Avant même de commencer la lecture de cet article, j’aimerais vous poser une question. Quel est, selon vous, l’indicateur le plus valorisant pour une marque, une personnalité ou, dans notre cas, une destination touristique, sur les réseaux sociaux ? Bingo, il s’agit de l’engagement des followers !
L’importance de constituer une communauté engagée n’est plus à démontrer. Il est donc tout naturel que la majorité des organismes touristiques mise sur des community managers pour accroître le sentiment d’appartenance au territoire, la fidélisation ou encore obtenir des feedbacks positifs et négatifs. Le community manager, communément appelé CM, est au cœur de la communication digitale puisqu’il interagit quotidiennement avec les communautés via la diffusion de publications et l’animation en commentaires. À leur contact, le CM a un rôle crucial à jouer, celui de divulguer un message en accord avec la destination, répondre à des questions précises, créer un lien empathique et, c’est tout l’intérêt de ce papier, les emmener vers des pratiques touristiques moins impactantes !
Dans l’ADN de certaines destinations depuis toujours ou au centre des stratégies depuis la pandémie mondiale pour d’autres, la communication autour du voyage plus respectueux de l’environnement et des populations a su trouver sa place sur les réseaux sociaux. Cependant, la barrière est fine entre un message moralisateur et un conseil pédagogique bienveillant. Et, vous le savez pertinemment, les abonnés ne laissent rien passer ! Un défi est donc lancé, celui d’embarquer les communautés vers un tourisme plus responsable sans les braquer. Mission acceptée !
La rédaction des publications, l’étape stratégique !
Lorsque le community manager scrute son planning éditorial, le cerveau bouillonnant, à la recherche des sujets à aborder sur les réseaux sociaux de sa destination touristique, prenez garde à ne pas le déranger car le choix qui sera fait a toute son importance. Loin d’être anodins, les thèmes et objectifs sélectionnés doivent déjà être stratégiques et engagés. Parmi eux, je peux notamment citer la désaisonnalisation, la redirection des flux, le tourisme de proximité ou encore la mise en lumière d’acteurs locaux. Une fois le planning rempli, le travail ne fait que commencer.
Un visuel attractif, mais pas que !
Instagram et ses comparses ont, pendant des années, dicté les codes d’un affichage lisse et uniformisé où la beauté était maîtresse. J’en ai moi-même fait les frais il y a quelques années lorsque j’ai utilisé cette photographie pour illustrer une sortie à vélo.
Une personne de la communauté (rappelez-vous, elle ne laisse rien passer) a rédigé un commentaire des plus pertinents : “Sans casque, en sens inverse de la circulation et sur le trottoir, belle image du vélo”. Si ce cliché a obtenu un zéro pointé en règles de sécurité, il pouvait se vanter de respecter les normes instagrammables. Serait-ce encore le cas aujourd’hui ? Adélaïde Jan traite le sujet avec brio dans son article Vers la fin de la perfection des contenus sur les réseaux sociaux en 2023 ?.
Choisir un visuel engagé ne s’arrête donc pas qu’à sa beauté. Bien d’autres critères sont à prendre en compte. À la sécurité des usagers, s’ajoutent par exemple la sécurité du photographe au moment de la prise du cliché (je rappelle qu’un selfi est cinq fois plus mortel que les attaques de requins), les règles en vigueur sur l’autorisation de filmer en drone ou encore faire le choix de l’inclusivité. Pour ce dernier point, Le beret basque et Center Parcs l’ont mis en pratique avec leur publication montrant respectivement une personne en fauteuil roulant et une famille noire. Des visuels qui se détachent de l’éternel couple jeune, blanc, hétérosexuel.
Un texte engagé, tout en délicatesse !
Après avoir trouvé un sujet et une jolie photo, tous deux engagés, vient le moment d’écrire le texte qui y sera associé. Ce moment est crucial puisque si l’édito est trop direct, il risque d’effrayer la communauté, et s’il est trop subtil, il passera inaperçu.
L’important ici est de s’adapter à la communauté à laquelle on s’adresse. Certaines sont très réceptives aux discours qui contiennent de l’information à forte valeur ajoutée. C’est le cas pour la marque Esprit parc national qui bénéficie d’abonnés très éveillés au voyage durable. Ses prises de paroles peuvent être détaillées et inclure des écogestes précis, comme dans cet exemple où elle incite les randonneurs à réduire leur consommation d’eau dans les refuges extrêmement touchés en période de sécheresse.
Puisque la grande majorité des destinations touristiques évoque peu la dimension durable, la communauté peut être surprise d’un changement de cap. La finesse est donc de mise. Chaque mot doit être réfléchi, la sémantique doit être diversifiée et les thématiques peuvent être variées. Béarn Pyrénées Tourisme nous le prouve en incluant le conseil “Avant de partir, on veille à ne pas laisser nos déchets derrière nous afin de préserver la biodiversité” sur une simple photo de coucher de soleil. Une action basique et non moralisatrice qui permet de semer une petite graine dans l’esprit de la communauté. Parler ouvertement d’environnement c’est bien, mais l’engagement ne s’arrête pas là. La publication sur la gratuité d’un pass par Drôme Tourisme valorise un tourisme pour tous quand le post sur l’histoire d’un artisan de la Toscane Occitane souligne un savoir-faire local et authentique. Impossible de s’ennuyer avec une ligne éditoriale engagée, il y a mille et une façons de l’exploiter !
