Adaptation du tourisme au changement climatique : ça bouge !

Publié le 5 juin 2023
7 min

Je regardais, curieux, la date de mon dernier billet expliquant l’importance de l’adaptation du tourisme au changement climatique. C’était en mars 2022, il y a plus d’un an.

Depuis, les choses bougent étant donné que la trajectoire carbone de la France n’est pas bonne et que la sensibilité ressentie aux effets du changement climatique est toujours plus forte, dans les différentes régions françaises.

De plus, le gouvernement vient de lancer une consultation publique la Tracc, c’est-à-dire la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation de la France, afin de faire réagir les citoyens quant à cette trajectoire et son impact pour le quotidien des Français.

Enfin, en tant que consultant, de nombreuses consultations publiques apparaissent ces dernières semaines pour accompagner des territoires à l’adaptation du tourisme au changement climatique.

Regardons de plus près toute cette dynamique qui se met en place.

Retour sur la consultation publique du gouvernement français

Le ministère de la Transition écologique soumet trois questions sur son site, et met à disposition un document de 31 pages (en PDF ici) résumant les derniers éléments scientifiques permettant d’éclairer la situation.

Pour rappel, afin d’anticiper les effets du réchauffement climatique, deux scénarios de réchauffement ont été élaborés, sur la base des éléments fournis par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) :

    • dans un scénario aligné avec l’Accord de Paris, le réchauffement mondial est limité à +1,5 °C en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle, soit environ +2 °C en moyenne sur la France métropolitaine. Ce scénario correspond au respect de l’objectif de température le plus ambitieux de l’Accord de Paris au niveau mondial ;

    • dans un scénario plus pessimiste, le réchauffement se stabilise à +3 °C en 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle, soit environ +4 °C en moyenne sur la France métropolitaine. Ce scénario correspond à la poursuite des politiques mondiales existantes, sans mesures additionnelles.

Or, pourquoi faut-il déterminer une trajectoire particulière. Le ministère donne la réponse sur le site :

La définition d’une trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique permettra de :

    • mettre à jour les référentiels, normes et réglementations techniques qui doivent prendre en compte les effets du changement climatique dans tous les domaines (bâtiment, transport, énergie, réseaux, risques naturels…) ;

    • accompagner l’adaptation des collectivités territoriales : la TRACC sera intégrée dans l’ensemble des documents de planification territoriaux ;

    • accompagner l’adaptation de l’activité économique : pour chaque secteur, des études de vulnérabilité basées sur la TRACC permettront d’élaborer des plans d’adaptation au changement climatique.

La consultation se traduit par 3 questions ouvertes qui sont les suivantes :

La première question est d’ordre général : « La France doit-elle se doter d’une trajectoire de réchauffement de référence d’ici la fin du siècle pour pouvoir s’adapter, tout en poursuivant la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre en ligne avec les objectifs de l’accord de Paris ? »

La deuxième question concerne plus spécifiquement les scénarios de réchauffement climatique retenus : « Que pensez-vous d’une trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation de la France (Tracc) dont les niveaux de réchauffement de référence seraient : +2°C en 2030, +2,7°C en 2050 et +4°C en 2100 (France métropolitaine) ? »

La troisième question porte sur des actions concrètes : « Quels outils et quel accompagnement technique et financier devraient être mis à la disposition des collectivités, des acteurs économiques et du public pour qu’ils puissent prendre en compte les impacts envisagés dans le futur du réchauffement climatique ? »

Je ne prendrais pas position sur l’intérêt d’une telle consultation publique dans ce billet car ce n’est pas le sujet. Néanmoins, cette consultation est un signal assez fort car cela montre qu’au-delà de la nécessité de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement veut préparer le terrain sur la question de l’adaptation de nos territoires et des professionnels face aux impacts à venir. Et cela a déjà bien démarré dans certains territoires…

Accompagner les territoires

Les collectivités territoriales sont en première ligne des effets du changement climatique comme on a pu le voir avec les incendies l’été dernier, avec les canicules, avec les graves sécheresses actuellement dans certaines régions mais aussi la difficile année d’enneigement dans les moyennes montagnes.

La consultation publique montre bien l’importance de doter les territoires d’un cadre précis sur l’adaptation au changement climatique avec cette fameuse trajectoire. Mais cela doit surtout permettre d’élaborer les outils et les procédures pour soutenir financièrement et techniquement les collectivités territoriales.

On peut désormais voir apparaître de plus en plus de marchés publics portés par ces collectivités pour élaborer des plans d’adaptation au changement climatique pour l’ensemble des activités et des secteurs économiques d’un territoire.

