Commercialisation des activités : bientôt trop tard ?

Publié le 15 mars 2019
7 min

Après avoir (définitivement ?) perdu la bataille de la commercialisation des hébergements, peut-on encore espérer, en tant qu’OGD, prendre une place digne de ce nom sur la vente en ligne des activités ? En a-t-on l’envie, les moyens, la légitimité ? Est-ce pertinent ? Mais, surtout, les grands méchants géants du net vont-ils nous laisser le temps de réfléchir à la question ?

Ça intéresse quelqu’un tout ça ?

Si nous connaissons tous 2-3 exemples de destinations ayant pris le virage de la vente en ligne d’activités ces dernières années (je pense par exemple à Expérience Côte d’Azur, Visiter Lyon… mais n’hésitez pas à compléter dans les commentaires), on ne peut pas dire que l’on soit face à un raz de marée !

Même si mon petit doigt me dit que d’autres ne vont pas tarder à faire parler la poudre (n’est-ce pas Bordeaux Tourisme ?) et que d’autres encore sont en pleins travaux sur le sujet, reste que les initiatives sont pour l’instant anecdotiques. C’est à se demander si les OGDs se sentent concernés… à moins qu’ils ne soient refroidis par quelques échecs de places de marchés et centrales de réservation ?

Bon, on n’est pas là pour refaire l’histoire de la baston autour de la vente en ligne des hébergements, on la connait tous assez bien 🙂 Revenons-en aux activités.

Les activités, une (non) industrie à part

Avant de rentrer dans le dur, précisons ce que j’entends ici par activités : c’est pas compliqué, c’est globalement tout ce qui reste une fois qu’on a sorti le transport et l’hébergement ! Activités outdoor, musées et lieux culturels, visites et excursions, parcs d’attraction, cours et stages, « expériences » en tous genre, billetterie spectacles et événements, restaurants…

Contrairement à l’hôtellerie et aux transports, ces activités ne constituent pas une industrie structurée disposant de standards, d’outils, et d’organisations représentatives. L’offre est pléthorique, extrêmement fragmentée, atomisée et non standardisée. Les prestataires sont pour la très grande majorité totalement indépendants, hors de tous réseaux, et bien souvent tous petits. Ils manquent de temps et de moyens pour se commercialiser et d’appétence pour les technologies…

Jusqu’à peu, les OTAs étaient bien trop occupées à se disputer les 80% de part du « gâteau Travel » représentés par le couple transport/hébergement. Des industries hyperstructurées, standardisées, équipées de GDS depuis longtemps… Pourquoi aller s’em…er à se pencher sur ce « petit » marché des activités qui semble bien complexe vu de leur fenêtre ?

Oui, mais ça, c’était avant. Avant que les OTAs n’aient besoin de se diversifier, notamment dans un contexte où on nous dit que plus des 2/3 des voyageurs préfèrent dépenser plus pour les activités que pour une meilleure chambre d’hôtel. Du coup, depuis 2-3 ans, on commence à voir quelques acteurs, et pas des moindres, se tourner vers ce secteur, chacun à sa manière : Viator, GetYourGuide, Ceetiz, Kazaden, Airbnb Experiences, Booking Experiences…

Un (non) marché pour les OTAs ?

On commençait bien à sentir qu’il aller se passer quelque chose, mais connaissant bien le secteur des activités localement, on ne voyait pas trop par quel miracle des acteurs aussi globaux allaient pouvoir adresser un marché aussi local ! Et si on regarde l’état des stocks aujourd’hui, on peut encore rester dubitatif : à peine 800 offres en France pour l’un des leader, des destinations hypertouristiques carrément inconnues de l’autre… difficile d’être crédible et on serait curieux de connaitre les vrais chiffres de ces plateformes (on estime à à peine 5% la part des activités vendues via les OTAs…)

D’autant qu’au delà de la problématique de l’offre, quasiment impossible à référencer, la question se pose également au niveau de la demande. On sait que 80% des activités sont réservées sur place, pendant le séjour, à la dernière minute : un moment du parcours client parfaitement étranger aux OTAs, pleinement focalisées sur l’avant séjour ! Ah, tiens, ça tombe bien, je connais des acteurs qui sont plutôt pas mauvais sur le sujet de l’accueil et du conseil en séjour…

Une aubaine pour les OGDs ?

OK, résumons un peu la situation et observons le paysage :

  • Une multitude de tout petits prestataires éparpillés non structurés (mais tous connus des OTs, parfois adhérents ou partenaires)
  • Des prestataires sans outils numériques dignes de ce nom, qui prennent leur réservation via téléphone sur leur agenda papier (mais dont le rôle de l’OT est entre autre de les professionnaliser et les accompagner dans leur transition numérique)
  • Une offre pléthorique mais fragmentée, inréférençable globalement (mais parfaitement connue des OTs et référencée dans le SIT)
  • Des visiteurs qui n’anticipent pas et réservent leurs activités sur place à la dernière minute (mais qui voyagent tous avec leur smartphone et l’utilisent pour 65% pendant le séjour pour se renseigner sur les activités et lieux à visiter)

Je sais pas, mais à priori, quand on aligne tous ces facteurs, on commence à se dire qu’il y a un sujet à creuser en tant qu’OGD, non ? Au moins pour ceux qui ont un minimum de culture marketing et des structures et champs d’intervention adaptés…

D’autant que si, jusqu’à très récemment, la technologie était un facteur bloquant (les outils historiques de vente en ligne étant pour la plupart peu crédibles en matière d’expérience utilisateur et taux de conversion…), la donne a changé avec de nouveaux entrants qui renversent la table : Regiondo, Elloha, Addock… (n’hésitez pas à compléter dans les commentaires). De nouvelles solutions performantes, dont les prestataires commencent à s’équiper parfois en autonomie, séduits qu’ils sont par la couverture fonctionnelle (PMS, Channel manager, encaissement en ligne simplifié, GRC, gestion des avis…) et les conditions tarifaires attractives.

