La saison touristique n’est plus seulement estivale. Elle court désormais d’avril à octobre, avec une fréquentation renforcée sur les ailes de saison. Au point que le doute s’est s’installé quant au mois de juillet 2023, hésitant. La production le 27 septembre des premiers chiffres français de la saison 2023 par l’INSEE et ses partenaires a étonné par sa promptitude. Alors qu’au printemps l’Etat se préoccupait de surtourisme, (depuis il s’intéresse aux punaises de lits, dont la provenance serait liée aux voyages et aux ventes de seconde main, fichu tourisme !), que nous aborderons en atelier ce jeudi 12 octobre lors des #ET19 à Pau, que les media annonçaient des encombrements présents et à venir, patatras… juin et juillet ont été des mois mollassons en France. Conduisant depuis toujours des missions en Espagne, j’interrogeais donc quelques amis pour savoir s’il s’agissait d’un cas particulier en Europe. Ces amis aux commandes de réseaux d’hébergements touristiques me confirmaient un calme plat en début de saison après un excellent démarrage en avril et mai. Le sujet n’était donc pas français. Puis, début août, je lisais la production mensuelle des statistiques espagnoles et je retenais ce qui suit pour un client mien, intéressé par le marché espagnol.
En juin (dernières statistiques disponibles lors de ma note), l’Espagne a reçu 8,3 millions de touristes étrangers, soit +10,9% par rapport au même mois de 2022, mais ce volume demeure inférieur de 5,8% à celui de juin 2019. Le Royaume-Uni est le plus grand pourvoyeur avec 23,8% des arrivées (2 millions). L’Allemagne occupe la deuxième place avec 1,1 million d’arrivées et la France se situe troisième à 925 000 arrivées, soit +6,4%. Sur les six premiers mois de l’année, les arrivées internationales ont augmenté de 23,7% pour 37,5 millions de personnes (30,3 millions en 2022). Et comme toujours, l’aérien est le principal mode de transport avec 7 millions d’arrivées sur les 8,3 millions observées pour ce mois.
Fin août, je m’intéressais à l’Italie qui produit des données hebdomadaires et mensuelles. Et je notais ceci : En Italie, les retours d’information en cette fin d’été sont moins favorables qu’en Espagne. Si les villes d’art ont tiré leur épingle du jeu (+4,5% à Florence, +4% à Rome et +3,5% à Venise), les destinations moins courues ont enregistré des baisses significatives (de -20 à -30%). « 2023 met à l’épreuve tout le secteur touristique italien » a commenté Federturismo. Le changement climatique, l’inflation, commencent à modifier le visage du tourisme et sa capacité d’adaptation. Même sons de cloches du côté de Confcommercio et de Federalberghi. Si les étrangers, notamment Américains, ont retrouvé le chemin de l’Italie, le marché national s’est révélé en sérieux repli. Une étude indique que chaque foyer italien se serait retrouvé avec un trou de 2000 euros dans son budget à cause de l’inflation, soit une baisse plus forte qu’en France par exemple.
D’ABORD L’AERIEN
Les statistiques aériennes espagnoles de juillet 2023, accessibles en août, indiquent une comparaison des arrivées mois par mois pour les années 2019 à 2023. En juillet, 10,3 millions de passages aériens, soit +11,5% que le même mois en 2022, ont atterri en Espagne. 59,5% d’entre eux ont eu recours à une compagnie à bas coût. 56% du total des voyageurs aériens provenaient de l’Union Européenne., soit +11,4% en comparaison à un an, pour un 44% à +11,7% pour le reste du monde.
En comparaison avec les chiffres de l’année précédente, les Polonais ont augmenté leurs venues à +34,7%, les Belges étant en revanche moins nombreux à recourir à l’avion sur le mois de juillet : -1,7%. Tous les marchés sont passés au crible, provenance, communautés autonomes et aéroports de destination. Du grand art. Je ne vois pas pareil accès, de surcroît facile en présentation, pour ce poste des provenances aériennes en France. Ici, les données sont compilées par l’Aena, l’organisation de gestion du trafic aérien en Espagne et remontent par l’enquête mensuelle des passagers aériens internationaux, visée par le Secretaria de Estado de Turismo.
Deuxième clef d’entrée, l’enquête également mensuelle, pour les arrivées internationales de Frontur. Elle dépend de l’INE Instituto Nacional de Estadistica. Son titre est explicite : statistiques des mouvements touristiques dans les frontières. Le titre de la publication des données d’août 2023, données provisoires est-il fait mention, est un exemple de journalisme factuel : L’Espagne reçoit 10,1 millions de touristes internationaux en août, soit 13,9% de plus que le même mois de 2022. Notons que cette note est publiée…un mois après la collecte, soit le 3 octobre. Les informations sont en ligne, en espagnol et en anglais.
