Comment mobiliser des résidents engagés ?

Publié le 9 juillet 2018
8 min

Jean-Luc Boulin vous a présenté dans cet article les prolégomènes aux travaux des 7è Francophonies du tourisme auxquelles j’ai eu l’honneur et le grand plaisir de participer au mois de juin dans cette île intense et incroyable de La Réunion.

Le sujet d’étude de cette année, Destination et résidents, était particulièrement inspirant, notamment dans le contexte d’une destination-île comme La Réunion. Le 14 juin, au cœur de la conférence de clôture, j’ai eu le plaisir d’animer un joyeux groupe composé de Patricia Almeida, Hôtelière et ambassadrice My Val d’Hérens en Suisse, Frédérique Dugeny, Directrice générale de Arcachon Expansion, Christian Loga, Chef de projet hôtellerie tourisme chez CIGESTCOM pour La Réunion, et moi-même. Nous avons travaillé sur la concrétisation de l’engagement des résidents pour la destination.

Voici une synthèse de notre intervention collective.

En premier lieu il nous a paru utile de rappeler quelques « cibles » mobilisables.

Les ambassadeurs

Autour d’une destination peut s’agréger une large communauté d’ambassadeurs aimant la destination et souhaitant participer à sa valorisation. On les retrouvesouvent dans les fans des pages Facebook de destination. Ce type de communauté se fonde sur une adhésion volontaire ouverte à tous, résidents permanents, temporaires ou de cœur. L’Alsace, par exemple, a réuni une communauté de plus de 28 000 ambassadeurs à ce jour.
Une charte simple portant sur les valeurs de la destination permet un premier engagement moral : partage de l’espace, volonté de préservation des ressources, parler positivement du territoire, etc.

Les macro-influenceurs

On ne les connaît pas toujours et pourtant ils sont partout autour de nous. Repérez-les, ce sont vos prescripteurs. Comment les repérer ? Comment tisser des liens avec eux ?
On peut les recenser sur Instagram en recherchant le contenu géolocalisé sur le territoire, puis nourrir une relation avec eux et les fédérer autour d’un hashtag. C’est le cas de Val d’Hérens qui a rassemblé ses prescripteurs autour du hashtag #myvalherens et adopté la stratégie du repost, une stratégie d’acquisition et de fidélisation qui a mis à l’honneur ces macro-ambassadeurs.
Sur facebook, la popularité des groupes n’est plus à démontrer. Il est intéressant de procéder à un travail de veille afin d’identifier les groupes d’intérêts, tout en s’appuyant sur les tendances émergentes (tourisme durable, manger local, bouger ect…)
Repérer les prescripteurs de la destination parmi ces groupes et instaurer un dialogue.
Quelques exemples de groupe pertinents pour La Réunion (non exhaustifs) :

Le même processus peut être abordé avec ces macro influenceurs qui ont un blog. Ils sont sur place et parlent de la destination naturellement. Le web regorge de contenus ignorés. Fouillez, cherchez, lisez les articles blog qui parlent de vous et de vos destinations. Identifier leur démarche blog, analyser leur contenu pour en extraire les valeurs est un bon moyen de recenser les plus pertinents de la destination. Quelques exemples locaux :

D’autres pistes demandent à être explorées, notamment avec les rendez-vous twittos ou sur Pinterest encore sous exploités.

Les associations, groupements ou clubs

Dans chaque destination existent des Clubs, Associations et groupements de professionnels qui partagent ou cultivent des valeurs autour d’une vision participative et citoyenne positive de valorisation de leur territoire autour de valeurs centrées sur l’humain. Ces associations peuvent être vectrices de participation.

Les gramouns (anciens en Kreole)

Ils sont un lien social intergénérationnel, la transmission d’une culture, d’un savoir. Ils sont aussi une présence sur le terrain pour dialoguer avec les visiteurs.
Les mobiliser pour la destination paraît à la fois évident et nécessaire pour participer à la mise en valeur des ressources locales, construire le récit de la destination et participer à l’accueil par leur présence sur le terrain et leur savoir.

