamique de changement et créer une relation de confiance avec l’équipe, les élus et les partenaires locaux.
Les débuts sont uniques et ne sont pas similaires d’un poste à l’autre, surtout lorsque c’est une première expérience sur des fonctions de direction générale. Ces trois premiers mois correspondent aussi et généralement à la période d’essai, mieux vaut être au rendez-vous pour éviter les déconvenues.
Depuis quelques semaines, j’ai le plaisir et l’honneur d’avoir pris mes fonctions en tant que directeur de l’office de tourisme intercommunautaire Beaune & Pays Beaunois. Un territoire d’exception, riche de son patrimoine, de ses vignobles prestigieux et de son art de vivre incomparable. Sur la base de ce premier poste de direction générale, j’aimerais partager mon expérience et les facteurs clés de réussite que j’ai identifié sur mes 100 premiers jours.

Savoir se présenter
« N’oubliez pas que vous n’aurez jamais de deuxième chance pour faire une bonne première impression », comme dit l’adage et c’est particulièrement vrai lorsque vous arrivez sur un nouveau territoire, personne ne vous connaît et réciproquement.
J’ai eu plusieurs occasions de me présenter lors de différents rendez-vous, par exemple lors du premier comité de direction ou lors d’une réunion technique avec les partenaires.
Aussi pour ne pas être dans l’improvisation, surpris ou hésitant, vous pouvez ébaucher un pitch sur le meilleur produit que vous connaissez : vous-même ! En quelques mots, vous pouvez partager votre parcours professionnel, expliquer vos motivations, pourquoi vous avez choisi ce territoire. Le discours devrait être aussi adapté en fonction du temps que vous aurez et du public : équipes, élus, prestataires, partenaires institutionnels. C’est un vrai exercice de communication pour lequel, il est pertinent d’identifier les deux, trois messages à faire passer, lesquels vont conduire votre prise de parole qui doit rester la plus naturelle possible.
Distinguer urgence et importance
L’une des principales difficultés du poste à laquelle je m’attendais et qui s’est confirmée, réside dans la gestion administrative du quotidien, notamment dans un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Même si ces missions sont essentielles, elles peuvent être consommatrices de temps et d’énergie au détriment de la dimension touristique du poste sur laquelle vous êtes attendu par ailleurs. Ainsi pour ne pas se noyer littéralement, la matrice d’Eisenhower est un outil pour distinguer les tâches en fonction de leur urgence ainsi que de leur importance, pour agir en conséquence (à faire maintenant, planifier, déléguer, abandonner). Parfois, je fais aussi simplement confiance à mon intuition 🙂
Rencontrer les équipes
Cela paraît être une évidence mais c’est encore mieux en le disant, faire connaissance avec son équipe est la première étape indispensable. Cela impose de programmer les rendez-vous à l’avance dans son agenda, à raison d’un certain rythme en fonction de la taille de l’effectif et de s’en tenir au temps imparti. C’est important aussi de clarifier son intention lors de ce rendez-vous. Par exemple, je me suis tenu à préciser qu’il ne s’agissait pas d’un entretien annuel mais d’une prise de contact pour appréhender les missions de mes collaborateurs en s’appuyant sur leur fiche de poste, comment leurs fonctions s’inscrivaient dans l’organisation globale, tout en m’engageant sur le caractère personnel et confidentiel de l’échange pour instaurer un climat de confiance. Cet exercice m’a permis de mieux comprendre l’organisation générale, les réussites passées et les défis actuels. J’ai été ainsi plus à l’aise à l’extérieur pour expliquer le fonctionnement de l’office de tourisme dans l’écosystème local, son rôle peut être vraiment différent selon le contexte touristique, économique et politique du territoire.
Organiser une conférence de presse locale
Avec l’aide de mon équipe et de ma présidente, nous avons convié les médias locaux (presse écrite, radio, etc.) autour d’un format apéritif pour faire connaissance et me présenter. C’est un très bon vecteur d’information comme ces supports sont régulièrement consultés par les habitants, professionnels du territoire. Nombreux sont ceux qui ont fait l’allusion sympathique à mon interview sur les médias locaux quand je les ai rencontrés pour la première fois. C’est aussi un exercice de communication auquel il faut vous préparer en anticipant les questions qui pourraient vous être posées.
Généralement la première partie concerne votre parcours, vos ambitions et votre nomination. Ici, j’ai pu recycler aisément tout le travail préparatoire à mon entretien d’embauche.
