De la puissance transformatrice des récits

Publié le 7 octobre 2024
5 min
Les #ET20 s’approchent à grands pas et pour prendre la suite de Jean-Baptiste qui approfondissait ici les 3 mots-clefs de l’édition 2024, détaillons ici le #futurs.

Remarquons ensemble que le terme « Futurs » se présente ici au pluriel, car de futurs possibles il en existe de toutes sortes.

Si la littérature et les arts visuels (cinéma, art contemporain) regorge de dystopies, il est également des mouvements, dont nous avons déjà parlé ici, qui s’attellent à inventer collectivement des futurs souhaitables.

Nous ne parlerons pas ici d’utopie parce que 1/ celle des un.es ne serait pas celle des autres 2/ au rythme où l’on va, il semblerait que les humains soient bien plus doués pour la dystopie que l’utopie, 3/ essayons de nous projeter sur des futurs réalistes et réalisables, ce sera déjà une belle avancée.

Cependant, avant d’imaginer de nouveaux récits pour nos futurs désirables, encore faut-il que nous comprenions comment agir sur les récits aujourd’hui dominants. Ce qui est en jeu, c’est notre capacité à identifier le caractère dysfonctionnant (parce que caduque, vieillissant voire destructeur) de ces narratifs qui nous collent à la peau, parce qu’ils sont pleinement constitutifs de notre rapport au monde, aux autres et au vivant ; et parce que nous y sommes pleinement immergés dès les balbutiements de notre éducation.

On entend parfois le terme de déconstruction, qui peut sembler insécurisant, mais nous pouvons le voir à la manière d’un.e curieux.se qui démonterait son réveil-matin pour en comprendre le fonctionnement, et qui lui apporterait une amélioration au moment du remontage (où l’on voit que mes connaissances en électronique n’ont aucune limite, merci de votre indulgence pour cette métaphore hasardeuse).

Cette déconstruction peut s’appliquer à des systèmes de taille et d’échelle variable : le capitalisme, le monde du travail occidental, le rôle du tourisme institutionnel.

DES RECITS QUI NOUS STRUCTURENT

Ces systèmes sont des produits de nos constructions mentales millénaires ou centenaires, totalement fabriqués à des fins diverses. De la même manière absurde que « quelqu’un » a décidé que des bouts de papier rectangulaires et colorés détiendraient une valeur monétaire, on peut se dire que le monde tournerait relativement aussi bien si nos offices de tourisme portaient un autre nom ou des missions annexes / corollaires / différentes. Il ne s’agit évidemment pas ici de mettre à bas nos organisations, mais bien plutôt de s’autoriser à en regarder l’aspect presque fictif (référons-nous ici aux changements de noms de destinations parfois baroques que la Loi Notre a engendré) pour alors se permettre de réfléchir le futur autrement, vraiment autrement.

Si nous n’en passons pas par cette étape de « démontage », d’autres obstacles se dresseront entre nous et ces récits à inventer.

Le biais de conformité nous enjoindra à perpétuer ce qui a toujours été : l’humain est une espèce sociale qui se sent particulièrement insécurisée lorsqu’elle sort du rang – et rien ne sert de qualifier les prétendus suiveurs de moutons, nous sommes toutes et tous constitué.es ainsi.

Mais le biais cognitif qui nous empêche le plus de se souhaiter collectivement de meilleurs jours (et a fortiori d’agir dans ce sens), est celui de l’impuissance acquise. J’ai déjà écrit sur ce sujet ici, pour tenter de comprendre avec l’appui des neurosciences à quoi est dû notre inaction climatique ; il est intéressant de voir que ce biais affecte également notre capacité à nous projeter vers d’autres possibles, quelques soient leurs aspects sociaux, sociétaux, économiques…

Rappelons que ce biais est le parfait anti-colibri, qui consiste à penser que les individus ne peuvent rien à leur petit échelle, alors à quoi bon…

Et c’est là qu’arrive un outil qui prend le parti que des sommes d’individualités, ont, par grappes, de nombreuses possibilités pour infléchir sur le cours des choses.
Cet outil est celui de la Fresque que vous avez certainement déjà pu expérimenter – en tout cas je vous le souhaite.

