S’adapter aux changements ou animer la culture du changement

Publié le 4 octobre 2017
8 min

N’avez-vous pas l’impression de courir après tout, tout le temps, même après le temps ? Le dernier site, la dernière compétence, la dernière réorganisation, la dernière solution ? Et pourtant, nous ne sommes pas forcément rassasiés. Pire, nous sommes parfois déçus voire frustrés. Soit parce que cela ne va pas assez vite ou pas assez loin. Soit parce qu’à l’inverse ça change, tout simplement. Aujourd’hui, ce n’est pas café-philo mais c’est juste une pause autour de la notion de « changement » et de la culture du changement.
La semaine dernière, j’ai eu la chance de participer et co-animer avec les collègues une journée sur les « Nouveaux modes d’organisation pour les offices de tourisme en multi-sites ». Au menu du jour : comment s’adapter à cette organisation nouvelle ? Comment gérer le « multi-sites » ? Comment accompagner des équipes qui ont parfois quintuplées ? De beaux challenges donc et la notion de changement a été au cœur de nombreux débats. Ce billet, c’est donc l’occasion de mettre quelques mots sur des choses qui me turbinent le cerveau avec le recul de la transition numérique des ces 10 dernières années ou encore les regroupements de ces derniers mois. Zoom sur ce changement qui nous procure parfois des doutes et nous déroute ou qui nous booste et nous fait avancer. 

Le changement et ses résistances

Un des déclencheurs de l’idée de ce billet est la sémantique utilisée quand nous abordons les impacts d’un changement, quelqu’il soit : inconnu, perte de repères, appréhensions, peur, deuil, subir, déséquilibre, désinformation, pas d’information, repli, anxiété, réticence…

« Changer :
Transformer quelque chose, quelqu’un en quelque chose ou quelqu’un d’autre, le faire passer à un autre état.
Faire sortir quelqu’un de ses habitudes, rompre la monotonie de ses activités et, en particulier, le distraire »

Le changement amène donc une transformation, une évolution, un état différent, quasiment irréversible. C’est cette perspective de nouveautés et de retour en arrière impossible qui génèrent généralement des peurs et des appréhensions. « Oui le changement fait peur et c’est humain » comme le souligne Jean-Pierre Conduché en proposant la Vallée du Changement

Les résistances peuvent être collectives. Elles se construisent à partir de l’histoire de l’entreprise, de ses habitudes de fonctionnement, de sa culture. Moins le changement est cultivé et anticipé, plus les résistances collectives sont nombreuses et vives. Pour les regroupements, la rapidité de la mise en oeuvre pour les uns, les feux verts ou rétropédalages politiques tardifs pour les autres sont notamment des éléments identifiés qui ont favorisés les craintes et parfois les résistances. 

Les résistances sont aussi individuelles. Elles se cristallisent autour d’un manque de repères, à l’appréhension de ce que l’on ne connaît pas. Les mots sont forts derrière ces résistances : peur, inconnu, deuil du passé. Professionnellement, le salarié peut aussi avoir des doutes sur ses compétences et sa capacité à se projeter dans des nouveaux besoins devenus nécessaires par une nouvelle organisation. Ces résistances engendrent parfois une attitude contre-productive, du repli sur soi à la rétention d’informations.

Les résistances peuvent donc être très nombreuses si nous ne nous préparons pas au changement et que de ce fait, nous le subissons. Surtout, ces résistances reviennent de façon cyclique si ce changement est présenté et vécu comme un événement.

Le changement, ce n’est pas un événement.

Une partie de ces résistances trouvent leurs origines dans l’environnement de l’entreprise qui vit le changement comme un événement. Pourtant le changement, nous en serons certainement tous d’accord, ce n’est pas aller d’un point A à un point B à un instant t. Pourquoi ? Parce que le point A n’est déjà pas toujours bien déterminé et pour le point B, cela sous entendrait qu’une fois arrivée c’est fini. Cependant, nous voyons bien dans notre quotidien que le point B n’est jamais là, qu’il avance au fur et à mesure que nous avançons. En gros, c’est la loose, ce n’est jamais fini.