Intéressons-nous à la question du tourisme. Depuis la dernière étude dont je parlais dans mon billet de l’an dernier au sein de la région Hauts de France, les marchés publics se multiplient pour appuyer les collectivités locales dans l’analyse de la vulnérabilité du secteur touristique face aux effets du changement climatique.

Deux exemples récents ou en cours :

  • Diagnostics de vulnérabilité et plans d’action d’adaptation au changement climatique du secteur touristique en Hauts-de-France et en Nouvelle-Aquitaine ;
  • Étude sur le tourisme et le changement climatique à Serre-Ponçon (Hautes-Alpes) ;

Les 2 études ne sont pas traitées de la même manière.

La première étude portée par l’ADEME au niveau national avec ses 2 entités régionales à la directe continuité de l’étude réalisée en 2021-22 à laquelle j’ai participé dans les Hauts-de-France. Il s’agit d’accompagner des destinations infras et sites de visite privés ou publics afin de les épauler dans l’analyse fine de leur vulnérabilité et de construire des plans d’adaptation précis afin de s’adapter aux effets du changement climatique. C’est un travail à la fois collectif et individuel car chaque site n’est pas exposé de la même manière aux effets du changement climatique et la sensibilité peut aussi être différente en fonction de la typologie même de l’accessibilité ou de l’expérience pour le visiteur.

L’étude de Serre-Ponçon s’inscrit dans le cadre du programme France Montagne Ingénierie afin d’aider les 3 communautés de commune et le syndicat mixte qui gère le lac de mieux comprendre la part du tourisme sur l’économie locale et sa vulnérabilité potentielle face aux effets du changement climatique. Cela permettra d’élaborer un véritable plan de résilience pour les socio-professionnels du tourisme en les appuyant avec des outils adéquats (aide financière, accompagnement, formation, etc.).

Accompagner les pros du tourisme

Comme on le voit dans l’étude du lac de Serre-Ponçon, l’objectif à terme est de construire des outils d’accompagnement des socio-professionnels car ce sont bien eux qui vont devoir s’adapter que ce soit pour offrir toujours un confort de visite à leurs clients mais aussi qui subiront les effets du changement climatique sur les comportements ou les choix de moment de séjour (saison / horaire) des visiteurs.

Des pontons à Savines-le-Lac permettant d’accéder aux embarcations sur le lac de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes), sont d’habitude dans l’eau durant la saison estivale 2022.

Or, dans ce cadre, deux cadres sont possibles pour un professionnel du tourisme :

  • Faire des adaptations incrémentales au sein de sa structure pour favoriser un confort pour le visiteur à travers de la végétalisation pour lutter contre la canicule, des plans de sécurité et des plans de gestion de crise afin de savoir quoi dire aux visiteurs en cas de problèmes majeurs (incendies, tempêtes, inondations, etc.)
  • Penser un changement plus en profondeur car les effets du changement climatique vont directement mettre à risque le business model de l’entreprise. Il est donc nécessaire de repenser la saisonnalité de l’activité, les offres proposées, les cibles prioritaires à toucher, etc.

Ce deuxième point, c’est la réflexion portée par le Parc naturel régional des Landes de Gascogne qui va permettre à une dizaine d’acteurs du tourisme d’être accompagné individuellement par un consultant afin de repenser leur business model face à leur vulnérabilité face au changement climatique. Hébergement insolite, sites de visite, base de loisirs, camping, etc. chaque professionnel devra réfléchir à un autre modèle afin de tendre vers une résilience de son modèle économique.

Dans ces 2 cadres, on peut très bien imaginer que la compétences obligatoire « animation des socio-professionnels » pour un office de tourisme pourrait très bien évoluer sur ces thématiques-là. Pour ce faire, une montée en compétences des équipes sera nécessaire afin de se former à ces questions de vulnérabilité face aux effets du changement climatique. Cela permettra ainsi aux destinations de parfaitement anticiper les impacts du changement climatique en accompagnant aux mieux leurs professionnels et, ainsi, tendre vers une résilience du tourisme sur ces territoires fragilisés.

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Hey! Moi, c'est Guillaume Cromer, je pilote ID-Tourism, cabinet d'ingénierie sur le marketing du tourisme. Historiquement, je suis bien impliqué sur les questions de tourisme durable mais depuis quelques temps, je m'intéresse beaucoup à la question de la prospective du tourisme pour bien comprendre comment vont évoluer les attentes des voyageurs et de quelle manière il va falloir adapter les organisations publiques et privées du tourisme. Hyper curieux et de [...]
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