cyber-entretien (*) avec Olaf Rasttus, chef de projet «QR City» à Karasjok en Laponie du nord
Bonjour, pourriez-vous nous expliquer QR City…
QR City est une action d’accompagnement touristique qui essaie d’apporter un maximum de services aux touristes de passage dans notre ville. Il est fondé sur une utilisation massive des QR Codes. Il part du principe tout simple que lorsqu’un touriste est chez nous, la ville devient le «site web physique» à partir duquel il doit pouvoir trouver toutes les ressources qui vont enrichir sa visite. Or qui dit site web , dit «liens à cliquer» pour naviguer, et ici les liens sont les QR Codes disposés un peu partout sur les bâtiments et les objets. Avec son téléphone il peut pointer ces codes et ainsi atteindre tous les objets que nous avons conçus.
D’où est parti ce projet ?
De plusieurs choses; tout d’abord nous avons fait le constat que la majorité de nos visiteurs nous découvrent et réservent par le web. Ils ont donc une culture web et ils souhaitent continuer à utiliser des ressources numériques lorsqu’ils sont sur site. Il nous fallait profiter de cette nouvelle dynamique. Ensuite nous avions un plan d’action pour réduire les documents imprimés dont nous savions tous qu’ils représentaient un énorme gaspillage. Enfin nous avions trop peu de personnes disponibles pour accompagner les touristes, il nous fallait trouver «un levier d’ubiquité».
Vous pourriez nous donner un exemple de «levier d’ubiquité»
Bien sûr. Nous avons dans notre petite ville un très grand spécialiste de la culture «Sami». Nous ne pouvions pas lui demander de faire le guide toute l’année car ses activités ne le permettent pas et nos finances non plus d’ailleurs ! Nous avons donc tourné une série de mini-clips qui sont directement accessibles par QR code, en situation, dans le musée, sur certains bâtiments et dans certains établissements d’accueil. Ainsi les visiteurs découvrent petit à petit ce qu’il a à dire et finissent par «bien le connaitre» au point de le reconnaitre dans la rue et de l’inviter à échanger quand, par hasard, ils le croisent «en vrai». Les vidéos sont sous-titrées dans les principales langues et lorsque les touristes QR-cliquent ils choisissent leur langue.
Où avez-vous disposé vos QR Codes ?
Partout. Nous en avons aujourd’hui plus d’un milliers de différents, chacun pointant vers un diaporama, une video, un document, un questionnaire, un jeu, un quizz, un plan et tous autres objets numériques qui peuvent agrémenter et enrichir l’expérience d’une visite. Ils sont à l’entrée des bâtiments à visiter, des maisons remarquables, au côté des objets dans les lieux d’exposition, sur les mobiliers urbains, sur les sentiers, sur les vitrines des commerçants, dans les halls des hôtels. On ne peut pas passer à côté ! On en explique la logique et le fonctionnement à l’office de tourisme, on aide les visiteurs à charger l’application gratuite de reconnaissance des QR Codes sur leur téléphone. Il en existe des dizaines maintenant. On va même, pour ceux qui n’ont pas de téléphone adapté, jusqu’à louer des mini-tablettes type iPod Touch pour leur permettre de profiter de tout ça.
Qui dit QR Code dit accès internet. Quelles solutions ?
La majorité de nos visiteurs viennent d’autres pays et n’ont donc pas intérêt à utiliser leur forfait téléphone pour naviguer. Cela leur reviendrait trop cher ! Lors de leur passage à l’office de tourisme, il leur est remis un Wifi Pass nominatif qui leur permet d’être constamment connectés au réseau wifi urbain. Intérêt pour eux, ils peuvent continuer à être des internautes à part entière même en étant au bout du monde. Pour nous, cela nous permet de comprendre les profils de consommation de nos QR-ressources et ainsi d’améliorer nos stratégies de production et de diffusion.
Qui produit les ressources qui sont derrière les QR codes
C’est peut-être là le côté le plus intéressant de cette opération car en fait tous les habitants sont appelés à créer des objets numériques qui vont être ensuite reliés à nos QR Codes. Les enfants, les artisans, les commerçants, les retraités, les associations, tous sont mobilisés dans une démarche à la Wikipédia. On leur demande de proposer des sujets et si ils sont retenus de proposer des contenus. Une fois validés ces contenus sont mis en ligne sur des services web et ensuite on les relie aux QR Codes. Cela crée une grande émulation et surtout une diversité incroyable dans les angles et les traitements. Les gens ont vraiment un talent formidable !
Quels ont été les problèmes les plus difficiles à résoudre ?
Le réseau wifi urbain et les supports de QR Codes. Le réseau wifi car il a fallu batailler avec élus, opérateurs et autres acteurs institutionnels pour trouver une solution financièrement acceptable. Et nous avons été plus loin que prévu car nous avons aboli la notion d’abonnement individuel à internet. Le réseau wifi est aussi celui des habitants. Il est mutualisé et il est payé par les taxes locales. Ainsi les habitants ne paient plus leur accès à internet et les visiteurs peuvent en profiter à loisir. Pour les supports de QR Codes il nous fallait trouver des «étiquettes» durables qui résistent à nos climats et aux UV car beaucoup sont posées en extérieur.
Quel est le bilan économique de cette action ?
Nous avons finalement surtout investi dans de la réflexion et de l’organisation. Tout le reste a reposé sur le bénévolat. Nous avons considérablement réduit les frais d’impression de documents. Nous avons réussi à rendre l’accès à internet «gratuit». Nous avons tout produit avec des moyens simples, camescopes, appareils photos et nous avons eu un recours massif aux services gratuits d’hébergement du web. Nous nous sommes démontré que les budgets ne sont pas tout et qu’aujourd’hui il est possible de faire beaucoup de choses brillantes en utilisant des moyens modestes ou gratuits. En synthèse , nous avons fait quelque chose de remarquable et de remarqué et nous avons réduit nos budgets. Nous avons l’impression d’être dans l’air du temps !
Quelle est l’utilisation la plus insolite des QR Codes que vous avez faite ?
Je ne sais pas si elle est insolite mais tous les produits alimentaires et artisanaux faits sur notre commune disposent d’un QR Code sur les coulisses de leur fabrication. Ainsi quand on pointe sur le QR Code d’une confiture faite chez nous on voit apparaitre la personne qui l’a confectionnée et qui nous en explique la recette et les petits secrets. Une belle façon de créer une valeur ajoutée affective à nos produits et de permettre aux visiteurs de mieux parler de nous quand ils rentreront.
Si vous aviez un conseil à donner pour créer une QR City
Oubliez tout ce que vous avez fait avant. Evitez de toujours penser site. Pensez objets. Produisez un maximum d’objets. Faites confiance aux talents bénévoles des citoyens. Envisagez tout ceci comme un grand jeu de piste, avec de l’humour, de la diversité et de nombreuses surprises. Déployez avec le QR Code une démarche SOciale, LOcale et MObile. Il semblerait que cela soit tendance !
Une dernière chose, si vous souhaitez découvrir le mode de vie Sami «cliquez» sur le QR Code qui suit !
Merci
(*) cyber-entretien : entretien imaginé qui aurait très bien pu être réel et qui ne recourt qu’à des technologies à notre disposition 😉
PS: vous pouvez continuer ce cyber-entretien en posant vos questions à Olaf dans les commentaires. Il y sera répondu le plus vite possible en fonction des conditions d’enneigement.