Ce changement est donc permanent. C’est un processus sans fin. Peut-être qu’il ne s’agit donc plus de s’adapter met de l’intégrer de façon continue dans la culture de l’entreprise, d’un réseau ? 

« Adapter :
Modifier la pensée, le comportement de quelqu’un pour le mettre en accord avec une situation nouvelle, ou modifier quelque chose pour l’approprier à quelqu’un, le mettre en accord avec quelque chose. »

En fait, lutter contre les résistances dues à l’adaptation aux changements paraît sans fin si nous ne prenons pas le temps de développer cette culture permanente du changement dans l’entreprise.

Prenons l’exemple de l’évolution de la transition numérique des 10 dernières années chez les institutionnels du tourisme. Les changements ont été essentiellement vécus au début comme technologiques avec une approche « outils ». Le changement passait par l’installation de sa première borne numérique ou le lancement de son application ou le lancement de sa page réseau social, puis le lancement du prochain outil puis du prochain puis du prochain… autant de point B qui n’était et qui n’est toujours pas figé.
Après 1 an ou 2, à côté de l’approche « outils », le changement s’est produit au niveau des compétences avec l’émergence de collaborateurs dits « experts ». Un « sachant » incarnant à lui seul le changement de cette transition numérique. Le problème, c’est qu’à côté, le reste du collectif (collègues, partenaires, élus et autres) ne voyait pas son intérêt et ses bénéfices à intégrer ce changement puisqu’ils en étaient exclus. Cette notion de bénéfice pour les acteurs vivant le changement est d’ailleurs des plus importantes.

Enfin, l’ensemble a pris tout son sens quand la transition dite numérique est devenue une transition managériale. Pas la transition du manager en tant qu’individu mais une transition d’équipe, en quelque sorte, pour laquelle chacun a compris le sens et les objectifs de l’arrivée du numérique en complémentarité de ce que chacun maîtrisait. Dès lors, la question n’était plus technologique et le collectif s’est retrouvé derrière une même problématique partagée : comment anticiper et adapter perpétuellement nos compétences et nos services pour nos clients ? 

Sur ce sujet, l’une des plus belles preuves de cette acceptation puis de cette animation permanente du changement est l’émergence de projets et d’actions menés avec des expertises transversales. Les experts de l’accueil dans les offices de tourisme deviennent une ressource essentielle dans la refonte des contenus du site internet. Le chargé des éditions devient animateur de réseau avec les reporters de territoire pour co-produire le magazine de la destination avec les habitants. Le community manager se nourrit de cette co-production et la détourne pour alimenter la communication sur les réseaux sociaux. Et pendant ce temps là, des experts de destination gèrent sur Messenger les questions des clients connectés en séjour, on expérimente chatbot et intelligence artificielle… Ce n’est plus l’adaptation mais l’assimilation d’un changement perpétuel. 

Introduire, animer et assimiler la culture du changement dans l’entreprise, c’est donc cultiver l’anticipation plutôt que la réaction.

« Réagir :
Répondre d’une certaine manière à une action ou à un événement extérieurs.
S’opposer activement à l’action de quelque chose, résister à une menace, un danger. »

Prenons maintenant les exemples Hôteliers vs Airbnb ou Taxis vs Über ? La notion d' »überisation » donc (ça faisait longtemps que ne l’avait pas vu celle-là). Pendant que 99 % de l’énergie et du temps ont été dédiés à de la réaction et de la lutte contre ces changements (que cette lutte soit légitime ou pas), quel temps est dédié à l’anticipation et à la préparation du coup d’après ?
Demain, quelle sera la réaction des hôteliers au prochain remplaçant d’« Airbnb » ? Quelle sera la réaction des taxis face au déploiement de flottes de VTC autonomes et sans chauffeur dans 5 à 10 ans ?
« Pourquoi ce n’est pas le groupe AccorHotels qui a inventé Airbnb ? Pourquoi ce n’est pas un groupe comme G7 Taxis qui a inventé Ûber ? » Voilà une autre façon de poser la question comme l’évoque Soraya Ferahtia  dans une video très inspirante sur l’intrapreneuriat. (un bon sujet pour un futur billet ça)

