Comment mieux intégrer l’innovation dans la politique nationale du tourisme ?

Publié le 30 octobre 2014
5 min

À l’occasion de son audition par les instances organisatrices des Assises Nationales du Tourisme en février dernier, puis du Conseil de Promotion du Tourisme en octobre dernier, le Welcome City Lab a organisé une vaste enquête pour connaître les souhaits, propositions et requêtes des start-up du tourisme.

Ce sondage a été réalisé auprès du fichier de 650 start-up du tourisme, qui ont contacté l’incubateur depuis l’annonce de son ouverture il y a un an. Le taux de réponse s’est élevé à plus de 10%, ce qui permet de présenter des résultats significatifs.

Ce qui frappe, c’est que toutes les propositions tournent autour de la même demande : « améliorer l’accès des start-up à …». En effet, la principale difficulté des jeunes pousses est de pouvoir s’intégrer à un écosystème professionnel, de se connecter à des interlocuteurs, de trouver des financements adéquats, d’utiliser librement des informations.

Les propositions s’articulent donc en 4 grands chapitres :

  • Améliorer l’accès aux données
  • Améliorer l’accès au monde institutionnel
  • Améliorer l’accès aux grandes entreprises
  • Améliorer l’accès aux financements

E-tourisme

Améliorer l’accès des start-up aux données touristiques de toutes natures

C’est évidemment tout l’enjeu de la politique nationale d’open data, pilotée par Etalab, comme celui du projet « Data Tourisme », porté par le RN2D. Mais force est de constater qu’en 2014, on est encore loin du compte. Car il s’agit non seulement de rendre accessibles, gratuitement, les données de base d’une destination, ou « informations froides », mais également les données mouvantes et éphémères, ou « informations chaudes ». 

En d’autres termes, les start-up réclament un accès libre à toutes les données relatives au calendrier évènementiel des destinations françaises, de façon à pouvoir répondre à une question majeure des visiteurs : « Que se passe-t-il, maintenant, dans la ville ou la région où je viens d’arriver pour y passer quelques jours de vacances ? ».

Autre enjeu : celui de l’accès libre de droits aux images et aux vidéos, qui devient essentiel à l’heure où la communication se fait de plus en plus visuelle.

Améliorer l’accès des start-up au monde institutionnel

Quand on constate qu’aujourd’hui il encore est quasi impossible pour une start-up d’adhérer à son office de tourisme local, sous prétexte qu’elle « ne rentre dans aucune case des professions touristiques classiques », on se rend compte du chemin qu’il reste à parcourir pour inciter les institutionnels à s’ouvrir à une plus grande diversité, voire hétérogénéité, d’acteurs ! 

Cette difficulté d’ordre purement administratif, qui ne devrait pas être insurmontable, souligne à quel point l’innovation relève d’un état d’esprit, et que l’enjeu de l’innovation en France dépend plus du changement des mentalités que de problématiques purement budgétaires.

Soulignons la décision récente de l’Office du tourisme et des congrès de Paris de créer une catégorie spécifique « start-up incubées au Welcome City Lab », qui permettra à ces dernières de devenir adhérentes à partir de janvier 2015 pour une cotisation très réduite.

Une réflexion de même nature est en cours chez Atout France, qui souhaite proposer prochainement un véritable « package start-up » adapté aux besoins des jeunes pousses qui souhaiterait devenir membres du GIE.

Il serait fortement souhaitable que les organismes, de type OT, CDT, CRT, intègrent les start-up dans leurs actions de promotion à l’international, comme les accueils de presse, les opérations de promotion commerciale, les salons professionnels, mais aussi à l’occasion du déplacement de délégations pour promouvoir leurs destinations à l’étranger.

Autre idée : celle de la mise à disposition gracieuse de salles de réunions et de salons de réception de ces organismes pour des évènements initiés par des start-up du tourisme, afin de favoriser la rencontre avec les professionnels du tourisme.

