Et pourtant il gèle

Publié le 22 novembre 2021
6 min

Où il est question de désaisonnalisation, d’un cycle relationnel performant, d’un Office de Tourisme privé et de bonnes pratiques à observer pour permettre aux Offices de Tourisme d’augmenter leurs services et performances à l’égard des socio-professionnels.

Partir en novembre n’est pas une évidence. La météo ne garantit pas de belles journées dans cet entre-deux de l’été fini et de l’hiver en point de mire. Tous les services et commerces ne sont pas ouverts. Et pourtant, d’excellents moments peuvent être vécus dans cette période de repli. Pour peu que les destinations et les professionnels du tourisme considèrent qu’il y a un marché. Sillonnant de nombreux territoires français je suis toujours en peine de trouver à cette époque des hôtels confortables et des restaurants savoureux en dehors des villes d’importance. Une étude déjà ancienne de l’Insee (2015-2016) soulignait qu’une nuitée touristique sur deux se déroulait sur les mois d’été, l’automne n’emportant que 10% des nuitées.

Un récent séjour dans la province de Guadalajara à un peu plus d’une heure de Madrid m’a rappelé combien vérité en-deça des Pyrénées et erreur au-delà, et vice-versa, reste d’actualité. Cette note de l’Insee (Le 4 pages de la DGE, n°63) indiquait que les séjours à l’étranger et notamment dans le voisinage européen, étaient plébiscités en automne. Aussi, à l’heure de la grande interrogation du positionnement de nombreuses OGD dans le dosage de leurs missions entre efforts vers les publics individuels ou collectifs, population locale et socio-professionnels, dont on observe souvent le désintérêt pour la chose publique du tourisme, regarder comment cela se passe ailleurs n’est pas superflu. Dans le coin d’Espagne rurale où j’ai séjourné, le pragmatisme et la constance règnent.

Des hôtels et des restaurants ouverts

Site de mon séjour, Sigüenza. Bourgade historique charmante, l’un de ces endroits écartés des grandes routes touristiques et pourtant riche d’un patrimoine et d’une histoire qui permettent de comprendre la construction de l’Espagne. La réservation de mon hôtel a été des plus bienveillantes que j’ai connues avec un cycle relationnel comportant 7 étapes qui amenaient chacune une information et une rassurrance supplémentaire. Je vous passe les emails de confirmation de la réservation, de suivi, de remerciement et de questionnaire de satisfaction. L’un des emails consistait à m’envoyer un carnet touristique de 18 pages, en lien et en pdf, me présentant les atouts touristiques de la destination. Et qui l’avait élaboré ? L’Office de Tourisme ? Non, l’hôtel lui-même. Voilà bien un espace à investir pour les OGD : faciliter la création d’un simple support à partager en kit aux hébergeurs pour préparer les séjours de leurs clients.

Whatsapp, outil de conciergerie

J’ai souvenir qu’avec mes amis Pierre et Ludovic nous avons parfois prêché dans le désert dans la construction d’un service de conciergerie en ligne. Ici cela fonctionne. Le jour de mon arrivée on m’a envoyé un mot via Whatsapp me demandant vers quelle heure je pensais arriver. On comprend aisément l’optimisation des ressources humaines pour l’accueil. Et effectivement sur place, le service est à la hauteur. On vous attend réellement en venant au devant de vous, notamment pour vous guider sur le parking et pour l’emport de vos bagages. Les formalités n’existent pas car dans ce message Whatsapp, on nous avait demandé les éléments de nos passeports, une règle pour les statistiques nationales (super performantes soit dit en passant, message personnel à l’intention de nos grandes élites du tourisme français), tout en nous donnant un numéro de téléphone direct et en nous renvoyant le carnet touristique pour faciliter nos découvertes sur la route en amont du séjour.

Un Office de Tourisme privé

Autre aspect sensible, la réservation en amont du séjour d’un tour guidé en ville, proposée en option directement par l’hôtel, pour 20 euros pour deux. J’ai immédiatement réservé, pensant en citoyen français d’un âge avancé qu’il s’agissait d’une proposition de l’Office de Tourisme. Quelque temps plus tard, l’hôtel m’a rappelé pour me demander si je souhaitais que cette visite soit conduite en anglais ou en espagnol.