La diaspora

Recenser les communautés d’influence expatriées dites “affinitaires” porteuses d’animation culturelle et identitaire avec une forte influence. Elles sont naturellement volontaires pour renforcer la prescription de la destination.

 

Si l’engagement reste simplement moral, il y aura peu d’impact sur la prescription de la destination ou pour l’accueil des visiteurs. Pour « engager » tous ces résidents, il nous semble indispensable d’aller au delà en proposant des rôles concrets, véritables missions au service de la destination. Nous en avons recensé quelques uns et imaginé d’autres, sans que cette liste soit exhaustive bien entendu. 

Le macro-influenceur

C’est une personne ordinaire, curieuse et passionnée, sociale, connectée, qui aime partager. Par sa démarche passionnée et fédératrice, le macro-influenceur apporte un nouveau regard sur les atouts du territoire, il est rassembleur et se fait porte parole des valeurs de la destination. Il aime la rencontre et raconte l’extraordinaire de l’ordinaire. Il est cueilleur d’histoires, reporter de territoire, il peut être tour à tour partageur de passions en dévoilant ses lieux secrets, ses pépites, passeur d’histoires en collectant la mémoire des anciens ou éclaireur de sentiers. Malgré une audience limitée, c’est un couteau suisse de l’influence avec un réelle expertise de son territoire à qui on laisse volontiers carte blanche.
Selon sa palette de compétences et talents, son rôle peut être multiple. Sa mission première et de générer du contenu inspirant pour embarquer sa communauté dans ses découvertes. Il invite les habitants à se reconnecter à leurs territoires et à prendre conscience des atouts de leur pays sur des axes sociaux, culturels ou patrimoniaux.
Il a un rôle d’animateur des résidents engagés. C’est un facilitateur de lien et peut agir comme un levier auprès des influenceurs-blogueurs (instragrammeurs, youtubeur…). Il devient une source d’inspiration pour tourisme local, et par son engagement il recrée du lien avec les habitants, tout en développant lui-même son audience.

La page facebook https://www.facebook.com/regards.elles/ est un parfait exemple si l’on se réfère à l’engagement des habitants. C’est au final le reflet de l’incroyable aventure #myvaldherens en Suisse : donner envie aux autres !

Le partageur de passions

Il accepte de répondre aux questions des visiteurs concernant son territoire et ses passions. L’Alsace expérimente un nouveau dispositif, #AvizersAlsace qui propose aux touristes de bénéficier des coups de cœur et bons plans des résidents. 
Pour le visiteur, c’est la possibilité de poser des questions via Messenger et d’être mis en contact avec des ambassadeurs qui vont partager avec lui les coups de cœur.

L’éclaireur de sentiers

Parlons de la randonnée qui est sans conteste une activité phare à la Réunion. Ces éclaireurs sont sur les sentiers, ils avisent et renseignent les randonneurs. Ils provoquent la rencontre, valorisent la pratique de la randonnée et sensibilisent aux valeurs humaines et eco-citoyennes. (respect des sentiers, déchet, respect de la faune et de la flore…).

Quelques exemples sont connus, notamment les patrouilleurs à vélo à Sherbrooke qui renseignent les voyageurs cyclistes le long de leur parcours, comme l’évoquait Emmanuelle Déon dans cet article. Egalement les “1818” de la station de sport d’hiver de Thyon 2000 en Suisse avec une mission d’aide sur les pistes de ski : raccompagner les skieurs perdus, porter les skis des enfants à la sortie des cours de neige, sensibiliser à une bonne conduite sur les pistes. Un ensemble de petites choses qui d’une part apporte un capital sympathie à la station et qui vise à mettre en relation skieur et habitant pour une meilleure cohabitation.

Le passeur d’histoire

C’est une personne ressource qui va raconter l’histoire, les coutumes, les traditions, les fêtes. On pense évidemment en premier lieu aux « gramouns ».
Les macro-influenceurs pourraient aller les interviewer, rendre compte, partager, imager, transmettre… 
Ce récit profondément humain pourrait prendre une place prépondérante dans les supports et la communication de la destination sous toutes ses formes, autant vers les résidents eux-mêmes que vers les visiteurs pour enrichir le contenu et donner du sens et de la fierté.