La culture du changement dans l’entreprise s’anime en permanence

Réussir à évacuer régulièrement les appréhensions diverses pour ne pas les transformer en points résistances est une première étape. Groupes de discussion, séminaires d’équipe ou autres temps d’échange sont des actions simples pour s’exprimer et mettre des mots sur les craintes de ce changement. Souvent, au début, pour faciliter le processus, c’est l’appui d’un interlocuteur extérieur qui aidera à libérer la parole et faire en sorte que le groupe aille dans le même sens en évacuant une à une les résistances individuelles et collectives. Il s’agit de dédramatiser d’une part mais aussi de comprendre le changement afin de mieux l’assimiler. Pour ce faire, l’écoute, l’empathie sont les premiers ingrédients. On admettra que la mise en œuvre du changement est tout de même plus facile quand on exprime, partage et comprend les craintes de toute personne qui vont devoir le mener.

« Cultiver : 
Développer, entretenir une qualité, un don ; former.
Développer une idée, un sentimentles faire prospérer. »

Ces actions ne sont pas que symboliques. Elles doivent faire émerger le terreau propice au changement. Partage d’une vision commune, partage et compréhension du cap et des objectifs, assimilation des phases cycliques de ce changement permanent, analyse des risques et des ressources pour le mener, utilisation d’une terminologie positive complètent les ingrédients de ce terreau.

Au final, en reprenant le graphique de la vallée du changement proposé plus haut, cette animation de la conduite du changement positionnerait le collectif en permanence dans les phases de Remobilisation et d’Engagement.

L’objectif serait d’atteindre une posture collective qui permet de voir le changement comme une addition d’opportunités plutôt le deuil du passé.

Le(s) manager(s), leader(s) de cet état d’esprit peut (peuvent) en être la clé. Cependant c’est bien l’impulsion du collectif qui nourrit et cultive cette transition permanente. En quelque sorte, ce n’est pas les managers et l’équipe mais bien une seule et même tribu qui partage cette philosophie et en accepte son côté déstabilisant, parfois instable mais remettant en permanence en question le bien fondé des actions menées et à venir. Laissez-vous porter 32s :

Pour y arriver, chaque membre de la tribu à sa part de responsabilisation : son ouverture d’esprit, sa soif de connaissance par sa veille (même minime), sa capacité à sortir de sa zone de confort pour savoir si en faisant ce fameux pas de plus ou ce fameux pas de côté, tout s’écroule ou tout roule ! 

 


 

Quelques sources au passage : 

https://www.monatourisme.fr/les-nouveaux-modes-dorganisation-pour-des-structures-multi-sites/
Clin d’oeil à Ludovic car je sais que cette citation de Charles Darwin t’est chère
Photo de couverture Photo by Mathias Jensen on Unsplash
http://www.larousse.fr/
http://www.memoireonline.com/05/10/3516/Conduite-du-changement-en-entreprise-le-role-des-ressources-humaines.html
https://viuz.com/2017/09/22/le-futur-du-travail-par-mckinsey-2/
https://atelier.bnpparibas/life-work/breve/decouvrez-visages-intrapreneuriat-travers-monde
http://www.esen.education.fr/fileadmin/user_upload/Modules/Ressources/Themes/management/note_1_conduite_changement.pdf

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Stimuler, écouter, conseiller, animer, former, partager, apprendre... est mon quotidien professionnel appliqué au secteur de la formation et du tourisme. Il s'agit de favoriser l'adaptation des compétences, des missions et des organisations en perpétuelle transition. Depuis 2009 au sein de la Mission des Offices de tourisme de Nouvelle-Aquitaine (MONA), son directeur depuis 2020, les secteurs d'interventions et d'exploration évoluent continuellement : transition managériale, transition numérique, transition durable, marketing de services, [...]
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