J’adorerai disposer de données similaires, organisées par mois, comparables de mois à mois et à année, avec accès libre aux fichiers Excel. Qu’il est loin le temps du Mémento du Tourisme, de la lettre de Veille Info Tourisme si efficacement portée par Merchid Berger Minbashian lors de son passage à la DGE. Aujourd’hui, disposer de statistiques fiables, régulières, comparables, dans le tourisme français tient du parcours du combattant. Sans compter que pour accéder à un certains nombre d’observatoires départementaux et régionaux, il faut désormais être adhérent. La culture du chiffre touristique français n’est pas à la hauteur de l’enjeu et c’est bien dommage.
+17,9% de Francais en Août à 1,9 million d’arrivées
Je poursuis ma synthèse de la note éditée le 3 octobre et consacrée au mois d’août. Ces 10,1 millions de touristes internationaux reçus en août sont en premier lieu le fait de Britanniques, avec plus de 2 millions d’arrivées, soit 20%, du total et une augmentation de 10% sur un an. Les Français arrivent en deuxième position à 1,9 million d’arrivées, soit +17,9% sur un an et les Allemands à 1,2 million, soit +5,8%. Sur les 8 premiers mois de l’année, les arrivées internationales ont augmenté de 19,6% et ont dépassé les 57,7 millions. Pour la même période de 2022, 48,3 millions de nuitées avaient été enregistrées. Les arrivées internationales sont encore en dessous de 2019, à -0,7% sur les 8 mois comparables. Les îles Baléares attirent 23,3% du total des touristes en août, la Catalogne 21,1% et l’Andalousie 14,3%. On est donc encore très loin de constater une évolution sensible dans l’Espagne verte qui a pourtant été l’objet d’intenses promotions depuis des années.
Fait singulier, qui va à l’encontre des positions tenues en France par les puissances publiques et de nombreux opérateurs touristiques privés : l’aérien assure l’écrasante majorité des arrivées et cela ne fait pas trop débat. 7,6 millions d’arrivées aériennes rien que sur le mois d’août. La route n’assure qu’une part réduite, un peu plus de 20% des arrivées, quant au train, c’est insignifiant avec 43 850 arrivées internationales en août. Vérité en deça des Pyrénées, erreur au-delà ? Pour autant sur le site du secrétariat d’état au tourisme, de nombreux onglets renvoient vers des démarches nationales en matière de tourisme durable. Mais l’aérien est ici un sujet qui fait beaucoup moins débat qu’en France. Les positions sont clairement différentes, mais cependant d’un côté on dispose de chiffres comparables en longue traîne, au mois et à l’année. On constate d’ailleurs que l’on ne raisonne pas en Espagne en saison, à l’inverse de la France, dont les données historiques ont porté sur la période mai à septembre.
Ces statistiques espagnoles ont beaucoup de qualité. Elles gagneraient cependant à proposer la part relative de chaque critère à côté de la variation mensuelle/annuelle. C’est un détail car on peut la recalculer. Elles gagneraient aussi à mieux segmenter les différentes formes d’hébergement. Ventilation est faite entre hébergements marchands et non marchands, en revanche on ne sait pas où sont logés les campings entre hébergement hôtelier, logement en meublés et autres logements marchands. Une distinction est faite entre tourisme de loisirs, pour 9,3 millions d’arrivées étrangères et d’affaires pour un petit solde. La durée moyenne des séjours en août est comprise entre 4 à 7 nuits pour près de la moitié des touristes étrangers. 2,8 millions de touristes étrangers restant entre 8 et 15 nuits. 75% des arrivées sont librement organisées, 25% relèvent d’un produit touristique. Toute cette collecte tient au fait que chaque établissement doit établir une fiche normalisée de police retenant les coordonnées de tous les arrivants étrangers dans le pays.
Et le tourisme domestique ? L’INE le traite, mais avec des données trimestrielles. Ainsi le 27 septembre, nous apprenons que 48,4 millions de voyages de touristes espagnols ont été enregistrés pour le deuxième trimestre, ce qui suppose une augmentation à – un an de +8,5%. 75% des déplacements se font en auto, 6,3% en train, 12% en avion. La dépense journalière par personne est de 72 euros en voyage domestique et de 138 euros pour un voyage international. Quelqu’un a cette donnée en France ? Merci 🙂