IA : pourquoi le tourisme reste à quai (et comment l’embarquer) ?

Publié le 19 septembre 2024
5 min

Quasiment deux ans après la vague Chat GPT, quelle est le niveau d’appropriation de l’Intelligence Artificielle par les acteurs du tourisme, qu’ils soient institutionnels ou privé? Force est de constater que c’est terriblement inégal.

Des majors qui ont de suite dégainé

On a d’un coté les ACCOR, Disney, et autres majors du tourisme, qui ont rapidement investi le champ de l’Intelligence Artificielle. Ainsi, le groupe ACCOR, à travers sa Digital Business Factory a lancé de nombreux chantiers autour de l’IA, que ce soit dans la relation client, le revenue management, la production de contenus marketing, évaluation des campagnes en ligne, ou encore le tri des CV dans les RH. Aujourd’hui, quasiment 40% des réponses clients sont automatisés, souligne cet article des Échos. La stratégie du groupe est simple : mettre l’IA dans les mains de tous les collaborateurs.

A coté de cela, on se rend compte que l’adoption de l’IA dans l’hôtellerie en Europe connaît de nombreux freins, comme le montre cette étude réalisée par l’HES-SO du Valais en Suisse. 1100 hôteliers en Suisse, Allemagne, Autriche et France ont répondu à l’enquête. On se rend compte que les freins à l’adoption de l’Intelligence Artificielle par les hôteliers sont le coût, la compatibilité avec les systèmes d’information existants, et les difficultés techniques aggravées par le manque de connaissances technique de l’IA au sein des entreprises.

Étude HES-SO Valais

Et pourtant, la même étude analyse l’ensemble des utilisations possibles de l’IA dans l’hôtellerie, et la liste est réellement impressionnante, de la gestion à la relation client en passant par le revenue management.

Aujourd’hui, les plateformes comme Expedia ou Booking ont ajouté une couche d’IA dans leurs interfaces à destination des hébergeurs. Mais l’adoption. par les professionnels de ces outils est beaucoup plus lente qu’espérée…

Les ODG plus ou moins pressés

En préparation des rencontres du etourisme de Pau, qui verront se succéder plusieurs ateliers autour de l’intelligence artificielle, nous avons lancé un questionnaire auquel ont répondu près de 40 offices de tourisme, ADT, CRT. Nous voulions savoir comment, depuis un an, l’IA était rentrée dans les OGD.

Le résultat est éloquent. Si on parle d’appropriation de l’IA, on est plutôt sur le « on a commencé à s’y intéresser »…

Quant aux utilisations elles restent basiques. C’est avant tout la création de contenu qui a conquis les OGD. Rédaction de texte et création d’images sont les deux utilisations principales, et de loin. Suivies par la fonction « super moteur de recherche », qui vous serez d’accord, n’est pas la fonction première de Chat GPT ou de Gemini.

Sans donner trop d’importance statistique à ces réponses, cela montre bien qu’il reste un pas à franchir dans l’adoption sur l’ensemble des équipes de l’IA. Seule condition selon moi pour pouvoir en utiliser tout le potentiel.

Les plus petites entreprises à la ramasse

Alors, si l’IA n’est pas encore bien intégrée dans les OGD, ou du moins pas de façon approfondie, c’est vraiment pire chez les prestataires touristiques, et notamment les petites entreprises, souvent unipersonnelles. J’ai animé ces derniers mois plusieurs ateliers de prestataires à l’occasion de journées organisées par des offices de tourisme. Je suis toujours surpris par le moment « découverte » des fonctionnalités de base (traduction, création de contenu ou d’image, chatbots, etc.). A chaque fois, un grand nombre de prestataires (et parfois de membres de l’équipe de l’office de tourisme) n’ont tout simplement jamais essayé une plateforme d’IA, et ne soupçonne pas la révolution qui est en train de se produire sous leurs yeux.

J’ai vraiment l’impression de retourner 15 ans en arrière, lorsque l’on montrait à un groupe de prestataires comment des outils de base comme une page Facebook ou un Google My business pouvaient leur changer la vie. Ces plus petites entreprises, seules, ne prendront pas le virage.

On se retrouve donc dans une nouvelle période de transition obligatoire pour notre secteur d’activité : prendre le train de l’IA avant d’être complètement débordé.

Il y a sans doute plusieurs phases pour les acteurs du tourisme : la sensibilisation, qui permet de s’ouvrir aux champs du possible; Vient ensuite la formation afin de pouvoir comprendre la logique de l’IA générative notamment; et enfin la spécialisation sur des fonctions plus précises.

Faut-il inventer les ANT de l’IA ?

C’était il y a bientôt quinze ans : le constat était alarmant : l’appropriation du numérique par les acteurs du tourisme, et notamment par les TPE était très faible. D’où l’idée de former des Animateurs Numériques du Territoire, qui faisaient eux-mêmes leur virage numérique, avant de transmettre leur savoir auprès de leurs collègues et auprès des prestataires touristiques du territoire. Si cette initiative est née en Aquitaine, elle a vite essaimé en France, et plus de 1100 ANT ont été formés, contribuant réellement à faire prendre le virage numérique aux OGD et à de nombreux prestataires touristiques.

Faut-il refaire la même chose pour l’IA?

On voit que peu de métiers d’appropriation existent autour de l’IA. On parle bien de Chief Artificial Intelligence Officer (CAIO). C’est un nouveau poste stratégique qui émerge dans les entreprises pour piloter leur transformation numérique liée à l’intelligence artificielle. Mais le volet sensibilisation, formation et transmission n’est qu’une partie infime de sa mission.

Il faut sans doute travailler à réinventer les ANT de l’Intelligence Artificielle. J’ai même déjà trouvé le nom. Ce seront les AIATOLA, pour Animateur Intelligent d’Apprentissage et de Transformation Organisationnelle Largement Augmentée. Merci à Gemini qui m’a un peu aidé.

Blague à part, si ce sujet d’appropriation et de formation à l’IA pour l’industrie touristique vous intéresse, notez que nous aurons un temps d’échange sur ce thème à Pau. Cela se déroulera le mardi 16 octobre à 15h30. Il s’agît d’une discussion informelle, pour faire avancer les réflexions communes. Nous aurons le plaisir d’échanger avec les mais québécois qui ont de super retours d’expérience à nous partager.

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Jean Luc Boulin est consultant en tourisme : Intervention auprès des élus et des prestataires touristiques, coaching, accompagnement des équipes et des directions sont ses principaux champs d'intervention. Avec deux exigences : se mettre à la place du client et oser l'innovation. Directeur de l’office de tourisme de l’Entre-deux-Mers (Gironde) et du pays d’accueil touristique du même nom pendant plus de dix ans, Jean Luc Boulin a dirigé la MONA [...]
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