Les journalistes m’ont aussi interrogé sur ma vision du développement touristique du territoire. C’était un exercice un peu périlleux à ce stade comme je venais d’arriver… Sans prendre de risques, je me suis appuyé sur les atouts majeurs de la région et les nouveaux projets qui étaient dans les tuyaux. Avec le recul, je me serais encore mieux documenté sur les dossiers pour pouvoir donner des informations plus précises.
C’est un peu tarte à la crème mais vous pouvez aussi évoquer les enjeux actuels auxquels tous les offices de tourisme sont confrontés comme le tourisme responsable, l’intelligence artificielle. Enfin pour illustrer vos propos, je vous conseille de préparer quelques anecdotes, chiffres clés sur la fréquentation touristique, le montant collecté de la taxe de séjour, etc.
Rencontrer les acteurs du territoire
À mon sens, il y a deux questions principales à se poser : qui rencontrer et quand ?
Selon la taille du territoire et son tissu touristique, vous ne pouvez pas rencontrer tout le monde en même temps, sauf à blinder votre agenda de rendez-vous, au risque de ne pas pouvoir consacrer du temps sur les autres exigences de votre poste.
Il va falloir donc être stratégique et méthodique.
J’ai par exemple priorisé les membres impliquées dans la vie statutaire. C’est un bon début à compléter en fonction d’une dizaine de personnes supplémentaires qui comptent sur le territoire (partenaires financiers, têtes de réseaux, prestataires incontournables, etc.). C’est important aussi de partager cet agenda avec votre élu référent notamment lorsque vous allez rencontrer ses homologues édiles.
En termes de méthodologie, j’ai pris régulièrement des rendez-vous plusieurs semaines à l’avance pour éviter d’être pris au dépourvu compte tenu des nombreuses sollicitations par ailleurs. La question de la temporalité est un vrai sujet. J’allais dire ni trop tôt, comme vous aurez peu à dire, ni trop tard pour ne pas laisser supposer un désintérêt de votre part, une posture renfermée ou un manque de priorisation des enjeux. C’est important qu’un nouveau directeur se montre sur le territoire et aille à la rencontre des partenaires dès sa prise de fonction sans trop attendre.
Je continue depuis le début, dès que je peux, à participer aux assemblées générales, conseils d’administrations, groupes de travail organisés par les partenaires car ce sont des occasions de rencontrer les collègues en personne et de pouvoir prendre un rendez-vous ultérieurement dans un contexte plus intimiste.
Enfin, lorsque c’est possible je privilégie les rendez-vous chez les partenaires, principalement chez les prestataires, faire d’une pierre deux coups, rencontrer les acteurs et découvrir l’offre. J’ai été toujours très bien accueilli et c’est l’idéal pour prendre le pouls de la destination.
Une période de tolérance
Lors de ces différents rendez-vous, j’ai pu constater une période de tolérance supplémentaire de mes interlocuteurs qui ne s’offusquent pas de ma méconnaissance du territoire. Tout le monde a déjà vécu les débuts d’une prise de poste et se montre ainsi compatissant.
Profitez-en donc de ce laps de temps précieux qui n’est pas illimité ! Vos collaborateurs et partenaires seront heureux de témoigner de leurs connaissances et leur expérience. D’abord parce que vous vous intéressez sincèrement à leurs activités et aussi pour partager des intérêts communs, notamment celui de développer l’activité touristique du territoire dans les meilleures conditions Vous avez le droit de poser toutes les questions, même plusieurs fois tant que vous ne comprenez ou ne retenez pas les informations.
Plusieurs semaines se sont écoulées avant que je puisse réellement identifier les personnes et faire les premières connexions. C’est un peu comme un puzzle, j’ai appris à reconnaître les pièces avant de pouvoir commencer à les assembler et à constituer le tableau d’ensemble, et ce n’est jamais terminé.
S’appuyer sur les collègues du réseau
Le tourisme c’est une grande famille qui se retrouve généralement à différentes occasions lors de réunions, colloques, salons, etc. Votre réseau pourra être un allié précieux face au syndrome de solitude du directeur. C’est une solitude « normale » et spécifique au statut de dirigeant, même entouré de ses meilleurs cadres et collègues. Le directeur n’a pas d’équivalent dans l’entreprise, s’il doit privilégier l’esprit collaboratif, il doit aussi savoir décider tout en mesurant les conséquences sur l’écosystème y compris lui-même en tant que représentant légal.
Vos homologues partagent ce sentiment en y étant confrontés quotidiennement et ils ont aussi fait leurs premiers pas à un moment de leur carrière. J’ai pu expérimenter la solidarité bienveillante de mes homologues et écouter leurs expériences particulièrement dans mes premières prises de décisions. Je vous recommande de rejoindre le groupe Facebook « les accrocs du néo tourisme » : un espace de partage à destination des directeurs et directrices d’offices de tourisme des autres communes de France et de Navarre, les sujets abordés sont variés et toujours intéressants sur les retours d’expérience.