Alors… on y va ?

Si on se dit qu’on est capable de mobiliser les prestataires d’activités, qu’on peut les accompagner dans l’équipement et l’adoption des technologies, qu’on connait parfaitement l’offre et qu’on est crédibles aux yeux des visiteurs pour leur proposer (et vendre) des activités pendant leur séjour, alors il y a probablement, en effet, une opportunité à saisir !

Un vrai projet de destination, où l’OT et les prestataires d’activités pourraient par exemple co-produire du contenu inspirant pour capter des clientèles, et leur proposer, une fois sur place, de réserver ces activités sur le site de l’OT (et/ou des prestataires).

Tiens, et si c’était aussi l’occasion de se ré-adresser aux locaux ? Au cibles de proximité ? Si c’était l’occasion de développer l’offre de loisirs et de micro-aventures pour favoriser la consommation touristique des habitants ?

Mais qu’on ne s’y trompe pas : il va falloir y aller avec les bonnes armes ! Ça ne pourra être vraiment efficient que si on entre dans une vraie démarche marketing, qu’on commence par s’intéresser au client, le connaitre, comprendre ses attentes et besoins, structurer et mettre en scène l’offre adaptée, et surtout, adopter des outils faits pour vendre ! On ne peut prétendre faire du business qu’avec des outils dédiés au eCommerce…

Reste à s’assurer d’une chose, fondamentale : que l’OT soit identifié comme le point de contact privilégié, le point d’entrée réflexe, sur le web, pendant le séjour, lorsqu’un visiteur cherche une activité ! Qu’il ait connaissance de ce service de l’OT et conscience du service qu’il peut lui rendre, largement valorisé en amont. Les dispositifs d’internet de séjour peuvent probablement y contribuer, les Social Ads hyper ciblées aussi, sans oublier les bon vieux dispositifs offline déployés sur la destination.

Un concurrent (in)attendu…

Car le plus gros concurrent, très largement sous-estimé sur le sujet, n’est pas (encore) une OTA : c’est tout simplement notre ami Google ! Peut-être avez-vous aperçu dernièrement la nouvelle arme fatale de Google My Business, déployée progressivement depuis l’été dernier sur certaines activités :

Et oui ! 🙂 Vous ne rêvez pas, je peux bien acheter mon coupe file pour la Cité du Vin, directement sur Google, le payer avec mon compte Google Pay, tout ça sans sortir de Google… et ce, grâce à des partenariats entre Google et les acteurs du secteur (Tiqets, GetYourGuide, Viator…)

BoG ! Il faudra vous habituer à cet acronyme : Book On Google ! (à noter que BoG existe depuis déjà un moment mais était très peu activé en France, et que Google a également ouvert le même service pour les hôtels, couplé à son programme publicitaire idoine).

Et là, si vous avez bien suivi, vous me voyez venir… Google My Business (= le SIT de Google, qui connait déjà une belle partie de l’offre d’activités, contrairement aux OTAs) + BoG (les prestataires pourront probablement prochainement activer cette option sans intermédiaires) = déjà trop tard ???

Probablement pas… je crois qu’il reste un champs monumental à adresser, et que l’auto-commercialisation des prestataires d’activités sur GMB, si elle devient possible, reste très hypothétique, notamment car elle sera adossée à un modèle CPC ou CPA que les prestataires ne savent pas piloter pour la plupart.

Pour terminer, il va être intéressant de voir comment Google va ouvrir BoG en direct : ça pourrait être drôle qu’il autorise la vente de visites guidées pour les OTs 😉

Bref, le sujet est, je pense, majeur, et à un moment où on commençait à avoir la sensation de tourner un peu en rond (lire Sites web touristiques : vers la pensée unique ?) sans réelles perspectives d’exploration, ça fait du bien d’ouvrir de nouveaux champ de réflexion, non ?

Et vous ? Des retours d’expérience ou projets à nous partager en commentaires ?

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Fondateur @ThinMyWeb / Co-Fondateur @Kairn [MISSION] Conseil éthique et engagé en stratégie digitale dans le tourisme [GENESE] "Early adopter" de l'internet à titre professionnel dès 1995, j'ai forgé l'essentiel de mon expertise en agence web, en tant que directeur conseil associé et expert en eTourisme. [THINKMYWEB] En fondant ThinkMyWeb en 2016, j’ai voulu mettre mon expérience digitale au service d’une proposition de valeur distinctive, centrée sur un conseil éthique, sincère [...]
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