C’est un peu la folie autour des questions d’intelligence artificielle generative ces derniers temps, que ce soit dans l’usage, dans les articles du jed.ai mais surtout dans ce qui vient de se passer ce week-end avec l’éviction (et le retour 🙂 )de Sam Altman, le désormais ex-patron d’OpenAI et de son arrivée potentielle chez Microsoft !
Saga Open IA / Sam Altman : rappel de l’histoire de ce week-end
Vendredi soir (17 novembre), je reçois de nombreuses alertes sur mon téléphone. Sam Altman vient de se faire virer de l’entreprise qu’il a fondée, Open AI, connu bien-sûr pour la création et le développement de son outil conversationnel, ChatGPT.
Or, quelques jours auparavant, alors que j’étais en train de réfléchir au sujet de mon billet pour le blog, je regardais encore les dernières interventions de Sam Altman que voici :
- Lors de l’Open AI Dev Day où Sam Altman a présenté aux développeurs les nouvelles projections pour ChatGPT afin, entre autres, de permettre le développement du GPT Store (pour monétiser les créations des API des développeurs) et d’autres solutions (ça parle du tourisme d’ailleurs dans la vidéo) :
- Lors de son intervention lors de l’APEC Conference (Asia Pacific Economic Conference) pour rappeler sa vision et le rôle de la tech et de l’IA dans la société actuelle et future. Voilà un résumé rapide de ce qu’il a dit afin de rassurer les gens qui ont peur de l’IA.
Puis, dans la foulée, vendredi soir, il a été débarqué par le conseil d’administration de la fondation OpenAI, qui remettait officiellement en question l’individualisme de Sam Altman dans ces prises de décisions et ces déclarations. En gros, Sam Altman ferait un peu trop « cavalier seul » au goût du board. Les annonces faites lors de la Dev Conf (au-dessus) auraient été un peu la goutte d’eau qui ont fait déborder le vase…
Dans la continuité de cette démission, le conseil d’administration a souhaité faire sortir du board l’ami proche de Sam Altman, Greg Brockman, et CTO (Chief Technical Officer) de l’entreprise, en espérant néanmoins le garder en tant que technicien. Bien entendu, il a démissionné dans la foulée en soutien de son copain Sam Altman.
Depuis, tout n’est pas clarifié. D’un côté, on a une pétition qui circule de la part de près de 90% des 780 salariés d’Open IA qui réclament le retour de Sam Altman et même le président d’Open IA qui regrette finalement la décision… De l’autre, on a des rumeurs sur le recrutement par Microsoft (alors actionnaire d’Open IA. Ils ont mis 10 milliards dans le projet).
Aujourd’hui, 22 novembre 2023, rien n’est clair et la saga continue. On ne sait pas vraiment ce qui va se poser dans les prochains jours, semaines, mois… Il va falloir donc suivre l’actualité !
Je vous invite à regarder cet épisode de de Silicon Carne, le podcast sur l’actualité tech, qui m’a bien aidé pour tout comprendre de cette histoire !
Deux visions du monde qui s’opposeNT
Derrière cette histoire, je dois forcément revenir sur la gouvernance du projet d’Open IA et du clivage fort entre 2 visions de la société qui a abouti à ce divorce et l’éviction de Sam Altman.
Au départ, la création d’OpenAI a été faite sous la forme d’une fondation et donc avec une vocation philanthropique « non-profit ». Or, difficile de recruter des développeurs de talents aux USA (et partout ailleurs) si on n’ajoute pas de stock-option de l’entreprise dans la rémunération. Et il n’existe pas de stock-options dans le monde associatif !
Ainsi, il a fallu faire un montage organisationnel afin de créer une entreprise privée, une start-up nommée « OpenAI LP », pilotée par la fondation « OpenAI, Inc » » en essayant de maintenir une gouvernance ouverte centrée sur les communs pour gérer une entreprise à forte croissance, pilotée par Sam Altman.
