A l’heure des bilans de fin d’année et des orientations pour 2023, les décisions qu’elles soient petites ou grandes, façonnent notre réalité. Elles méritent notre plus grande attention. Mais alors, à quoi ressemble une bonne décision ? Y -a-t-il des décisions profondément mauvaises ?
Ce sujet est complexe et c’est en observant mon rôle de parent que j’ai encore ajouté de la complexité à la complexité 🙂 . Ma fille de 14 ans s’est cassée le nez lors d’un match de basket. Lors du rdv avec le médecin, celui-ci nous expliqua la possibilité d’une intervention chirurgicale. Mais alors qui était le plus légitime pour prendre la décision de l’opération ? Le médecin, pour ses connaissances techniques, moi en tant que parent ou ma fille car c’est de son corps dont il s’agit ? Et si je remettais la décision dans les mains de ma fille, comment savoir si elle était vraiment apte à la prendre et que resterait-il alors de mon rôle de parent?
des methodes de decision fort nombreuses
Faisons tout d’abord un détour sur quelques méthodes de prise de décision. Dans son livre “le leadership horizontal “, Samantha Slade partage différentes façon de faire :
. La méthode autocratique : le décideur prend seul la décision – utile pour des situations chaotiques où on n’a pas le temps de consulter.
. Le vote à majorité : une participation superficielle du collectif – utile lors de situations simples.
. La sollicitation d’avis : l’obtention des avis des gens affectés par la décision et des avis des gens susceptibles d’apporter une expertise à la décision – utile dès qu’un problème dans la structure est identifié.
. Le consentement : des décisions collectives assez bonnes sur le court terme et suffisamment prudentes pour qu’on les mette à l’essai. Les participants ne doivent pas être d’accord avec la proposition mais identifier s’ils ont une objection valide à cette proposition (un élément avec lequel ils ne pourraient pas vivre si celle-ci était prise).
. Le consensus : est comme son nom l’indique un processus collectif qui exige l’accord de chacun
On constate vite qu’il n’y a pas de bonnes ou mauvaises méthodes mais certaines plus appropriées que d’autres selon les circonstances. On raconte même que certaines communautés n’avaient pas besoin de méthodes car elles avaient instauré une qualité de dialogue telle que les prises de décision étaient évidentes. Alors pourquoi peinons-nous à ouvrir nos modes de prise de décision ?
une decision individuelle ou collective
La prise de décision a longtemps été remise dans les mains d’un ou deux décideurs ou d’un comité de décideurs. Parce que c’est comme ça qu’a été pensé l’organisation du travail et parce qu’accessoirement on pensait que tout le monde n’était pas apte à prendre des décisions (ça, c’est dit 🙂 ). Les décideurs prennent donc des décisions pour d’autres personnes. Ensuite ils essayent de convaincre du bien fondé de la décision et in fine ils mettent en place des outils pour s’assurer que ces décisions sont bien appliquées. Aussi insatisfaisant soit ce fonctionnement qui d’une part ôte aux équipes leur autonomie et d’autre part augmente la pression de la bonne décision sur les décideurs, cette façon de faire est tellement ancrée qu’elle peine à être modifiée.
Remettre l’humain au cœur des entreprises serait que chacun (individuellement ou collectivement) ait la capacité de décider de la meilleure façon d’accomplir son travail. Cela serait par exemple pour les équipes d’accueil de décider de la façon dont elles vont accueillir les voyageurs parce que ce sont elles au quotidien qui sont concernées. Cela serait d’identifier toutes les tâches qui n’ont pas besoin de la validation d’un autre pour être réalisée parce qu’elle n’apporte aucune valeur ajoutée et alourdit le process. Samantha Slade donne une piste pour distinguer quand il y a besoin du collectif ou pas lors d’une décision “Plus une décision implique un risque élevé et une longue durée plus elle devrait être collective et plus une décision implique un risque minimal et une durée brève plus il est préférable de la laisser à une ou deux personnes.” Car il ne s’agit pas non plus à l’inverse de tout décider en collectif sous prétexte que l’intelligence collective est notre leitmotiv. Cette approche enlèverait de la même façon l’autonomie à chacun.