LES FRESQUES, CE BEL OUTIL D’INTELLIGENCE COLLECTIVE

Une fresque, quel que soit son sujet, est un atelier d’intelligence collective qui vise 1/ à sensibiliser les participant.es à un sujet donné, 2/ à imaginer des pistes d’action et de changement très concrètes, réalisables et à la portée de tous.tes.

Après avoir vécu la Fresque du Sexisme (lire le « J’ai testé pour vous » sur la page Linkedin de OK Juno), j’ai participé récemment à une Fresque des Nouveaux récits. Si vous suivez un peu ce que je fais, vous aurez vu que j’écris des nouvelles de design fiction sur ce blog, que j’accompagne des collectifs à la mise en récits de scénarios du futur, et que plus globalement mon travail consiste à raconter des histoires (comme le vôtre, en réalité, mais on va y revenir).
Pour vous faire le retour de ce que je puise dans cette pratique, c’est tout d’abord que je la trouve
– puissante dans ce qu’elle active un collectif autour d’un sujet partagé,
– joyeuse dans ce qu’elle suscite l’imaginaire et libère la créativité,
– mobilisatrice en ce qu’elle porte en elle sa capacité agissante et transformatrice.

Les récits sont transformateurs par nature. Ils sont les grands paradigmes que nous avons inventés pour appréhender les contours de notre monde et être capable de vivre ensemble ; ce sont nous qui les avons produits, et c’est nous qui avons le pouvoir de les faire évoluer.
Ils sont aussi ce qui nous permet d’écouter l’autre, par empathie, par projection – il m’est plus facile de m’identifier à Juliette, libraire de 42 ans à Lille, qui a décidé de monter le collectif « Poisson Rébellion » avec les enfants de l’école pour lutter contre la surpêche en organisant des commandos pacifistes dans les supermarchés de la métropole, que d’écouter des brèves alarmistes et fatalistes dans un contexte de surcharge informationnelle et mentale.

Nous disions il y a quelques lignes que votre travail est de raconter des histoires : celles des vacances de vos futur.es visiteur.ses, de leurs fantastiques séjours et rencontres sur votre territoire. Vous fabriquez chaque jour des récits de demain, vous les écrivez dans des billets de blogs, vous les mettez en image sous forme de photos ou de vidéos, vous mettez le narratif au service de votre stratégie de destination et de son attractivité. Vous avez donc également ce pouvoir d’agir, à votre échelle.

Quelques pistes pour démonter votre réveil-matin et raconter différement le futur de votre territoire et ce dès la semaine prochaine à Pau :
– participer à une fresque en tant que citoyen.ne : inscription à la Fresque du Sexisme à Pau le mardi – 13h30
– participer à une fresque en tant qu’acteur.trice du tourisme institutionnel : inscription à la Fresque de la Ville à Pau le mardi – 14h
– participer à l’atelier « Futurs et vivre-ensemble » jeudi matin à 9h (j’amène le thermos de café, promis) où nous confronterons nos modes de vie actuels à ce qu’ils pourront devenir en 2034.
– venir écouter l’atelier « Comment changer la communication touristique et – à notre échelle – faire progresser le tourisme » où nous verrons comment concrètement appliquer la théorie aux pratiques touristiques.

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Laurence Giuliani dirige Akken, agence de production sonore pour les destinations touristiques et les lieux de culture. Anciennement responsable d'un Office de Tourisme en milieu néo-rural (ou péri-urbain, comme vous voulez), manager d'artistes, productrice en label indépendant, Laurence cultive la curiosité comme carburant du quotidien. Ses marottes : le son, le tourisme culturel et le "komorebi", cette lumière qui filtre entre les arbres, comme des fêlures de timidité entre les [...]
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