Il est assez naturel de confier la stratégie touristique d’une destination à une agence en externe, c’est un peu moins conventionnel de confier cet exercice aux équipes en interne. Pourtant c’est une mission qui m’a été confiée en binôme dans le cadre d’un rapprochement entre deux office de tourismes voisins en Auvergne. Au travers de cette expérience professionnelle en tant que directeur marketing digital, je voulais revenir plus largement sur les fondamentaux d’une stratégie marketing touristique dans son ensemble.
La collecte et l’analyse de données objectives
Bien que l’expérience personnel d’un responsable marketing reste un élément important dans la réalisation d’une étude marketing, elle est souvent empreinte d’un ressenti personnel qui pourrait ne pas être partagé par l’ensemble des parties prenantes. Ainsi, une des premières étapes réside dans la collecte de plusieurs sources de données à la fois quantitatives et qualitatives comme des schémas touristiques, études d’image, sondages, enquêtes, entretiens, focus group, ateliers collaboratifs, observatoires, etc. Toutes ces données sont ensuite compilées, croisées et analysées pour en retenir les éléments saillants et réaliser une analyse SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities et Threats). C’est bien souvent l’étape la plus conséquente et sans doute la plus importante tant elle va nourrir la réflexion et permettre d’argumenter les futurs choix en termes de marque, positionnement, marchés et cibles.
Le choix réaliste de la marque
D’un point de vue purement marketing, la marque est un nom et un ensemble de signes qui lui donne du pouvoir sur le marché, en la distinguant des offres concurrentes et en influençant la perception et les comportements des clients.
Le choix de la marque doit susciter l’adhésion et impliquer tous les acteurs :
- Les équipes qui exploitent la marque autour d’un positionnement et d’un plan d’actions.
- Des socio-professionnels sur le territoire qui l’intègrent et la valorisent en ayant conscience de ses atouts.
- Des élus qui la soutiennent politiquement auprès des collectivités.
- Des clients qui « l’achètent » et la recommandent.
Sur ce dernier point en particulier, la force d’une marque réside plus dans la performance du produit que dans la communication. Il est étonnant de voir comment certaines destinations peuvent prendre le concept à l’envers en donnant plus de force à la communication qu’au produit. Avec le risque de créer un différentiel dans l’esprit du consommateur sur sa perception de l’image de marque entre la promesse (vision partielle) et la réalité (vision réelle) qui vont inévitablement influer sur les intentions de revisites et de recommandations. L’on comprend aisément que c’est compliqué de recommander une destination qui nous a déçu.
Le choix structurant du positionnement
Le positionnement c’est la place que l’on souhaite occuper dans l’esprit du voyageur.
La marketing de destination se situe généralement dans le « triangle du positionnement » au carrefour des attentes du public, des atouts de la destination et du positionnement des destinations concurrentes. Ces trois éléments vont aider à identifier un positionnement différenciant pour occuper un créneau vacant du marché.
Par ailleurs, le positionnement se doit d’être :
- Simple pour être bien assimilé par tous, y compris les équipes.
- Attractif pour répondre aux attentes des clientèles.
- Crédible pour être en cohérence avec l’offre réelle.
- Profitable d’un point de vue économique.
- Pérenne pour pénétrer dans l’esprit des clients.
Pour aider à sa rédaction, le positionnement peut se transcrire simplement dans ce texte à trou : [Notre destination] propose [une catégorie de produits] ayant [telles caractéristiques] qui permet à [la cible] d’obtenir [tels bénéfices].
Le choix précis des marchés et cibles de clientèles
Un marché constitue l’ensemble des publics qui partagent les mêmes besoins, qu’ils cherchent à satisfaire avec des offres. C’est la rencontre de l’offre et de la demande. Généralement dans le tourisme, les marchés sont les bassins émetteurs de clientèles qu’ils soient locaux, nationaux et internationaux.
Pour finir, une cible est un ensemble de clients potentiels, que l’on cherche à conquérir, à fidéliser par des actions marketing, après avoir réalisé une segmentation en fonction de différents critères (sociaux, géographiques, économiques, comportementaux, etc.). Une cible est généralement traduite en « persona ». Même si l’exercice n’est pas toujours évident dans le tourisme, chaque cible doit constituer :
- Des groupes homogènes : dans chaque groupe, les individus doivent avoir des besoins et comportements identiques.
- Des segments exclusifs : un individu doit appartenir à un seul segment. Un segment doit pouvoir être une cible : mesurable, atteignable et de taille suffisante pour justifier des actions marketing spécifiques.
Le choix visionnaire de l’ambition
L’ambition c’est une projection dans le futur, un objectif à atteindre à 3 ans, par exemple être dans le top 10 des régions touristiques européennes. Elle peut s’appliquer à tous les domaines : financier, commercial, humain, écologique, intellectuel, sociétal, éthique… La ou les ambitions vont décliner les axes de travail du plan d’actions. L’ambition est intéressante en termes de communication car elle est suffisamment évocatrice pour parler au plus grand nombre, elle conquiert généralement les médias, la presse qui peuvent la reprendre littéralement dans leurs articles.
Voici une première approche sur les fondamentaux d’une stratégie de marketing touristique trop souvent oubliée, délaissée ou mal-aimée par les organismes de gestion touristique alors qu’elle est un des piliers d’une structure aussi bien dans son organisation que dans son plan d’action. La bonne nouvelle c’est qu’il n’est jamais trop tard pour y remédier !