A l’heure dite du rendez-vous, une dizaine de personnes et un guide. Et nous voilà partis pour deux heures passionnantes. Les lieux sont racontés par des histoires invisibles et qui toutes concourent à la compréhension de la trajectoire de Sigüenza dans la grande histoire de l’Espagne. A la fin de la visite, nous sommes conduits dans un espace d’accueil lumineux comprenant une belle boutique. Et vous savez quoi ? Tout le monde achète en masse des produits locaux. Est-ce l’Office de Tourisme ? Oui et non, c’est un Office de Tourisme privé à Sigüenza. L’Office de Tourisme public existe pourtant.


J’ai ensuite échangé avec Victor et Jorge les deux créateurs de cette entreprise pour comprendre leur parcours. « Jorge et moi sommes seguntinos (de Sigüenza) et nous sommes passionnés par l’histoire et l’art, ce qui nous a amené à vouloir nous y consacrer professionnellement. Par conséquent, en 2013, Jorge a rejoint sa passion pour l’histoire et Sigüenza et a décidé de commencer à travailler comme guide touristique à Sigüenza. Jusqu’alors, la seule « entreprise » qui faisait des visites guidées était l’Office Municipal de Tourisme. Moi, Víctor, j’ai commencé mon stage en tant que guide touristique en 2014, dans la cathédrale de Sigüenza. J’ai rejoint en tant que bénévole lorsque j’étais étudiant en Histoire de l’Art et j’ai été guide de la Cathédrale jusqu’en 2019, date à laquelle la gestion touristique de la Cathédrale est passée à une entreprise privée. C’est alors que j’ai commencé à faire des visites guidées de la ville. A cette époque, l’Office de Tourisme, Jorge et moi, faisions des visites guidées à Sigüenza. Après la crise de 2020, Jorge et moi avons décidé de nous associer pour être plus forts et d’ouvrir un bureau où nous pourrons informer nos clients. Mais en plus d’être un bureau, nous voulions ouvrir un magasin de produits locaux où les gens pourraient non seulement acheter, mais aussi interpréter les productions locales. Nous voulions créer un mélange entre boutique et musée. Nous voulions aussi avoir un espace où les gens pourraient voir des expositions d’art et des pièces de musée liées à Sigüenza. C’est pourquoi à l’arrière-plan nous laissons un espace avec des objets tels que le premier avion touristique de Sigüenza, de vieilles photos de Sigüenza et la couronne portée par l’acteur qui joue le roi Don Pedro à l’époque médiévale, entre autres ». Victor et Jorge m’indiquent qu’ils ont de bonnes relations avec l’Office de Tourisme Municipal car ce qui compte le plus c’est la valorisation de leur destination, même si une concurrence est à l’oeuvre.

Que retenir de cette expérience ?

D’abord que les marchés touristiques d’automne fonctionnent bien, notamment post Covid. La quête de tranquillité et d’un soleil encore disponible sont des clefs. Ensuite, que les socio-professionnels auraient tout intérêt à les considérer pour une clientèle de couple. Puis que l’Office de Tourisme a un vrai rôle de conseil à jouer auprès de ses socio-professionnels pour faire toucher du doigt l’intérêt d’un étalement accru de l’activité.

Sur le terrain des outils, on remarque qu’un cycle relationnel poussé offre un grand confort et augmente la satisfaction des clients et la gestion des entreprises touristiques. On note aussi que l’Office de Tourisme pourrait s’emparer de solutions démontrant son intérêt et son engagement pratique auprès des socio-professionnels : carnet de voyage en ligne et en pdf, en marque blanche ou cobrandé, propositions de visites guidées directement vendues par les hébergeurs au moment de la réservation. Autres produits répondant, non pas comme c’est parfois le cas à des idées élaborées au sein des Offices de Tourisme, mais de conserve avec les socio-professionnels.
Enfin, on observe que l’Office de Tourisme public est ici dépassé par deux jeunes entrepreneurs qui rendent un super service et en vivent. Autrement dit, la relation directe entre clients et hébergeurs par le digital ne met pas fin à des solutions d’intermédiation, pour peu que celles-ci offrent des services patents.



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François Perroy est aujourd’hui cofondateur d'Agitateurs de Destinations Numériques et directeur de l’agence Emotio Tourisme, spécialisée en marketing et en éditorial touristiques. Il a créé et animé de 1999 à 2005 l’agence un Air de Vacances.  Précédemment, il a occupé des fonctions de directeur marketing au sein de l’agence Haute Saison (DDB) et de journaliste en presse professionnelle du tourisme à L’Officiel des Terrains de Camping et pour l'Echo Touristique. Il [...]
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