Il s’agirait finalement de remettre au bon endroit la décision pour gagner un temps précieux et une fluidité certaine dans le travail.
une PRISE DE decision facilitee
Certains éléments favorise la prise de décision :
. avoir une invitation claire à prendre cette décision (savoir précisément jusqu’où on peut prendre la décision), être ensuite encouragé à poser des questions puissantes (pour aller explorer au delà de ce qu’on sait déjà), et enfin de disposer d’un accès suffisant et transparent aux informations (sans quoi il sera difficile de prendre une décision).
. mettre les bonnes personnes autour de la table. Nous avons tous en tête une décision prise nous concernant où nous n’avons pas été sollicité alors même que notre expertise (et pas notre égo ) aurait été bien utile. Mettre les bonnes personnes autour de la table serait d’ouvrir la discussion aussi loin que certaines communautés le font en interrogeant les éléments de la nature parce qu’ils considèrent que ce sont des parties prenantes dans la décision. Avec nos cerveaux d’occidentaux, nous aurions un mal fou à entendre la voix de l’océan ou de la montagne 🙂 . Mais il s’agirait finalement d’intégrer les parties aujourd’hui invisibles pour éclairer nos décisions (les enfants, les clientèles inhabituelles, les non partenaires…) .
. ouvrir toutes les possibilités de sujets. Samantha Slade explique que “la culture verticale a instillé en nous un besoin de demander la permission, alors que la culture horizontale nous invite à faire des propositions. Il s’agit là d’un changement d’attitude fondamental et complet « . Il s’agirait d’arrêter de taire les situations qui gangrènent le travail au quotidien , de les identifier, de proposer des solutions et de prendre in fine des décisions sur des sujets qui comptent vraiment.
l’espace d’OU JE PRENDS MA DECISION
On entretien l’illusion qu’une décision est toujours prise de façon factuelle à partir d’un état fort et insensible. C’est parfois le cas mais la plupart du temps les décisions sont prises à partir de tout notre être. Nous ressentons des émotions. Nous avons une histoire. Nous reproduisons des schémas. Bref, nous sommes pleinement humains !
Il y a ces décisions qu’on prend pour faire comme les autres. Il y a ces décisions qu’on prend par peur de ne pas être à la hauteur de ce qu’on croit qu’ attendent de nous notre équipe, nos partenaires, nos élus. Il y a ces décisions prises par précipitation et celles prises sous le coup de la colère. Il y a ces décisions qu’on ne prend pas, par peur d’avancer, d’oser, par peur de blesser.
Nous forçons notre cerveau à ingurgiter encore et encore un maximum d’informations pour légitimer nos décisions . Nous ne laissons que très peu de place au temps, au silence, à l’intuition pour que cela se mette en ordre facilement. Car cela nous demanderait de regarder avec courage nos ressentis et d’arrêter de les taire à soi même et aux autres. Alors on fait comme si toutes les décisions n’étaient que pure évidence et cela crée beaucoup de solitude chez les décideurs. Or quand ces décisions n’ont un impact que sur soi-même, on peut se dire que ce n’est pas grave mais quand elles impactent tout un groupe, cela devient interpellant.
ALORS POUR FINIR
Il s’agirait donc moins de porter son attention sur la décision en tant que telle mais de prendre soin de la façon de la prendre. Il s’agirait ensuite de tenir la décision et que les embûches rencontrées soient des opportunités pour l’affiner et la rendre meilleure.
Je vous souhaite donc pour cette nouvelle année des décisions justes pour vous et pour ceux qui vous entourent, des décisions prises à partir de tout ce que vous êtes et des décisions qui pas à pas vous rapprochent de ce qui vous tient à cœur.
Pour approfondir :
. Le livre de Samantha Slade « Le leadership horizontal »
. Le Reportage « Le fabuleux monde de l’entreprise, ou quand le travail perd son sens » sur Arte