Théoriquement, les acteurs du tourisme institutionnel, quelles que soient leurs dimensions, interviennent sur le parcours client avant, pendant et après séjour. En tous cas, c’est ce que Jean-Stéphane, directeur de l’OT de Saint-Barnabé-de-Foulligny, a bien en tête quand il ressort avec le smile de son atelier « une stratégie marketing pour ma destination » animé par son RT. Puis Jean-Stéphane se souvient le lendemain qu’il dispose de 3,75 ETP et d’un budget minime parce que sa structure n’a pas fusionné avec les voisins de Saint-Sulpice-des-Champs-de-Foulligny qui, eux, récupèrent la taxe de séjour, mais pas lui, parce que la commune… Vous voyez le topo.
Vous l’avez donc compris, Saint-Barnabé-de-Foulligny n’existe pas. En revanche, des Jean-Stéphane, on en connaît tous au moins un.
La goutte dans l’océan de l’avant-séjour
En tant qu’OGD à l’échelle locale, Jean-Stéphane dispose d’un site Internet de destination (qui ressemble pas mal à celui des voisins). Il sait que la clé de la réussite, c’est le référencement. Sa Miraculous Ladybug numérique (ouais, parce que McGyver c’est un peu ringard aujourd’hui) a bien bossé là-dessus pendant la basse-saison entre le travail du guide pratique, la relance des partenaires, le bilan de saison, la démarche qualité et les permanences à l’accueil.
L’équipe baisse un peu les épaules malgré tout, à la lecture de l’interview de Luc Béal par Brice Duthion, car elle conclut que ce sont les gros monstres numériques qui décident de la destination des potentiels vacanciers et que, par dépit, elle n’est pas armée pour lutter. Pourtant, du temps aura été passé à préparer le nouveau guide pratique, à mettre à jour les infos et à trouver des pubs pour le financer. En plus, cette année, s’est ajouté le « mag de destination » où il a fallu créer un tas de contenus dont des photos HD de couchers de soleil introuvables dans le disque dur. Mais bon, ça permettra d’avoir un beau cahier « de séduction » à remettre aux 500 personnes non qualifiées croisées au prochain salon. Enfin, ces éditions pourront être envoyées à des personnes qui ont déjà décidé de venir ici, engendrant des frais postaux qu’on préférerait éviter, accompagnées d’un courrier-type imposé par la démarche Qualité Tourisme en pleine crise de schizophrénie entre la standardisation des process et l’hyperpersonnalisation de la réponse au client.
Le travail et les budgets alloués sur l’avant-séjour représentent, selon mon opinion personnelle, une part bien importante des ressources des « petits » OGD pour quelque chose d’insuffisamment mesuré aujourd’hui. Au XXIème siècle, se placer volontairement et efficacement (j’insiste sur ce point car je n’ai pas trouvé de bilan de campagne Google Ads issu d’un OGD sur le web) sur le parcours d’un potentiel client est une mission demandant une expertise et des moyens qui dépassent largement les compétences du personnel issu de formation tourisme présent dans les murs des OT.
La maitrise (ou pas) de l’après-séjour
Espérant qu’ils ont kiffé leur séjour, on aimerait bien qu’ils reviennent. Alors pour cela, on répond à l’avis des usagers sur Google My Business quant à leur passage dans un des BIT.
« Accueil sympa et souriant. -Fredo »
« Merci Fredo. Espérant vous revoir bientôt chez nous. »
Voilà donc le résumé de la « stratégie marketing de l’office de tourisme, partie 3 : l’après-séjour ». Clairement, il s’avère que la fidélisation d’un vacancier réside purement et simplement dans l’expérience vécue, donc dans l’instant présent. Il faut néanmoins saluer les territoires qui ont su mettre en place des programmes de fidélisation efficaces. Bon, je n’ai pas d’exemple, mais bravo quand même !
Mettre alors toute l’énergie sur le « pendant séjour » ?
Là où les offices de tourisme sont fortiches, c’est sur le terrain. Ils le connaissent, ils savent en parler et, surtout, ils l’aiment ! « C’est que d’l’amour ! » comme dirait Patrick Sébastien… A moins que ce soit Alizée Doumerc aux ET16 de Pau ?
Les conseillers en séjours connaissent même les trucs qui ne sont pas référencés dans leurs SIT ! Mais est-ce que vous révéleriez tous vos secrets à quelqu’un que vous n’avez jamais rencontré ? Est-ce qu’au fond, à une personne que vous avez au téléphone et qui ne se rappelle même plus la commune où elle a réservé son gîte, vous avez envie naturellement de lui expliquer comment vivre cette petite expérience sympa qui mérite d’être vécue ? C’est assez difficile en vérité. Pour se lâcher, il faut que votre interlocuteur partage déjà des références avec vous, par exemple, a minima, savoir où il se trouve. Alors, effectivement, pour entrer dans une synergie synonyme de bonne expérience client, pour provoquer la transe d’un conseiller en séjour et atteindre le paroxysme du conseil éclairé par le soleil divin, rien ne vaut de déclencher cette situation pendant le séjour. Par des rencontres, des rendez-vous, des apéros, des forums… Bref, par un SADI aux petits oignons et bien pensé pour favoriser non seulement la rencontre mais aussi le résultat positif de celle-ci.
On parle donc bien ici de la mission d’accueil sur le territoire. C’est celle qui est au cœur même de l’existence des OT mais celle qu’on oublie, un peu comme la grand-mère qu’on met au bout de la table pendant les repas de famille. Néanmoins on la respecte, parfois maladroitement. On la laisse vivoter sans s’inquiéter de ce qu’elle est vraiment, c’est-à-dire le partage, la transmission, la connaissance. La mission d’accueil d’un OT, on ne la laisse pas dans un coin comme Bébé dans Dirty Dancing. On la fait danser et on la porte pour qu’elle rayonne sur tout le territoire et non pas uniquement dans les bureaux d’informations touristiques. A chaque fois qu’un vacancier franchit une porte, il est « accueilli ». Dans un commerce, un hébergement, un hall de gare, un parking… Il est accueilli. Voici, selon moi, le rôle à jouer d’un OT aujourd’hui face à des clients de plus en plus en quête de sens et d’authenticité : s’assurer que son territoire sait accueillir un touriste pour ne pas compromettre bêtement l’expérience qu’il doit vivre.
L’expression « Carpe Diem » ne veut pas forcément dire qu’on doit vivre le présent sans se soucier du lendemain mais plutôt de se concentrer sur le présent pour s’assurer naturellement d’un lendemain qui chante. M’improvisant grand sage, camarades de l’accueil touristique, je vous propose donc de nous concentrer sur le « pendant séjour ».
NB : Ce billet ne reflète que les idées forgées au fil des ans par son auteur, de manière indépendante.