Enfin, les jeunes pousses réclament la généralisation des pratiques d’expérimentation sur l’espace public, à savoir la possibilité de tester leurs produits et leurs services grâce à l’accessibilité des certains lieux, notamment ceux gérés par les municipalités. 

Afin de ne pas être requalifié en marchés publics, l’expérimentation doit impérativement respecter 3 critères : 1/ qu’il n’y ait aucun flux financier entre la collectivité locale et la start-up ; 2/ que l’expérimentation soit limitée dans le temps ; 3/ qu’elle puisse être réversible à tout moment, notamment en cas d’urgence de sécurité publique.

L’expérimentation présente deux intérêts majeurs : 

  • elle permet aux start-up de vérifier comment leurs futurs clients s’approprient et utilisent leurs produits ou services, afin de pouvoir éventuellement l’améliorer avant son lancement commercial ;
  • elle leur donne une « première référence client », qui constitue souvent le sésame pour ensuite pouvoir répondre aux appels d’offres des collectivités locales, et ainsi rassurer le responsable de la commande publique sur la crédibilité de l’entreprise.

Améliorer l’accès des start-up aux grandes entreprises nationales et internationales

Les start-up demandent unanimement qu’on leur facilite l’accès aux grands comptes, qui non seulement représentent des débouchés possibles pour leur développement, mais aussi pour leur visibilité.

Tout l’intérêt d’un incubateur public / privé comme le Welcome City Lab est de pouvoir réaliser un véritable travail de pédagogie et médiation entre ces deux univers qui ne parlent pas le même langage et n’abordent pas les problèmes de la même façon. 

L’enjeu pour le grand compte est d’accepter que les problématiques d’innovation auxquelles il se confronte depuis longtemps auront plus de chance de trouver des solutions par le fait partager ses problématiques avec des start-up venant d’un univers culturel radicalement différent. On dit souvent que la « vraie » innovation, l’innovation disruptive, vient de la confrontation d’un problème avec une vision située dans autre univers, voire à la marge. De cette confrontation peut jaillir une idée radicalement nouvelle.

Autres idées : améliorer l’accès des jeunes pousses aux grandes entreprises internationales, en adaptant les programmes d’aides à l’export d’Ubifrance aux besoins des start-up ; mutualiser les inévitables coûts de traduction en langues étrangères des sites web de ces jeunes pousses.

Améliorer l’accès des start-up aux financements

La stabilité et la pérennité du financement de l’innovation touristique en France posent problème. En effet, si BPI France est missionnée depuis son origine pour financer l’innovation technologique, ce qu’elle assume très bien, aujourd’hui aucun financement de long terme n’est sécurisé pour financer l’innovation de service ou l’innovation d’usage.

Or, contrairement à une idée reçue, d’après un sondage réalisé par le Welcome City Lab sur son fichier de start-up, ces dernières sont beaucoup plus nombreuses à porter une innovation non technologique que technologique. Les jeunes pousses qui ont imaginé des algorithmes complexes ne courent pas les rues…

En 2014, la French Tech a accepté de palier à cette carence grâce à la « Bourse French Tech » qui, comme son nom ne l’indique pas, a permis de financer l’amorçage de start-up présentant une innovation de service ou d’usage. Mais à ce jour, rien ne dit que ses budgets seront reconduits à l’identique l’an prochain…

Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne peut pas vraiment compter sur le système bancaire français pour savoir prendre des risques et se mettre à financer l’innovation touristique !

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Laurent Queige, 45 ans, est un professionnel du tourisme et du marketing. Après des études à Sup’ de Co. Montpellier et un master en tourisme international, il a travaillé comme guide accompagnateur de groupes, puis agent de voyages à Via Voyages, puis attaché de presse à Maison de la France (Italie), puis consultant en marketing et aménagement dans le cabinet-conseil Setel France, puis chargé du Schéma Régional du Tourisme 2000 [...]
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