Bon, je voulais encore vous parler d’urgence climatique et d’impact pour le secteur du tourisme tellement je lis d’âneries et d’autrucheries (des pros / institutions qui font l’autruche) sur le sujet en ce moment… mais bon, je vous propose un petit break d’un mois. On va parler plutôt de financement de la transition du tourisme, du financement de la relance et de la solidarité dans le secteur. Allez, courage, ça sera plus sympa que ça en a l’air!
Des ménages français qui ont réussi à faire des économies pendant le confinement ?
A la rentrée, j’entendais des bruits médiatiques qui disaient que les ménages français avaient réussi à économiser pendant la crise. Ça me paraissait étonnant donc j’ai fouillé un peu l’information. Un article du Monde du 12 octobre dernier m’a permis d’y voir plus clair. Les deux tiers de l’épargne accumulée depuis le confinement sont en fait détenus par les 20% des Français les plus aisés. Les plus modestes, eux, se sont encore plus endettés. Au total, on ne parle pas de quelques centaines d’euros, la hausse du patrimoine financier net des ménages était de près de 50 milliards d’euros à la fin août 2020. Les 10% les plus riches ont accumulés 54% de ce total. Les 20% les plus riches près de 70%.
L’INSEE a publié le mois dernier une estimation sur la question de la pauvreté en France. Cela allait dans le même sens. Toujours plus de pauvres et toujours plus d’inégalités. Et ces chiffres ne prenaient pas en compte l’année 2020…
Des riches toujours plus riches et des promesses de ruissellement ?
Les ultra riches sont donc de plus en plus riches… en France et ailleurs dans le monde. Alors même que l’économie mondiale s’arrêtait, les milliardaires en accumulés leur épargne avec des chiffres indécents. Voyez vous-même.
Pour autant, notre président nous parlait de la logique de ruissellement et c’est pour cela qu’il avait décidé de supprimer l’ISF et d’instaurer la Flat Tax… Pour quel résultat ? Un rapport est sorti début octobre pour présenter les conclusions sur les effets de ces réformes. Les revenus des 0,1% les plus riches (soit environ 38 000 personnes) ont littéralement explosé en France… Ainsi les dividendes ont largement augmenté de plus de 60% en 2018 et la hausse se poursuit en 2019. Ces dividendes sont par ailleurs en train de fragiliser largement les grandes entreprises pendant cette crise du covid…
Et le ruissellement des revenus des plus riches vers la plèbe… Le rapport n’a rien trouvé de cela.
Une énorme casse sociale à venir
Et derrière, avec le confinement puis le couvre-feu actuel pour plus de 20 millions de Français, ce sera une catastrophe sociale. La casse sera belle et bien là, en particulier dans notre secteur du tourisme, du voyage, de l’hôtellerie et de la restauration. Malgré le plan de relance, les fonds de solidarité et les PGE, il y a bien des femmes et des hommes qui vont s’enfoncer dans la précarité.
On ne pourra plus regarder les gilets jaunes comme des fouteurs de trouble qui empêchent le développement du tourisme dans les territoires, ce seront les salariés du secteur qui seront dans la rue.
Mais alors, comment peut-on retrouver ou réinventer une forme de solidarité ? Comment casse-t-on la spirale des inégalités économiques et sociales ? Le tourisme peut-il être un outil pour inventer cette solidarité nouvelle ? Comment fait-on pour inventer (et mettre en place) le tourisme de demain, pourvoyeur d’emplois et respectueux de l’environnement ? Qui investira ? Sur quels indicateurs de performance et de rentabilité ?
Les collectivités à la rescousse par la dette ?
Les collectivités locales (ou l’Etat) ont-ils encore la capacité à relancer la machine, à s’endetter pour le financement de la transition du tourisme ? Au niveau local, en discutant régulièrement avec elles, j’ai le sentiment que c’est compliqué. C’est toujours faisable mais ce n’est clairement pas simple. Le tourisme n’est toujours pas perçu comme un levier de développement local au service de l’emploi, de l’attractivité et du développement connexe. Alors, arriver à imaginer de la création de dettes dans les territoires pour finance le développement touristique, c’est un peu de l’utopie aujourd’hui, surtout en temps de crises… et pourtant.
Après, bien sûr, il existe la Banque des Territoires… et les fonds qui y sont développés – 3 lignes d’investissement et 2 filières fléchées (tourisme social / thermalisme et montagne) comme c’est écrit ici. En fonction des projets (publics ou privés), les lignes de financement peuvent être actionner.
Les touristes en financement participatif des projets touristiques ?
