Accueillir, c’est si difficile ?

Publié le 18 mars 2019
11 min

Pour une bonne moitié des français, c’est à peu près aussi difficile que de l’écrire sans faute d’orthographe semble-t-il 😉

Et dans notre univers touristique, on a sûrement encore pas mal d’efforts à faire pour faire de l’accueil une « biiiiiiip » réussie (« biiiiiiip » remplacera désormais le mot « expérience » dans tous mes futurs billets).

L’accueil, ça commence très tôt et cela s’anticipe !

En fait, dès que je vous découvre, votre destination, votre prestation, vos services, en ligne sur votre site, vos réseaux sociaux, au téléphone, derrière un email… Le tout premier contact que j’ai, parfois à votre insu, sans que vous n’en ayez connaissance, est déjà un premier acte d’accueil.

« On n’a qu’une seule chance de faire une bonne première impression. »

Est-ce que votre façon de vous présenter, de me parler, m’écrire est bien raccord avec l’éventuel accueil physique que vous me réserverez par la suite ? On se tutoie, on se vouvoie, on est léger, drôle, sérieux, … c’est toute votre ligne éditoriale qui doit transparaître finalement, quel que soit le support utilisé.

Dans le secteur de l’hébergement, ce premier échange est souvent constitué par une demande d’informations, ou directement la réservation, puis sa confirmation, et franchement, il y a encore un peu de travail pour personnaliser.

Dans la famille demande d’informations, je vous donne le gîte pour débuter :

Toujours sympa ces échanges d’email dans lesquels la plate-forme vous identifie vous et votre potentiel hôte par un n°… J’ai toujours un peu de mal aussi avec ce forfait électricité, et comme probablement 90% de la population j’ignore totalement ce que représente une consommation de 8kwh/jour, et ce que pourrait me coûter une surconsommation.

Et on me propose un contrat Gîte de France, puis un lien vers Abritel pour plus de détail, pourquoi pas…

Les outils de réservation, eux, sont rarement fun, il faut bien l’avouer… On me demande beaucoup d’infos alors que mon nom, mon prénom et mon email seraient bien suffisants ! Allez, un n° de CB pour ceux qui veulent vraiment sécuriser, on comprendra. Un n° de téléphone pourquoi pas. Mais que faites-vous donc de mon adresse postale, alors que vous ne m’écrirez jamais, et que bien peu opèrent des statistiques sur ces données, que vous pourriez d’ailleurs collecter plus tard ? Et certains continuent de demander un n° de fax (le bug de l’an 2000 a bel et bien existé en fait, certains sont restés bloqués !), un tél fixe personnel et professionnel, j’en passe et des meilleures.

Une mention pour Okko Hotels qui est l’un des rares à s’autoriser un peu d’humour durant ce fastidieux processus…

Viens ensuite la confirmation de réservation ! Là aussi, c’est un moyen d’en dire un peu plus à notre client, de lui donner l’eau à la bouche, de le mettre dans les meilleures dispositions. Pourtant, même un des leaders de l’hôtellerie ne fait guère dans la fioriture :

Que celui à qui on a déjà demandé son n° de réservation, qui figure dans l’objet de l’email et s’avère être l’élément le plus mis en avant, et que l’on vous demande de bien conserver, me jette la première ramette de papier ! Car oui, combien sont-ils encore aujourd’hui à imprimer ce précieux « voucher » pour le présenter à la réception de l’hôtel comme le précieux sésame, alors qu’en fait… on vous demandera surtout votre carte bleue.

Et chez Booking, ce n’est guère mieux…

Et après, nada, quetchi, walou, que dalle ! Ils sont bien rares ceux qui vont m’envoyer un petit mot à J-X pour me rappeler les informations essentielles (l’adresse et l’itinéraire, pour un gîte ce qui est compris ou non, genre les draps, les serviettes, les produits courants, de base, me rappeler le contact, l’heure d’arrivée prévue, …). Toujours pénible aussi de retrouver avec un drap de 140cm pour un lit de 160cm, des taies d’oreiller pour un traversin, d’avoir supposé que le tapis de sortie de douche et les torchons seraient fournis…alors que non. Et au-delà des ces informations vitales, que dire de celles qui pourraient tout bonnement me rendre service :

  • les trucs que je vais pouvoir faire à proximité,
  • les événements qui ont lieu pendant que je suis sur place
  • la gastronomie en circuit-court local plutôt que de me ruer à l’hypermarché du coin, ou pire, tout emmener de chez moi,

Les Offices de Tourisme collectent ces données et les fournissent d’ailleurs bien souvent à leurs prestataires, mais pas forcément sous une forme facilement exploitable…

Et c’est bien sur cette phase qu’Airbnb tire son épingle du jeu, en s’adressant à l’hôte pour l’inciter à recontacter le voyageur, et vice-versa.

