Le Réseau des Grands Sites de France rassemble près de 50 collectivités gestionnaires de territoires labellisés ou en cours de labellisation. Marie Le Scour est chargée de la communication et du partenariat pour le réseau, Mathilde Mignon est spécialiste des relations presse et Madame Oreille est photographe et créatrice de contenu. En récoltant leurs retours d’expérience, cet article propose de revenir sur la dernière campagne de communication « Au fil des grands sites« , menée autour de la notion d’influence responsable.
Marie Le Scour est chargée d’accompagner les Grands Sites dans une communication sensible, porteuse de valeurs communes. Dans son travail, elle tente de retranscrire les principes fondamentaux des Grands Sites de France en matière de préservation, d’aménagement ou de gestion des sites fragiles. Ces paysages exceptionnels sont protégés au titre de la loi 1930 relative aux monuments naturels et aux sites qui sont emblématiques des territoires concernés. Sur 2700 sites classés “Sites de France”, seulement 21 ont la distinction “Grands sites de France” qui le sont pour leur grande valeur paysagère et patrimoniale.
Le label est décerné par le ministère chargé de l’environnement auprès de sites qui ont fait preuve d’une bonne gestion du site et d’une garantie de préservation sur le long terme.
Tous ces sites bénéficient d’une forte notoriété et sont déjà très fréquentés par les visiteurs. Pour les collectivités, il est nécessaire de trouver le bon équilibre entre la préservation de ces paysages fragiles et un accueil de qualité, capable de soutenir des flux de visiteurs importants.
« Il est essentiel de permettre à chaque visiteur de découvrir et de vivre une immersion, une expérience sensible des lieux pour pouvoir retrouver le ressourcement, l’inspiration et l’esprit des lieux. Cette expérience sensible n’est pas duplicable, que l’on se retrouve en Camargue gardoise, dans la Baie de Somme ou dans le Marais poitevin « (Marie Le Scour).
L’objectif pour ces territoires est d’avoir une préservation qui va toucher toutes les composantes des Grands Sites comme la biodiversité, les pratiques socio-économiques, la culture ou encore, le tourisme. Pour être atteint, il suppose un travail important de préservation et une concertation entre tous les acteurs, notamment pour préserver des activités traditionnelles qui façonnent les paysages et l’imaginaire de lieux (poterie, pastoralisme, artisanat ou agriculture, etc.).
Les lieux étant déjà attractifs, il n’est pas nécessaire de créer davantage de dépliants, signalétiques ou d’actions de communication habituelles. Ici, il faut comprendre la valeur du patrimoine et donner des clés pour découvrir et respecter les lieux. Les Grands Sites ont rassemblé leurs valeurs dans un document cadre validé en assemblée générale. Les notions d’économie et de développement locale, durable, et la mise en valeur des principes de sobriété, de réversibilité, de sensibilité, de discrétion ou de singularité, doivent donc se retrouver dans la communication qui viendra valoriser ces lieux. “Il n’est plus question de savoir où venir mais quand et comment” (Marie Le Scour).
Pour répondre à ces exigences, le choix a été porté vers les influenceurs. L’influence se définit ici comme la capacité à valoriser un lieu d’une autre manière, en immersion avec des reportages hors saisons et soutenus par la photographie.
En collaboration avec Mathilde Mignon (agence RP Digital), un travail a été proposé pour identifier le périmètre de ce qu’on pourrait identifier comme durable et responsable. Par exemple, la photo ou les vidéos doivent être prises à vue d’homme plutôt que par une vue de drone qui ne correspondrait pas à ce qu’on va vivre sur le site. La commande a donc été portée sur l’immersion qui pourrait être reproduite par le visiteur.
Aussi, un travail a été fourni pour valoriser les personnalités des locaux et les activités durables autour des thématiques de hors saison, ou de mobilité douce. L’idée est de montrer toutes les saisons des lieux moins visités tout en prenant en compte leur fragilité. Ces actions permettent de ne pas montrer le cœur de site qui n’en a pas besoin car déjà très attractif. Par exemple, le Grand Site Falaise d’Étretat – Côte d’Albâtre ne communique plus sur la falaise d’Étretat mais sur la Côte d’Albâtre pour faire connaître le reste du paysage. Moins populaire, il reste doté de qualités patrimoniales et paysagères qui font aussi partie du site classique, qui restent exceptionnelles et qui sont beaucoup moins fréquentées.