Au-delà de ces dimensions, peut-on imaginer aussi une participation des touristes eux-mêmes ? C’est un peu le cas à travers la « taxe de séjour ». Mot affreux pour un visiteur qui ne sait pas trop où va aller cet argent et à quoi va-t-il servir… C’est à Pau qu’un intervenant disait justement qu’il fallait réinventer ce mot en contribution de développement local ou quelque chose comme ça… Bien entendu, ne faudrait-il pas réinventer la communication, la transparence et le suivi de ces quelques euros pour un visiteur. Quand je donne un peu d’argent sur une plateforme de crowdfunding ou de crowdlending (prêt rémunéré), je sais exactement où va l’argent, à quoi il sert et l’actualité du projet soutenu. Est-ce impensable d’imaginer un suivi de cela ? Un truc à inventer peut-être avec la techno Blockchain non ? (désolé, je m’emballe…)
D’ailleurs, dans cette vision, je pense que les Parcs naturels régionaux et les Parcs nationaux devraient réellement s’intéresser à cette question-là… Etant donné les besoins de plus en plus importants en matière de préservation environnementale et de gestion des flux (on a vu le bordel après le déconfinement dans certains PNR…), je les invite à regarder cette question du financement participatif des visiteurs sans forcément créer des portes d’entrées avec des péages comme aux USA… L’innovation, c’est aussi inventer autre chose.
Quid des entreprises pour financer le tourisme durable ?
J’ai découvert une expérience vraiment intéressante cet été sur la question du financement participatif par les entreprises (et donc leurs clients indirectement). C’est le label 1% pour la Planète dont vous avez sûrement déjà entendu parler. L’objectif général, c’est de pousser des entreprises à reverser 1% de leur chiffre d’affaire annuel à des associations présélectionnées qui travaillent sur les questions environnementales.
Au Québec, ils sont allés plus loin. L’association Adventure Ecotourism Québec, qui regroupe 235 membres du tourisme d’aventure au Québec, a signé un partenariat avec 1% for the Planet pour monter un fonds spécifique, le Fonds Plein Air. Ce fonds, directement géré par l’association Adventure Ecotourism Québec, permet de récolter 1% du CA de ses membres volontaires (135 lors de notre dernière discussion) et ce fonds financera à la fois la transition écologique des membres et des actions de préservation de l’environnement de certaines ONG locales, triées sur le volet. Et si on faisait la même chose chez nous pour que les entreprises du tourisme fassent un pot commun pour financer la transition de leurs activités et de leur destination ?! Qui se lance ?
Les habitants, acteurs politiques et financiers des projets touristiques de territoire ?
Enfin, pourquoi ne pas impliquer les habitants ? La vraie « politique », n’est-ce pas de donner la capacité aux gens de décider de leur propre de développement (touristique ou autre) ? On entend beaucoup parler de grands projets touristiques ici et là (chez moi dans les Alpes, c’est surtout des histoires de câbles…). Pourquoi l’habitant ne serait pas plus impliqué plutôt que via quelques réunions participatives ? Ne pourrait-on pas permettre une participation financière et une responsabilité en tant qu’actionnaire, associé, coopérant dans ces organisations et projets ? J’ai pu échanger justement avec Julien Benayoun, co-fondateur de la plateforme de financement participative à impact positif Lita.co. En gros, chaque individu, particulier peut investir sur des projets à impact positif. Je vous invite à écouter ce podcast d’Eva Sadoun, la cofondatrice de la plateforme. On pourrait donc très bien imaginer la participation financière des habitants pour pas mal de projets de tourisme durable sur les territoires. Lita a collecté plus de 40 millions d’euros depuis leur création… C’est du sérieux et ça pourrait vraiment donner des idées à certains territoires voire… à l’Etat ? Ne pourrait-on pas construire ça M. Lemoyne pour mettre en place cette fameuse stratégie de tourisme durable ?
3 super projets à soutenir pour finir
- UCPA: Savez-vous que l’UCPA va bientôt lancer sa campagne d’investissement sur Lita ? Le projet est en vote actuellement (pour voir si les gens sont intéressés par cet acteur et ce projet à financer) et ils vont chercher 2 millions d’euros à travers des obligations associatives.
- Maison Bessoulie : C’est un projet que je soutiens personnellement. Dans les Hautes-Alpes du côté de Briançon, une résidence d’architectes est en train de réhabiliter un ancien bâtiment de la FUAJ – Auberge de Jeunesse. L’objectif est de créer un projet de tourisme solidaire pour venir en aide aux associations locales qui aident les migrants qui arrivent par l’Italie. En imaginant des séjours solidaires sur place, des ateliers de cuisine du monde, de permaculture et de low-tech, vous participez à un monde meilleur autour du vivre ensemble et de l’hospitalité. Campagne de crowfunding en cours sur KissKissBankBank avec dons défiscalisés.
- Blog etourisme : Vous l’avez vu. On a besoin de vous pour refinancer le blog à la fois pour changer tout le design du blog mais aussi pour financer son hébergement pour les prochaines années. Comme pour Wikipedia, on a besoin de nos lecteurs pour garder le blog sans pub. En plus, on va éditer un livre incroyable qui remet au goût du jour 15 ans d’articles sur le site. Allez-y, participez et précommandez le bouquin sur HelloAsso !