On le sait, le secteur du tourisme est en constante évolution et la crise sanitaire n’a fait que renforcer l’attrait de certaines destinations. Cependant pour certains territoires, cette croissante constante du nombre de touristes incarne un défi important et plusieurs d’entre elles se retrouvent victimes de leur propre succès. Pour lutter contre la surfréquentation et tenter de préserver leur territoire certaines destinations se lancent alors dans des campagnes de démarketing territorial. Zoom sur ce principe avec l’exemple du Parc Naturel Régional des Calanques.
Le démarketing territorial pour casser l’attractivité
La notion de « démarketing territorial » n’est pas nouvelle et pourtant elle fait de plus en plus parler d’elle depuis la crise du COVID. En effet, alors que certaines villes attendent avec impatience le déconfinement, l’autorisation des déplacements au delà des 10km, la réouverture des commerces et des lieux culturels, etc.
D’autres villes appréhendent ce retour « à la normale » car elles se sont parfois retrouvées victime de leur succès avec une fréquentation dépassant la capacité d’accueil de leur territoire et menant ainsi à une sur-fréquentation qui peut amener une dégradation de certains lieux, des impacts sur la population locale, une pollution des écosystèmes, etc.
Plusieurs destinations s’emparent alors du sujet en mettant en place des campagnes de démarketing territorial qui visent à casser l’image traditionnelle du territoire attractif avec ses attraits idylliques en la remplaçant par une imagine plus proche de la réalité et ainsi moins attractive.
Pour développer une stratégie de démarketing territorial, plusieurs actions sont possibles : cesser la promotion, promouvoir uniquement des lieux méconnus, éviter la géolocalisation des lieux « fragiles », mettre en place des mesures de restrictions, augmenter les tarifs … Je vous encourage à en découvrir davantage sur les stratégies de démarketing territorial en lisant cet article du blog Veilletourisme.ca.
Lutter contre l’image idyllique des calanques
Le Parc Naturel Régional (PNR) des Calanques a fait parler de lui en ce début d’année car il a pris l’initiative de se lancer dans le démarketing territorial. Cette situation part d’un constat simple : l’an dernier, à la sortie du confinement, la fréquentation du parc a explosé alors qu’elle accueillait déjà 3 millions de visiteurs en 2019. Derrière la carte postale idyllique des criques méditerranéennes, il y a une réalité bien différente : des plages saturées, des déchets abandonnés, une érosion des fonds marins et des arbres, des blessures de visiteurs qui sortent des sentiers recommandés, etc.
Le parc a décidé d’afficher avec sincérité cette réalité pour responsabiliser les visiteurs mais aussi tenter de limiter la fréquentation touristique. Ainsi, sur la rubrique baignade du site internet du PNR des Calanques vous retrouvez non plus des photos de plages désertes aux couleurs éclatantes mais des photos de plages bondées telles qu’on les retrouve réellement l’été. Adieu les descriptions et verbatims idéaux qui traduisent la carte postale « pin parasol, eau turquoise et faune et flore préservée » … Place à des verbatims qui mettent en avant la réalité de cette destination « difficiles d’accès, de taille réduite et surfréquenté en été » ou encore « l’eau dans les Calanques est souvent froide ».
Une sur-fréquentation qui se concentre sur des périodes précises (entre pâques et la Toussaint) et sur des sites stratégiques (lieux de baignades, zones de stationnement des bateaux) qui peuvent à terme mettre sérieusement le parc en danger. Notamment en terme d’environnement où les ancres des bateaux qui viennent s’amarrer dégradent les fonds marins, les pins qui commencent à se déchausser à cause de l’érosion des sols dû aux piétinements des personnes qui sortent des sentiers battus pour prendre des photos ou s’installer tranquillement à l’abri de la foule ou encore le risque d’incendie constant.
Pour lutter contre cette situation et préserver son territoire, le Parc va au delà du démarketing et a également mis en place des mesures de restriction comme des interdictions de circulation, le plan de mouillage qui sera revu pour interdire certaines zones aux fonds marins trop sensibles ou encore l’installation de compteurs de personnes permettant d’analyser la fréquentation du site et d’adapter les mesures.
L’objectif est d’éviter d’aller vers des solutions extrêmes comme la fermeture du parc quelques mois par an ou encore la monétisation des entrées. En mettant en place un démarketing territorial, le parc fait non seulement parler de lui (comme l’a fait l’office de tourisme de Nouvelle-Zélande récemment) mais surtout il sensibilise ses visiteurs, il les décourage plutôt que de les interdire. Pour en découvrir davantage sur cette volonté, découvrez l’interview de Didier Réault, président du parc national des Calanques.
Un démarketing qui se propage jusqu’à Marseille
Ainsi, la mairie de Marseille a récemment affiché sa volonté de ne pas faire la promotion de la ville pour l’été pour éviter la sur-fréquentation. Elle souhaite enlever l’image « Notre-Dame de la Garde, quartier du panier et plage » pour aller plutôt vers une valorisation des sites moins touristiques et entre autre éviter l’effet cluster que pourrait produire un afflux de personnes.
Une prise de position qui a récemment fait débat notamment avec l’Office de Tourisme qui a pour mission la promotion de sa ville via des campagnes publicitaires pour promouvoir la destination sur les « ailes » de saison et ainsi étaler la fréquentation. Alors que la ville préférerait consacrer l’argent prévu pour un recrutement et une formation de saisonniers permettant d’étaler les circuits touristiques. Une affaire à suivre courant mai où la ville va présenter son projet de gestion des flux touristiques pour la saison baptisé « l’été marseillais » et où le démarketing territorial y aura certainement une place importante.
Cette affaire montre que le démarketing territorial peut créer débat et n’est pas forcément une fin en soit, plusieurs questions restent ainsi en suspens et on peut légitimement se demander, si ces stratégies de démarketing territorial sont réellement efficaces ? Ne pourraient-elles pas avoir à terme l’effet inverse et « dégouter » le public de la destination ? Le débat est ouvert en commentaires et si vous avez d’autres exemples de destination n’hésitez pas à les partager 🙂