Je suis heureux d’écrire ce premier papier sur le blog. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis Guillaume Cromer. Je dirige ID-Tourism, un bureau d’ingénierie sur le marketing du tourisme spécialisé sur les questions d’innovations, de prospective et de durabilité du secteur. Je préside également depuis 4 ans l’association Acteurs du Tourisme Durable qui a pour ambition de pousser l’ensemble de l’industrie du tourisme à intégrer les enjeux de développement durable. Ces sujets toucheront la majorité de mes futurs papiers.
Pour cette première, je vais vous parler de la plateformisation des destinations. Oui, face aux géants du e-tourisme et d’autres secteurs qui vous venir nous envahir, quel avenir pour les OGD ? Alors même qu’Offices de Tourisme de France a développé les conclusions de son étude sur le futur des offices de tourisme, je voudrais creuser cette plateformisation des OGD. Est-ce un avenir souhaitable pour ces organisations ? Un futur nécessaire ? Une belle utopie ? Ou encore de la concurrence déloyale pour certains acteurs privés? Tour d’horizon de mes réflexions.
Le papier de la semaine dernière présenté par Jean-Luc Boulin, « Vente d’activités de loisirs : la revanche des DMO » m’avait bien mis la puce à l’oreille. Je revenais juste d’un séminaire de 2 jours à Immenstadt, en Bavière, sur la question du digital dans le milieu de l’outdoor. Outdooractive, l’organisateur, m’avait demandé d’intervenir pour présenter l’importance de l’hyper-personnification & du design des nouvelles plateformes de mise en relation entre les voyageurs et les prestataires de l’outdoor (sujet que je présenterai lors des #ET13 à Pau) comme Kazaden mais aussi Airbnb Experience. Je n’imaginais pas forcément que des collectivités locales étaient aussi sur ce créneau… Or, au fond, est-ce vraiment si étonnant ?
Bien sûr, comme le dit Jean-Luc, on pensait que les OGD avaient perdu la bataille de la commercialisation face aux OTAs en particulier Booking.com, Tripadvisor / La Fourchette et même maintenant les balades via Viator, Meetrip, Cariboo… Mais alors, les OGD (et leurs membres) devront-ils assumer cette dépendance à la fois technologique et financière et se concentrer sur la qualité du contenu et des prestations ?
Expérience Côte d’Azur & Week-end Esprit de Picardie (Transformé depuis en Week-end Esprit Hauts de France) prouvent au final qu’il y a un espoir. Or, je me pose la question de l’échelle et surtout de ce que le client, le voyageur recherche au fond en premier lieu…
Quand le voyageur cherche une expérience pour une escapade, un court-séjour, quelles sont les principaux critères pour choisir en ligne ? A-t-il déjà identifié une région (administrative) ? une intercommunalité ? une ville ? Ou est-ce plutôt une activité qui va l’attirer ? Ou tout simplement va-t-il rechercher un bon plan et se laisser séduire… Bien sûr, il n’y a pas de réponse toute faite. Tous les visiteurs sont différents.
Au niveau des échelles des destinations, je crois qu’il va falloir bien penser tout cela en collaborant entre les niveaux. Selon moi, il n’y a aucun intérêt (et surtout pas les moyens & les ressources en local) à imaginer des plateformes à l’échelle de petits offices de tourisme intercommunaux. En revanche, ce sera à eux de dynamiser le contenu pour l’échelle supérieure qui pourra prétendre déployer une plateforme de commercialisation. Et cette échelle, elle paraît assez cohérente à l’échelle régionale ou pour des plus petites destinations qui possède déjà une très bonne image.
Mais donc… alors même que le nouveau président de la République avait annoncé vouloir déployer l’Etat-Plateforme, peut-on imaginer des destinations-plateformes ? Des OGD-réceptifs capables de faire du sur-mesure, de la production… des sortes de Evaneos en local ? Et ces plateformes pourraient alors gérer toutes les demandes des visiteurs… hébergement, restauration, transports, activités, événementiels, etc. en intégrant même demain des algorithmes pour faire correspondre la demande du client avec l’offre sur le territoire…
Sur le papier, rien d’impossible au final. Avec les restrictions économiques des pouvoirs publics, je pense sincèrement que les OGD vont devoir se transformer en profondeur, jusqu’à réinventer totalement leur modèle de gouvernance et de statuts et donc imaginer de nouvelles formes de coopératisme de plateforme. Oui, des plateformes où chaque partie-prenante a un vrai rôle, un pouvoir et des retombées et non pas comme le modèle de certains OTAs. On voit récemment apparaître des concurrents de grande plateforme qui tente de « disrupter » de manière éthique les « méchants ». C’est le cas de Fairbooking dans la réservation hôtelière, de CoopCycle dans la livraison de repas à domicile ou encore de Chauffeur&Go ou GESCOP pour les véhicules avec chauffeur.
En effet, si nous réinventons les OGD par des plateformes capitalistiques, c’est impossible que cela fonctionne (et même que cela voit le jour au fond). L’ensemble des dérives que l’on connaît de ce modèle apparaîtra bien vite alors qu’il est justement prioritaire de remettre de l’éthique et de la bonne intelligence dans les relations entre les acteurs locaux, privés et publics. Il ne s’agit donc pas de créer uniquement un système d’apporteur d’affaires et de maîtrise positive de la concurrence mais bien de construire une « coopétition » au service de l’attractivité et des retombées économiques pour l’ensemble de la destination et tous les acteurs qui y sont présents. L’avenir passera peut-être par des Sociétés Coopératives à Intérêt Collectif… on en reparle vite!
Allez à bientôt les amis et au plaisir d’en voir certains à Pau!
Guillaume.