Pour La Réunion, les récits de ces passeurs d’histoires renforceraient et feraient sens avec le positionnement « l’île intense ». On peut voir un exemple assez incroyable de cette « humanisation » avec la page Facebook de Léon Vivien, le poilu au 60 000 fans ! 
Pour comprendre l’identité d’un territoire, la mémoire des gramouns est essentielle. On oublie parfois à quel point le témoignage de nos anciens nous est précieux dans la construction d’un tourisme de sens.

Le Greeter

Repérer dans les personnes qui participent aux fêtes locales, aux pique nique celles qui vont vers les gens qui sont fières de leur île, qui veulent la partager.
Organiser les rencontres, planifier les rdv, transmettre le petit côté secret de La Réunion, des petits coins cachés. Créer du lien, des cafés rencontres ou pique-niques (une tradition réunionnaises très ancrées) partagés avec les touristes (comme il semble qu’il y en ait eu) de l’échange pour inciter le touriste à découvrir autre choses que le cliché touristique.

Chaque communauté de rôle doit être animée de manière particulière selon ses besoins.
Pour l’institutionnel, un certain lâcher prise s’avère indispensable pour favoriser la coopération entre les membres. Un habitant doit prendre la main sur l’animation de la communauté dans le respect d’un guide de bonnes pratiques à construire pour chaque typologie.
Incidemment, la gouvernance doit prendre en compte les “coopérateurs” en les impliquant dans les stratégies d’évolution et de communication.

Engager les résidents, c’est pour les institutionnels abandonner de leur rigueur administrative pour assurer une coordination d’actions multiples sans en assurer en permanence le contrôle…

Bien évidemment, la reconnaissance des autorités et des voyageurs est primordiale pour la mobilisation des résidents. L’accent doit être mis sur une bonne communication des retours d’avis ou de réclamations pour dynamiser les démarches.
La valorisation des ambassadeurs pourrait prendre des formes diverses comme des portraits réalisés par les macro-influenceurs et relayés sur les réseaux sociaux.
Chaque réunion d’ambassadeurs pourrait permettre la découverte d’un prestataire ou d’un lieu particulier pour en favoriser la recommandation.
Une carte ambassadeurs avec un certain nombre d’avantages (invitation aux avant-premières, réductions diverses, entrées gratuites dans les sites et musées, etc.) peut être aussi un bon vecteur de valorisation.
Là encore, les écouter, les faire échanger avec d’autres communautés, prendre des idées ailleurs, pour donner toujours plus d’idées, de travail sur le contenu, la facilitation de la rencontre,…

 

Pour conclure, nous avons constaté que les premières démarches enclenchées par des destinations pour engager les résidents sont certes souvent parcellaires, mais elles nous montrent certains côtés vertueux incontestables :

  • fidélisations des visiteurs qui recommandent davantage la destination et s’engagent en devenant à leur tour des ambassadeurs ;
  • un vrai désir des résidents de participer activement à la valorisation de la destination ;
  • une « culture d’accueil » qui se renforce en se diffusant ;
  • une fierté renforcée.

Bref que du bonheur !

Ce bonheur impose une approche respectueuse et attentive pour tirer le meilleur parti de la mobilisation des résidents. Cela exige du temps, de la persévérance et de l’empathie au service d’un tourisme de sens porteurs des valeurs de la destination.

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Paul FABING est consultant joyeusement intermittent depuis 2022 ! Architecte de formation, ancien consultant tourisme, chef du service Tourisme de la Région Alsace, directeur de RésOT-Alsace (Réseau des offices de tourisme), directeur du pôle Qualité de l'accueil à l'Agence d'Attractivité de l'Alsace (AAA), et enfin directeur de la Mission Attractivité chez Alsace Destination Tourisme. Promis, il s’efforcera de ne pas rédiger en Alsacien, et apportera sans doute un petit vent d’est [...]
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