Et ici, nous ne sommes pas des n°, on s’appelle par nos prénoms, on nous invite à échanger préalablement, par message ou via le téléphone qui est donné, ce qui sera fait par l’un ou l’autre dans la plupart des cas, permettant ainsi de créer une proximité, de poser toutes les questions nécessaires ou annexes, bref, de préparer au mieux le séjour et l’accueil physique. L’email est joliment mis en page, quels infos pratiques sans me relister l’ensemble des conditions générales de ventes, et bien entendu les fameuses « biiiiiiiiiip » proposées à proximité.

Attention… j’arrive !

Les applis ont ça de bien, c’est que tu retrouves facilement tes résas et les infos. Mais quand il n’y en a pas, au moment de boucler les valises, on se retrouve tous (à part les très organisés qui ont créé des dossiers où tout est bien classé et ordonné) à rechercher le fameux email de confirmation qui donnait les infos… et là, t’es content de pouvoir utiliser le moteur de recherche de gmail qui te permet de le dégoter parmi les milliers d’autres reçus depuis que tu as fait la résa !

Et là encore, bien qu’on ait mon email, et même souvent mon 06, pas de courriel, pas de sms la veille ou le matin pour me donner les dernières infos, me souhaiter bonne route, me redonner un tél et l’heure d’arrivée prévue au cas où…

Arrivée enfin à destination, c’est le moment du checkin !

Bonjour Monsieur, (vous avez fait bonne route ? facultatif)

Oui, merci. J’ai une réservation au nom de Dublanchet pour deux nuits.

Vérification sur l’ordinateur… ou sur les feuilles de papier imprimées, ou faxées par Booking. Tout à fait Monsieur, vous êtes avec nous pour deux nuits. Petit temps d’attente… Vous êtes à la chambre 312, qui se trouve au 3ème étage (non !!! dingue), l’ascenseur se trouve à droite juste derrière vous. Le petit-déjeuner est servi de 7h à 10h dans la salle de restaurant. Je vous souhaite une bonne installation, vous pouvez composer le 9 sur le téléphone de votre chambre pour joindre la réception, nous sommes à votre service 24h sur 24.

Ah, et j’oubliais un autre aspect capital de l’accueil comme nous le présente cette vidéo sur le métier de réceptionniste.

Sinon, dans un gîte, on a aussi parfois encore droit à l’état des lieux et l’inventaire… Un moment magique, que je croyais définitivement révolu mais auquel j »ai eu droit il ya deux semaines.

Celui-ci n’est qu’un exemple trouvé sur un joli site de bons conseils pour nos amis loueurs, mais la brave dame qui nous a accueilli, en charge pour le compte de la propriétaire de la préparation des lieux, du ménage et de l’accueil, nous a donc sorti le fameux lutin comprenant l’inventaire du mobilier : « 1 machine à laver, 1 sèche linge, 7 appliques, 4 tables de nuit… » Devant cette énumération, difficile de retenir un sourire, et la dame de nous lâcher d’un air piteux « Oui, je sais, mais on me dit de le faire… ». Bon, fort heureusement, on n’a pas eu droit au décompte de la vaisselle, mais par contre, niveau conseils touristiques, on est resté sur notre faim.

Avouez qu’en terme d’accueil, on fait mieux, surtout juste après la découverte du logement qui fait souvent suite à quelques heures de trajet…

Alors oui, je sais, cela arrive que des indélicats cassent, jettent, voire même volent… mais combien ? 1 sur 100 ? Est-ce que cela vaut vraiment la peine de considérer tous ses clients comme de potentiels voleurs ou destructeurs, et de leur infliger ce pensum en terme d’ « biiiiiiiiip » d’accueil ?

Et pendant mon séjour, si je ne vous ai pas sous la main, vous pensez encore à moi ? C’était déjà il y a six ans que Pierre nous évoquait dans ce billet l’internet de séjour et l’apéro tablette-cahouette ! La tablette a fortement laissé place au grand smartphone, mais le principe n’en reste pas moins vrai. Parce qu’elles sont encore trop rares ces destinations qui me permettent de vivre un moment local, de dépenser mon argent en étant satisfait de le faire, puisque selon cette infographie, un touriste dépense en moyenne 521€ en France pour 751€ en Espace, 1058€ au Royaume-Uni et 1783€ aux Etats-Unis !

Tiens, en passant, vous avez vu cette opération de la Finlande qui vous propose de louer un finnois pour vos vacances ?