Enfin, en passant par des influenceurs, il est possible de s’adresser à un public plus jeune qui aurait moins le réflexe de passer par les offices de tourisme ou les visites guidées traditionnelles, mais qui restent sensibles à la qualité des lieux et à l’environnement. L’appel aux influenceurs permet cette approche plus personnelle, plus intime vers un tourisme en quête de sens. Le travail des influenceurs devient une passerelle entre ces Grands Sites et ces jeunes générations, en leur transmettant des valeurs et en leur apportant des codes sur la manière dont il est possible de décrypter et de découvrir ces paysages exceptionnels.
« En tant que personne sensible à ces sujets, on suit à titre personnel des créateurs de contenus, on voit ceux partageant déjà un discours de sensibilisation et des valeurs avant tout. Nous avons travaillé avec Mathilde Mignon de RP Digital, avec son carnet d’adresses et son suivi professionnel pour la mise en relation et le brief. On a réalisé ensemble une première liste de critères qui pourrait convenir pour ce genre de reportage. On a proposé à nos membres de recevoir ces créateurs de contenu pour un reportage chez eux et c’est comme ça qu’aujourd’hui 6 reportages ont déjà eu lieu et un autre est programmé pour le printemps 2023” (Marie Le Scour).
Parole de Madame Oreille
A l’origine, Aurélie Amiot alias Madame Oreille partage ses souvenirs de voyage sur un blog personnel à destination de son entourage. Au fil des années, le blog gagne en popularité jusqu’à devenir son activité principale. Dernièrement c’est donc un travail qui a été fait avec les Grands Sites de France dans le Massif du Canigó ou le Grand Site Solutré-Pouilly-Vergisson.
“Le choix des destinations n’a pas tellement d’importance en tant que destination mais plutôt en tant que projet. Il existe mille façons de visiter un lieu et de préciser l’histoire que l’on va rencontrer. On construit ensemble, avec la destination, pour essayer de trouver quelque chose qui correspond à ce qu’on raconte. Il faut que ça fasse sens.
Avant la crise, je rencontrais mes lecteurs lors d’ateliers de voyage photos. De manière générale, les lecteurs d’un blog sont censés se ressembler car ils sont sensibles à notre personnalité. On a vieilli ensemble, à l’époque certains étaient backpacker en Asie et comme moi, aujourd’hui on est plutôt vélo en famille. On se ressemble.
Avec les Grands Sites de France, on a travaillé ensemble avec Mathilde qui m’a proposé les projets. C’est vrai que ce sont des sujets qui me plaisent donc des échanges sur comment on fait l’itinéraire sur place et ce qu’on met dedans ou pas, avec des activités qui me correspondent et des activités auxquelles ils n’avaient pas pensé.
De mon côté, j’étais sensible aux valeurs. J’avais envie d’avoir des gens qui sont sensibles à la rencontre, au côté humain pour mettre en avant les personnalités du territoire. Les acteurs locaux ont décidé de faire ces rencontres pour trouver des gens, des portraits avec qui ça marcherait. Pour l’anecdote, il est plus simple de faire des portraits d’hommes qui se livrent plus facilement. Mais c’était quelque chose auquel je tenais, rencontrer autant de femmes que d’hommes,, de jeunes et de diversité dans les portraits. Sur place ce n’est pas forcément très long, entre 5 ou 6 jours. Par contre, il faut bien plus de temps pour faire le tri des photos et pour assurer le travail de rédaction.
À Solutré, un moment assez chouette, on a fait une balade à cheval avec une fille de viticulteur œnologue. Elle termine dans un pré où on a laissé ses chevaux avec une table et quelques tonneaux pour une dégustation avec couché de soleil face à la roche de Solutré. C’était tout simple, avec ses parents, collègues et nous. On discutait devant le paysage magnifique, avec des locaux. C’était de vrais échanges et un moment de convivialité. Ce sont ces moments que je souhaite valoriser.”
Pour terminer et en reprenant les mots de Marie, l’enjeu dans ces opérations est de faire cohabiter les codes des réseaux sociaux et de la communication digitale avec le travail exigeant et important que portent les acteurs sur le terrain des Grands Sites de France. Ainsi, ce travail permet de véhiculer du contenu pour que le lecteur puisse se réapproprier ces valeurs et se reconnaître dans ces paroles que portent les influenceurs.