Bivouaquer dans les serres du Jardin des Plantes de Nantes, c’est l’expérience qu’offre chaque année, à quelques chanceux, l’organisateur du collectif des Serres.
Mais qu’a cette expérience de si atypique et quels sont les apprentissages qu’on peut en retirer pour apporter un nouveau regard sur les lieux et expériences touristiques de nos territoires ?
DANS LE REGARD DU VISITEUR
Si vous aviez pu observer ce qu’on vécu ces chanceux le temps d’une nuit, vous auriez aperçu un petit groupe se rassembler en fin de journée à l’entrée du Jardin des Plantes de Nantes, avec pour seuls bagages un sac de couchage, un matelas gonflable et un air un peu interrogateur, de ceux et celles qui ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangé.e.s.
Vous auriez aperçu leur hôte- guide venir les chercher et les accompagner, à travers pelouses et ruisseaux, vers la serre aux palmiers, leur camp de base pour la nuit. Pendant que le parc se vidait doucement de ses visiteurs, vous les auriez vus explorer le jardin des plantes comme ils ne l’avaient jamais fait auparavant, équipés de leur lampe torche et des précieux conseils et anecdotes de leur guide. La nuit bien avancée, vous les auriez aperçus prendre le chemin de leur petit nid, installés entre voisins de fortune et palmiers, avec en fond sonore le doux croassement des grenouilles.
Au petit jour, c’est après une toilette de chat et un croissant bien beurré, que vous les auriez reconnu.e.s avec leurs visages emplis d’une joie profonde d’avoir vécu un moment exceptionnel.
dans le regard du pro du tourisme
Prenons maintenant la casquette du professionnel du tourisme que nous sommes ou du moins, cette personne qui se pose des questions sur la façon de proposer la découverte des lieux de notre destination.
L’usage du lieu
On a déjà beaucoup questionné l’usage des lieux, mais il reste encore tant à faire pour utiliser au mieux les ressources que l’on a déjà. On a ici un bel exemple de la façon de basculer l’usage habituel d’un lieu « la promenade durant la journée » à un lieu « d’hébergement éphémère« . La nuit, les lieux présentent un autre visage, les espèces se dévoilent d’une autre façon, on est plus sensible au bruit et à ce qui nous entoure. Dormir au cœur du jardin des plantes n’a rien eu de comparable avec le fait de s’y promener en journée.
Le côté privilégié
Cette expérience n’est proposée que quelques dates par an et ceux qui le souhaitent doivent s’inscrire. Il y a ensuite un tirage au sort pour désigner les personnes sélectionnées. Quand on reçoit le mail de confirmation, on a ce sentiment d’être privilégié.e et cela donne de la valeur à l’expérience. L’attente accentue aussi ce sentiment de privilège avec le fait de ne pas avoir tout tout de suite, ce qui est finalement assez rare dans notre société de consommation.
La part belle à l’essentiel.
Pas de fioriture dans ce moment, le couchage est sommaire (au milieu des plantes dans une serre, avec des voisins ronfleurs et un croassement incessant des grenouilles). Pas de volet non plus donc une luminosité qui vous saisit dès six heures du matin et vous pouvez dire adieu à la grasse mat. On ne va pas se mentir, ce n’est probablement pas la meilleure nuit en terme de qualité de sommeil que les visiteurs aient passée. Pas de chichi non plus sur les sanitaires, ce sont des toilettes publiques, donc le visiteur se débrouille avec ce qu’il a. Mais ce côté minimaliste, n’enlève rien à la qualité du moment vécu car tous les besoins primaires sont pourvus.
dans le regard du gardien des ressources
Garder intact la passion de celui qui l’anime
Ne proposer que quelques dates chaque année, c’est aussi pouvoir garder intact la passion de celui qui anime la prestation. On a souvent cette illusion que malgré le nombre de personnes accueillies, on peut garder notre envie intacte. C’est probablement le cas pour quelques warriors mais pas pour tout le monde. Quel équilibre pouvons-nous alors imaginer pour éviter de tomber dans une prestation qui devient automatique et garder toute la magie de la rencontre ?
Donner de la valeur au minimalisme
Cette prestation a par ses composantes un caractères exceptionnel mais est aussi loin des standards attendus des normes qualité (sanitaire, confort, promiscuité ). Alors comment pouvons nous assumer cela sans avoir à rougir de ce qui va être proposé ? Comment avoir confiance que la valeur est ailleurs ? Comment faire confiance que chacun repartira avec cet émerveillement tant attendu ?
Epurer sa communication
La communication de cette expérience est également minimaliste. Avant le séjour, on ne sait que l’essentiel : où on va dormir, les horaires et le lieu de rdv et ce qu’on a besoin d’emporter (dont les essentielles boules quies pour se prémunir d’éventuels voisins ronfleurs). Il n’y a pas de déroulé précis de la soirée et très peu de photos auxquelles se raccrocher. Et c’est tant mieux car cela laisse beaucoup de place à l’imaginaire. Cela nous fait réaliser que nous sommes finalement très peu habitué.e.s à la surprise et à l’inattendu. Nous voulons tout savoir avant, tout contrôler pendant, pour nous assurer in fine que tout s’est bien passé comme cela était prévu. Il y a beaucoup d’avantages à cela (principalement de se prémunir de la peur d’être déçu.e) mais il y a probablement aussi quelques inconvénients et notamment une perte de spontanéité, qui prive de l’ouverture à l’inattendu…. A méditer.
Bel été et profitez bien de toutes ces expériences inattendues.