Et puis il y a toutes ces petites attentions que vous pouvez avoir pour me simplifier la vie, me mettre en confiance, me donner encore un peu plus de confort. J’y reviens encore, à la bonne bouffe locale en circuit court : je rêve d’une destination qui me proposerait de réserver en amont mon petit panier gourmand avec les trois premiers repas du week-end, histoire de m’éviter la corvée des courses à peine arrivé. Avec la viande, les légumes, le fromage, les fruits, les confitures, le vin et la petite liste des producteurs locaux chez qui j’irais dès le lundi pour me réapprovisionner. Et avec mon petit panier gourmand, c’est ma dépense moyenne que tu serais sûr d’augmenter avec des retombées économiques hyper locales ! Quel kiff ce serait, vraiment…

Le Tarn avait d’ailleurs organisé des petits ateliers à destination des pros pour partager et échanger les bons plans sur ces petites attentions en fonction des clients.

Aménager un petit coin sieste, à l’intérieur, à l’extérieur, dans vôtre gîte, restaurant, chambre d’hôtes, un hamac, des jolis coussin, c’est pas très cher, les clients adorent, et ça peut même être super instagrammable !

Tiens, en parlant d’instagram, cette anecdote que l’on m’a récemment raconté : une chambre d’hôte installée en Champagne met au petit-déj’ une bouteille, bien présentée, avec les flûtes… Evidemment, quasiment jamais personne ne l’ouvre (ça ne coûte donc presque rien), mais 3 fois sur 4, elle finit en photo sur les réseaux sociaux avec mention du prestataire ! Ingénieux non ? Bon, c’est sûr, ça marchera moins bien avec une bouteille de vin.

Et pour personnaliser au mieux ces petites attentions, lesquelles vont me faire le plus plaisir, me faire revenir, faire de moi un prescripteur, un ambassadeur, il va falloir essayer de collecter quelques infos pour mieux me connaître. C’est là qu’une véritable stratégie Relation Client vous sera utile, en essayant d’en savoir le plus possible sur moi, sans que j’ai l’impression d’avoir à faire à Big Brother, sans trop souvent m’importuner, le dosage doit être fin !

De plus en plus de chaînes hôtelières utilisent des outils pro permettant de créer des fiches hyper personnalisées.

Une photo pour reconnaître le client quand il/elle arrive, les coordonnées, quelques données chiffrées, des liens automatiques avec ses réseaux sociaux, histoire de savoir si l’on a à faire à quelqu’un dont l’influence sera intéressante, des centres d’intérêt….

Offrir un verre de vin à Adele lors de son arrivée pourrait bien amener une photo sympa sur son twitter auprès de ses 5000 followers, et un avis positif sur une plate-forme puisqu’elle l’a déjà fait à 7 reprises. Lui proposer un créneau de massage au spa, et un concert dans un bar à proximité pourrait aussi l’intéresser, et en plus de la satisfaire en anticipant d’éventuelles envies, je fais des ventes additionnelles qu’elle n’aurait peut-être pas d’elle-même effectuée.

Il faut bien se dire au revoir…

Mais cela peut être à très bientôt ! C’est le moment de fidéliser, de gagner un ambassadeur. Et le mieux pour cela, c’est que je reparte avec mes petits souvenirs de chez vous que je vais pouvoir partager avec mes amis, ma famille. A manger et à boire bien entendu, des cartes postales (pré-timbrées de préférence) que j’enverrai à mes proches parce que ça change des nouvelles via un post Facebook et c’est sympa d’en recevoir, d’en envoyer, une spécialité bien de chez vous, bref, là aussi, aidez-moi à confectionner mon petit panier du coin. Pas seulement en me disant qu’il y a une boutique à l’Office de Tourisme, mais en me faisant une suggestion, des packages, que je peux retrouver en ligne, mais aussi sur place dans mon hébergement, que je peux récupérer en click and collect, que je peux me faire livrer chez moi si je ne veux pas m’encombrer.

Et puis on reste en contact, rappelez-vous de temps en temps à mon bon souvenir, peut-être pas à chaque fois pour me redire « Viens chez moi, viens chez moi » mais peut-être au contraire pour m’envoyer découvrir autre chose, chez un copain, un partenaire, qui fera pareil de son côté avec ses clients : « Vous vous êtes plu chez nous cet été, cet hiver, on vous suggère d’aller un tour chez…, à Toussaint, c’est génial de se poser à …, « . On sait que nos clients sont de plus en plus zappeur, ont envie de découvertes, alors jouons le jeu en établissant des partenariats entre destinations complémentaires et pas forcément concurrentes !

Et vous, des petits trucs particuliers que vous faites ? Vous nous les partagez en commentaire ?

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Ludovic a démarré sa carrière en Auvergne, à l’Agence Régionale de Développement, puis dans un cabinet conseil sur les stratégies TIC des collectivités locales. Il a rejoint en 2002 l’Ardesi Midi-Pyrénées (Agence du Numérique) et a plus particulièrement en charge le tourisme et la culture. C'est dans ce cadre qu'il lance les Rencontres Nationales du etourisme institutionnel dont il organisera les six premières éditions à Toulouse. À son compte depuis [...]
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