Or, ce montage crée forcément des clivages et deux mondes qui s’opposent ! Aux USA et dans le milieu de la tech, on les appelle ainsi :
- DECEL pour « decelerationism » que l’on peut traduire chez nous par sobriété ou frugalité ;
- E/ACC pour « effective accelerationism » qui prône les techno-solutions et qui souhaitent accélérer toujours plus fort et plus vite les technologies (en particulier les IA) car c’est bien ça qui permettra de sauver l’humanité et de nous pousser vers l’abondance.
Dans le clivage au sein d’OpenAI, c’est exactement ces 2 visions qui se sont opposés :
- La majorité du board d’OpenAI qui souhaitait calmer les ardeurs afin de travailler en priorité sur la recherche, sur la sécurité et sur l’open source (les 3 valeurs clés pour eux) ;
- Sam Altman, Greg Brockman, la majorité des salariés de l’entreprise et les investisseurs qui ont une vision E/ACC afin d’aller toujours plus vite sur les innovations pour résoudre les maux du monde.
Ce clivage de la société ne vous rappelle rien ? Je vous rappelle juste comme ça les 4 scénarii de l’ADEME. Regardez surtout les scénarii 1 et 4…
Un coup de maître de Microsoft ?
Derrière cette histoire, on peut se poser fortement la question du rôle de Microsoft, qui a, pour rappel, mis 10 milliards de dollars en investissement dans l’entreprise Open AI.
Ils se sont dit surpris de l’éviction de Sam Altman, expliquant qu’ils n’ont été mis au courant que 10 minutes avant le protagoniste (pour info, ils ne font pas parties du board).
Pour autant, on pourrait quand même se dire que ça pourrait être un magnifique coup de la part de la multinationale pour reprendre la main sur tout le travail réalisé par Sam Altman et ses équipes, voir même directement l’ensemble des talents de l’entreprise (surtout vu la pétition qui circule !).
C’est d’ailleurs les premières rumeurs qui circulent depuis son départ de OpenAI. Ils seraient en approche pour intégrer Microsoft… ou bien il pourrait retourner auprès de ses équipes à OpenAI avec une nouvelle gouvernance où Microsoft exercerait une influence bien plus puissante.
De toute évidence, tout cela nous mène à la question de l’orientation de la société (sobriété vs techno-solution) et montre assez clairement dans quelle direction ces acteurs clés veulent nous emmener.
Dernière évolution ce matin mercredi 22 novembre avec l’annonce du retour de Sam Altman chez OpenAI mais avec une évolution logique de la gouvernance pour renforcer la position de Microsoft…
Que souhaitons-nous défendre ?
Je m’appuie simplement sur toute cette histoire pour rappeler que l’économie numérique est aujourd’hui basée sur nos données personnelles. C’est le cas de Meta et de Google bien entendu dont la publicité (ciblée) est le cœur de leur modèle économique.
Avec le boom des IA génératives, c’est exactement la même histoire. Nous nourrissons les solutions avec nos données, avec nos recherches et c’est bien ça pour fait grossir leur puissance et leur appétit, nous poussons toujours plus vers un avenir de type E/ACC.
Mais sommes-nous vraiment sûr que c’est ce que nous voulons ? Veut-on prendre le risque de faire confiance à la technologie pour nous sauver des crises majeures qui nous attendent ?
Doit-on foncer tête baissée dans l’usage de ces technologies sans se poser de questions utiles :
- Qui est l’entreprise derrière ce super chatbot doté à l’IA generative utilisé par mon office du tourisme?
- Quel est le modèle économique de cette entreprise ?
- Que font-ils avec les données fournies par les utilisateurs ?
- Est-ce que j’ai la main sur les données que j’ai transmises ?
- Utilisent-ils une technologie (la blockchain par hasard) qui permet de sécuriser l’usage et le partage de mes données personnelles ?
Ces questions montrent bien qu’il va falloir s’intéresser fortement à la gouvernance et au modèle économique des projets pour éviter de se faire absorber par un monde qui pourrait nous engloutir bien trop vite …