L’animation de communauté, le lien à ne pas négliger !
On pourrait penser qu’à cette étape, tout le travail est fait. Il n’en est rien ! Lorsque la publication est publiée, le community manager endosse un rôle d’animateur. L’objectif premier de la modération est de créer un climat de confiance entre la destination et les membres de la communauté. L’objectif secondaire est d’influencer les comportements vers un tourisme plus responsable. Avec empathie et parcimonie, c’est-à-dire sans balayer d’un revers de main les commentaires des utilisateurs pour forcer un message engagé, le CM va devoir délivrer des écogestes adaptés ou pointer du doigt des attitudes problématiques. Des explications précises et l’utilisation d’emojis permettent de faire passer le message sans briser la relation précédemment créée. Encore mieux, la relation se voit renforcée.
L’utilisation des fonctionnalités, pour aller encore plus loin !
Les réseaux sociaux disposent de nombreuses fonctionnalités pouvant être utilisées pour guider encore un peu plus les communautés vers un tourisme plus responsable. Laissez-moi vous présenter 4 d’entre elles.
- Le choix du format
Les formats tels que les carrousels, les réels, les stories ou encore les guides, peuvent permettre de donner vie à une prise de parole engagée, bien plus que ne pourrait le faire une publication photo classique. C’est ce qu’a fait le compte Instagram Le Sud à vélo en publiant un carrousel créatif pour parler d’une sortie dans les Gorges de Daluis. On peut expliquer cela par le souhait de divulguer des informations concrètes et visuelles aux abonnés. En effet, le carrousel mélange des photos, l’itinéraire et des informations clés comme le dénivelé et la durée. De ce fait, les personnes intéressées peuvent enregistrer la publication et se projeter sur la réalisation de cette activité douce.
- L’accessibilité numérique
L’accessibilité des réseaux sociaux est le fait de rendre le contenu d’une publication accessible à tous les utilisateurs, quel que soit leur matériel, leur langue maternelle, leur culture, leur localisation géographique, leur âge, ou leurs aptitudes physiques ou mentales. Ici, je vais délibérément m’axer sur l’accessibilité aux personnes en situation de handicap car selon Aveugles de France, près de 1,7 million de personnes sont atteintes d’un trouble de la vision en France et d’après Surdi ce sont 10 millions qui sont sourdes ou malentendantes. Longtemps exclues par la conception même des applications, ces personnes peuvent utiliser Facebook, Instagram ou même Twitter de manière plus optimale depuis quelques années. Encore faut-il que les options leur facilitant l’utilisation soient utilisées par tous. Pour ce faire, un texte alternatif doit être ajouté sur les photos et des sous-titres doivent être apposés sur les vidéos. Visit Bordeaux le fait de manière systématique, la preuve avec leur dernière vidéo diffusée sur Instagram. Bonus non négligeable, les utilisateurs qui ont mis leur téléphone portable en mode silencieux seront aussi touchés grâce à l’ajout des sous-titres.
- L’absence de localisation
Le but premier d’une destination touristique sur les réseaux sociaux est de promouvoir son territoire et de faire venir une cible spécifique sur place. Il semble donc logique de géolocaliser le lieu identifié sur la publication afin de donner le plus d’informations possibles à cette fameuse audience. Cependant, cette technique a une limite, celle d’accentuer le tourisme de masse sur des sites qui peuvent être bien trop fragiles pour ça. Le WWF France en a fait le constat en 2019 : “la géolocalisation sur Instagram des lieux préservés met en péril la biodiversité”.
La solution est toute trouvée, on indique la localisation lorsque le lieu peut accueillir un large public et on ne donne pas la localisation lorsque le lieu est à préserver. Le wording ainsi que la modération permettront de justifier un tel choix.
- Les collaborations
Les posts en collaboration ont le vent en poupe depuis quelques mois. Cela consiste à publier un contenu de manière simultanée sur deux pages Facebook ou deux comptes Instagram différents. Visible sur les deux feeds avec le nom des deux collaborateurs, la publication touche alors deux audiences différentes en même temps. C’est ce qu’on appelle faire d’une pierre deux coups !
Si les avantages quantitatifs sont indéniables puisque la portée est fortement augmentée, l’atout qualitatif est aussi de la partie ! Le post en collaboration permet de valoriser les acteurs du territoire qui ont très souvent moins d’abonnés et moins de visibilité qu’un OT, ADT ou CRT.Béarn Pyrénées Tourisme, qui compte plus de 24 700 abonnés sur Instagram, l’a fait récemment avec un prestataire d’à peine 5 400 abonnés. En plus de satisfaire l’hébergeur local, la publication apporte une information claire et précise à la communauté qui saura vers qui se tourner pour passer une nuit engagée et insolite.
En conclusion
Nous venons de le voir, guider les communautés vers un tourisme plus engagé est tout un art. Un art qui s’apprend, se réfléchit, se ressent et s’applique au quotidien pour des résultats sur le long terme. Car le tourisme responsable sur les réseaux sociaux se doit d’être une réflexion globale du territoire.
Dans un contexte où la puissance de l’Intelligence Artificielle pose des questions sur l’avenir de certains métiers, dont ceux de la rédaction, le community management engagé est une plus value incontestable.