Un rapport d’étonnement
J’en parle aisément puisque dans mon cas, il s’agit d’une commande et d’un objectif à ma prise de fonctions. Comme je suis originaire d’une autre région, j’arrive avec un regard neuf qui peut encore s’étonner sur différents sujets. Avec le temps, cette vision neuve peut s’estomper en se laissant influencer par le contexte local avec une forme de fatalisme. C’est donc dans les premiers mois que je m’attelle à l’exercice.
Comme toute étude, il y a préalablement une phase d’audit et d’analyse des ressources internes et externes. En rencontrant les équipes et les acteurs du territoire, je fais émerger des sujets qui vont m’aider à réaliser un SWOT de la destination pour identifier les forces, faiblesses, opportunités et menaces. Je pense pouvoir décliner un SWOT pour chacun des grands axes prioritaires du développement touristique et de ses axes stratégiques (culture et patrimoine, pleine nature, gastronomie, tourisme durable, œnotourisme, etc.).
Bonus : j’ai souscrit un abonnement payant sur un logiciel de prise de notes qui se synchronise sur tous mes appareils, ainsi je garde une trace de tous mes échanges. Je conseille par exemple Evernote ou OneNote.
De cette analyse, je pourrais ainsi modéliser des préconisations en interne (formation, organisation, outils de communication, création de nouvelles offres, etc.) et en externe (partenariats, enjeux de développement stratégiques, projets collectifs, etc.).
S’autoriser du temps pour des formations
Les fonctions de direction nécessitent de maîtriser tout un panel de connaissances sur l’ensemble des métiers de l’office de tourisme. J’oserais faire le comparatif avec du covoiturage, vous êtes au volant, votre équipe parmi les passagers, aucun n’accepterait que vous conduisiez sans cours et permis de conduire.
Par exemple, entre le fonctionnement (privé) d’une société publique locale (SPL) et le fonctionnement (public) d’un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), il y a de nombreuses différences et une forme de technicité qui ne s’improvise pas, autant acquérir des bases solides en formation plutôt que tout apprendre « sur le tas » et s’éviter la prise de décision hâtive. Par exemple, je me suis inscrit à des formations sur des sujets spécifiques que je méconnaissais comme la comptabilité publique M4.
Le temps passé en formation peut vous apparaître comme une perte de temps à court terme, mais en étant formé vous gagnerez du temps sur le long terme et serez plus à même de comprendre, analyser et ainsi prendre les bonnes décisions.
L’importance de la posture
En tant que directeur ou directrice, nous nous devons d’être inspirant, exemplaire et ainsi adapter notre posture en fonction du contexte.
En arrivant, c’est la phase d’observation et de compréhension, où nous devons savoir prendre le temps d’écouter et d’analyser avant d’agir. La posture d’écoute, d’humilité et d’ouverture est essentielle. Par exemple, sans juger immédiatement ce qui existe, ou chercher à recycler systématiquement les bonnes recettes éprouvées ailleurs, en s’attachant à comprendre ce qui fonctionne (ou pas) et pourquoi.
Ensuite, pour mettre en œuvre le rapport d’étonnement ou les décisions, le leadership collaboratif est un atout majeur. Concrètement, c’est une bonne initiative d’impliquer les élus, les collaborateurs et les partenaires dans l’élaboration de la stratégie pour renforcer leur engagement. Faire preuve de pédagogie et de transparence dans vos décisions pour favoriser l’adhésion.
Enfin, lors de la phase d’actions et d’ajustements, il faut savoir être inspirant en partageant une vision claire et mobilisatrice : valoriser les succès, ajuster les stratégies et incarner le changement pour motiver l’équipe. Rester agile et à l’écoute des retours pour ajuster le plan d’action si nécessaire. Être exemplaire dans son engagement, ses valeurs et son implication quotidienne.
Mon meilleur conseil
Enfin, tous ces conseils restent théoriques et nous sommes tous des êtres humains imparfaits. Le meilleur conseil que je me répète quotidiennement et que je voudrais vous partager c’est celui du quatrième accord toltèque, « fais toujours de ton mieux« , lequel m’encourage à agir avec mes ressources et capacités du moment, en acceptant que mon mieux fluctue et en évitant de me mettre la pression pour répondre aux attentes des autres.
🔹 Et vous, quels sont vos conseils pour vos 100 premiers jours en tant que directeur(trice) d’office de tourisme ? Partagez votre expérience en commentaire !