Installée en Chine depuis 9 mois, je vous livre enfin mes premières impressions sur le tourisme au pays du Milieu : attention, il s’agit simplement de mes constatations et de mon point de vue général.
Parlons d’abord de la gestion territoriale du tourisme en Chine. Malgré une « forte implication » de l’Etat dans toutes les affaires du pays (et ceci reste un euphémisme), il n’existe pas comme chez nous de bureaux d’information touristique qui aident à renseigner les visiteurs. Ou s’ils existent, il faut bien les chercher, et mieux vaut-il savoir parler chinois pour les trouver ! Par contre, les bureaux de promotion régionaux sont assez actifs. Dans les bus ou les métros, de grands panneaux ou des films promotionnels montrent des images séduisantes des destinations. Et là, il n’y a pas besoin de parler chinois pour être séduit !
Si les bureaux d’information touristique ne sont pas particulièrement visibles, la plupart des régions ne manquent pas à leur mission d’information et de promotion pour autant : elles informent les voyageurs par sms de leur arrivée sur le territoire et envoient un lien direct vers leur site Internet. Les informations pratiques sont donc disponibles en ligne, mais cette fois encore, à condition de parler chinois. En revanche, l’accès à l’Internet mobile n’est pas un problème. En Chine, comme beaucoup de pays d’Asie, la plupart des lieux publics disposent d’une connexion wifi gratuite (souvent à condition d’avoir un numéro de téléphone local), et la grande majorité des hébergements et restaurants fournissent également le wifi.
Les destinations touristiques nationales sont le fruit d’une vraie planification gouvernementale. Je m’explique. Voyager en Chine veut dire : aller visiter un point d’intérêt (re)connu, qu’il s’agisse de patrimoine bâti ou de patrimoine naturel. On ne va pas « se balader » en montagne, on va visiter la montagne. Concrètement, de très nombreux lieux d’intérêts ont été identifiés et aménagés à la visite. Cela suppose : payer un droit d’entrée, devoir parfois utiliser les navettes internes au site pour se déplacer à l’intérieur (et éventuellement repayer un supplément pour ce service obligatoire), puis suivre les chemins tracés, aménagés, bétonnés, voire même sonorisés, pour aller contempler la vue ou accéder à un site comme un temple, une cascade ou un Bouddha géant qui gît au-dessus d’une colline. Pour la première fois en Chine, je suis donc allée « visiter la montagne ». Et on n’est jamais au bout de ses surprises… comme lorsque l’on découvre une allée bordée d’arbres en plastique argenté en plein milieu d’un « parc naturel » !
Des arbres argentés bordent l’allée aménagée du parc naturel de Longhushan
Les touristes chinois ne voyagent pas de la même façon que les Européens. Flâner n’est pas tellement dans leur culture, si ce n’est pour faire le tour d’un lac sur un chemin aménagé et jalonné de boutiques et autres commerces de bouche dans lesquels ils pourront consommer. Les vacances des chinois sont généralement chronométrées, et il n’est pas rare de voir les groupes de touristes se dépêcher : se dépêcher de prendre le bus, se rendre sur un lieu d’intérêt, se dépêcher de prendre des photos, et repartir vers le bus pour aller prendre d’autres photos d’un autre point de vue ou d’un autre temple un peu plus loin. En un mot, il faut consommer ses vacances. Consommer un lieu, un parc, consommer dans un restaurant, acheter des souvenirs, ou encore consommer la plage. Pas de bronzette au programme, les sports de plage motorisés sont plus populaires. Le voyage se résumera en une série de selfies du touriste devant chaque point d’intérêt du voyage.
Sur l’île de Weizhou, pas de drap de plage ni de parasol, juste des traces de pneus.
Selfie devant le lac de l’Ouest à Hangzhou
Le shopping est en effet l’une des activités préférées des chinois, qui profitent de leurs vacances pour consommer davantage. Il est désormais une activité reconnue par les chercheurs comme motif de tourisme en ville parmi les traditionnelles activités de visite et de divertissement.
Les premiers touristes chinois ne partaient qu’en groupe, en voyages organisés par des agences de voyage traditionnelles avec pignon sur rue. Mais cela change avec l’avènement d’Internet et l’émergence d’une nouvelle génération « plus autonome » (grâce à l’enrichissement de toute une classe de population, à l’apprentissage de l’anglais et à la maîtrise des nouvelles technologies). Cette nouvelle génération de voyageurs sait se débrouiller seule, ou choisit l’option package tout prêt en un clic sur Internet.
D’ailleurs, parler d’Internet revient plutôt à parler d’Internet mobile. Alors qu’en Europe nous avons connu les longues étapes de l’apparition du téléphone mobile, suivie du smartphone en passant de l’Edge à la 4G, en parallèle d’un développement d’Internet, de la progressive apparition des premiers achats en ligne et l’émergence du « web 2.0 », la Chine a directement eu accès aux smartphones connectés et au web participatif et marchand. Donc l’achat en ligne, et notamment pour les voyages, se fait principalement sur mobile : les applications TaoBao (premier site marchand chinois), Ctrip ou Qunar, sont les plus populaires.
Après ces quelques mois d’observation, je peux dire que le tourisme chinois est clairement différent du tourisme occidental, tant dans la façon qu’a le gouvernement d’appréhender l’aménagement de son territoire, que dans les habitudes de consommation de la population. En tant qu’européen, on se sent vite un peu « déstabilisé » ou peu à son aise dès que la foule devient trop importante et les codes trop différents. Mais on aurait toutefois des exemples à prendre sur le pays en termes de rapidité d’action et de réactivité à l’évolution du mode de consommation de la société.
File d’attente pour prendre la navette qui transporte les visiteurs dans le parc de Longhushan
Je profiterai d’une nouvelle année en Chine pour vous livrer de nouveaux articles, notamment sur le rapport de la société chinoise à l’Internet mobile et sur son utilisation dans le voyage. …A suivre 🙂